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[Rencontre] Eurêka. Slam & twist (again)

Dernière mise à jour : 13 févr. 2022

C’est un tweet de Sylvain Foucaud qui m’a alerté sur le travail de Eurêka il y a deux jours... Le calendrier étant ce qu’il est, comme vous allez voir ci-dessous, il fallait agir vite. 1ère chose, naturellement, écouter. J’ai donc mis les écouteurs et cherché, regardé... La conclusion est claire: oui, il fallait que tout le monde découvre au plus vite son univers. Ce sera en partie chose faite après avoir lu ce qui suit! Bonne lecture



Bonjour Eurêka ! Comment ça s'est passé hier de l'autre côté du pont ?


Bonjour Philippe. C’était super et c'était une occasion pour moi de tester ma nouvelle formule de concert avec projection vidéo que j’expérimente depuis maintenant 6 mois. Elle a pour spécificité d'illustrer par un petit film de dessin animé chacun de mes textes. Ca permet de fédérer non seulement les gens qui aiment déjà mes textes, mais ça permet aussi d'accrocher les personnes peut-être moins sensibles au slam qui sont venues accompagner les gens qui le sont et ça permet aussi d'entrer par une autre dimension dans mes textes, de leur donner en tous cas quelque chose d’un peu plus graphique et visuel. J'ai beaucoup de chance, j'ai un public qui est très bienveillant, très attentif au texte. Hier soir, il y avait une bonne qualité d'écoute et des larmes dans les yeux à la fin. Je fais ce métier parce que je considère que la finalité de l'art est de donner des émotions aux gens, donc, une fois de plus j'ai été servi. C'était une très belle soirée.


En fait, tu allies tes deux passions : le cinéma et la chanson ? Parce que, bien avant de faire de la chanson, tu voulais faire du cinéma...


Quand j'étais adolescent mon rêve état de devenir scénariste de film et comme, bizarrement, le monde du 7ème art ne s'est pas jeté sur moi pour me proposer des contrats, je me suis dit que j'allais écrire des scénarios en musique et en slam. C'est la raison pour laquelle j'ai adopté rapidement ce concept de terminer mes morceaux par un retournement de situation, ce qu'on appelle un “twist”. C'est un concept que j'ai piqué à mon cinéaste préféré M. Night Shyamalan, le réalisateur de “6eme sens”, entre autres. C’est vrai qu’aujourd'hui j'allie à la fois ma passion pour la chanson et ma passion pour les films... avec ce twist à la fin.


C'est toi qui réalise les clips de tes chansons?


Il y a deux choses. D'une part, les films qui m'accompagnent sur scène qui sont, plutôt que des clips, des petits films avec des dessins animés. On a pris un parti pris scénique: je suis accompagné par une grande feuille blanche sur laquelle se dessine au crayon de papier et au fusain pendant tout le concert différentes formes de façon poétique pour illustrer mes textes. Donc pour moi ce ne sont pas des clips, c'est vraiment partie intégrante de la scénographie et de la mise en scène du concert. J'ai confié le travail à une animatrice lyonnaise, Léa Fabreguettes, qui s'est inspirée pour cela de mon clip le plus populaire “Le mystère de la chambre rose” qui a été entièrement réalisé avec ce design. Léa a eu la bonne idée de s'en inspirer et de réaliser des séquences de dessin animé équivalentes. C'est quelque chose que les gens ne vont découvrir qu'en concert. Ensuite, il y a les véritables clips de mes morceaux, certains en dessin animé, d'autres en action réelle. Ils ont été réalisés par différents réalisateurs de clips sur la région lyonnaise ou à Paris. Pour ce qui est de la scénographie, c'est vraiment moi qui ai donné les indications de story board à Léa pour les illustrations des concerts, pour les clips des morceaux, j'ai préféré être plus souple et j'ai donné une vraie liberté de réalisation au réalisateur, en gardant bien sûr un regard dessus.


On va revenir au début... Tu avais un travail depuis 15 ans. Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi as-tu changé de vie ?

Depuis que j'étais adolescent, j'écrivais des textes de slam dans ma chambre mais comme beaucoup de gens qui rêvent de faire ce métier, j'avais dans la tête ce qu'on appelle les “croyances limitantes” que la famille, la société, les amis te rabachent, sans du tout penser à te nuire, ce genre de croyances selon lesquelles, par exemple, vivre de la musique ça n'est pas possible, être musicien ou artiste professionnel, c'est un fantasme, une utopie... Et puis, il y a 3 ans, j'ai eu une rupture amoureuse très douloureuse. Je me suis retrouvé au fond d'une espèce de trou et en fait, ma vie n'avait plus aucune valeur. Et je me suis dit, puisque plus rien n'a d'importance, je vais faire un truc complètement kamikaze: je vais tout plaquer pour vivre de la musique. Et, en fait, j'ai eu beaucoup de chance! Je considère avec le recul que cette rupture a été un petit miracle, parce que j'ai très vite gagné des prix musicaux sur Lyon en osant me lancer, en travaillant énormément aussi, en me formant au métier de producteur, puisque aujourd'hui, quand tu te lances en tant qu'artiste il faut être au moins au début ton propre producteur. Le succès est arrivé assez vite. J'ai eu la chance d'être repéré par différentes structures, de gagner des tremplins musicaux. J'ai notamment gagné le tremplin TCL, Transports en Communs Lyonnais, il y a deux ans, j'ai été choisi par la mairie de Lyon pour jouer sur la Place des Terreaux le soir de la fête de la musique, la plus grande scène de la ville, j'ai gagné aussi le concours “Incroyablement Lyon” en 2017, un dérivé de l'émission de M6 “Incroyable Talent” et puis, encore récemment, j'ai gagné le tremplin Radio Scoop - Mynkasi 2018 à Eurexpo - Lyon devant 1.300 personnes. Finalement j'ai dégagé assez vite non seulement une économie, mais également un succès d'estime. Tant et si bien que, un an et demi après, je faisais mon pot de départ dans mon entreprise... que je n'aurais sans doute jamais osé quitter sans cette rupture amoureuse ! C'est également aussi la raison pour laquelle mes textes sont beaucoup teintés de l'idée qu'il faut s'écouter pour suivre sa voie et que parfois des événements qui peuvent paraître négatifs au premier regard peuvent avoir finalement un débuché positif... Je parle beaucoup de ça, parce que je l'ai vécu directement.



C'est ancré dans ton parcours


Exactement.


Si j'ai bien compris, tu ne rappes pas, mais tu dé-rapes... !


J'essaie de ne pas trop déraper non plus! En fait, il y a toujours un débat pour savoir si je fais du rap ou plutôt du slam. J'ai toujours dit que j'avais envie de faire du rap pour les gens qui en ont une image négative, qui pensent que le rap ce n'est que de la violence, des insultes et de la misogynie. J'avais envie de prendre la forme musicale du rap, qui me plaît énormément, qui consiste à poser de la poésie sur une boucle instrumentale, mais pour l'utiliser pour raconter ce que moi en tant qu'auditeur j'aurais aimé trouver chez n'importe quel rappeur, c'est à dire des histoires qui font sens, qui permettent de vivre une petite catharsis et de livrer un vrai joli message. Je pense que c'est la raison pour laquelle finalement il y a beaucoup de gens dans mes concerts qui n'aiment pas le rap ou n'en écoutent pas beaucoup. J'ai un public très atypique. J'ai fait un sondage sur les réseaux sociaux dernièrement, je me suis aperçu que la plupart des gens qui me suivaient avaient 40 ans et plus, c'est plutôt un public féminin, ce qui est aussi très inhabituel pour du rap ou du slam, et puis il y a aussi des personnes âgées, et quand je dis âgées, ce sont vraiment des seniors 60 -70 ans. La question que je pose à chaque début de concert, c'est: levez la main les gens qui n'auraient jamais pensé poser les pieds dans un concert de rap. Et la quasi totalité des gens lèvent la main! Je pense que le rap en lui-même personne n'y est allergique, le fait d'écouter de la poésie posée sur instrumental après il faut juste savoir comment s'adresser au cerveau et au coeur des gens. Voilà, je suis assez fier de ce truc-là et c'est aussi un cadeau que me fait le public de me suivre sur ce créneau particulier, d'écouter mes textes et finalement de revoir un peu son jugement sur ce mot de “rap” qu'on peut trouver pas très joli comme ça en soi...


Chacune de tes chansons est une histoire courte qui se peut mettre en images?


Oui, c'est vraiment le côté cinématographique de ce que je fais avec une accroche, un milieu une fin, qui correspondent les 3 couplets de mes morceaux quasiment à ce qu'on appelle les trois actes dans un scénario de cinéma absolument.

Devinez-vous la chute de ce clip? https://www.youtube.com/watch?v=L4nI3zoR_hI

Donc, tu jouais hier à Lyon de l'autre côté du pont et tu as plein de choses qui sont entrain d'arriver. Comment s'annonce ton année 2019 ?


Elle s'annonce plutôt bien remplie. J'ai eu la chance d'être suivi pendant toute l'année 2018 par l'une des plus grosses boites de spectacles de musiques urbaines de France, Yuma Prod, on a fait avec eux un vrai travail de production sur mon projet, j'ai eu la chance d'être épaulé par des pros qui m'ont dit ce qui allait, ce qui n'allait pas, comment je pouvais vraiment, sans perdre l'essence de mon projet, le rendre plus accessible au public et maintenant que j'ai cette nouvelle mouture, avec ce concert avec les vidéos, un nouveau graphisme de nouvelles photos, et bien le but va être d'aller à la conquête des médias. La médiatisation est vraiment le fil conducteur de l'année 2019. J'ai eu la chance récemment d'avoir un passage sur France Culture, ce qui est la preuve que des grosses radios peuvent être intéressées par ce que je fais et j'ai envie de croire au fait que d'autres radios puissent le faire aussi. Ca va donc être un de mes chevaux de bataille pour 2019 : médiatisation, radios et télés.


Peux tu nous dire un mot sur la scène lyonnaise ? A-t-elle quelque chose de particulier sur le terrain que tu fréquentes, c'est à dire le texte... (clin d’oeil au passage aux amis Mehdi Krüger, Ostax First & Sensible)

Il y a énormément de soirées slam qui sont organisées à Lyon. Au cours desquelles j'ai eu la chance de faire mes premières armes. Une soirée slam, c'est un endroit convivial avec un animateur, on peut s'inscrire auprès de lui au début le soirée, qu'on soit complètement novice ou pas, auteur de texte de slam, de rap et on a la chance d'être écouté pendant 3 mn par un public bienveillant. Et la présence de ces scènes à Lyon, peut-être davantage que dans d'autres villes, puisqu'elles sont plutôt nombreuses, il y en a environ 4 par mois dans des endroits différents, m'a permis de découvrir ce que c'était que la scène et de rencontrer également d'autres slameurs, donc, je pense que Lyon, avec également valence dans la Drôme est l'une des villes les plus dynamiques en terme de slam et ça a été une de mes chances aussi.


Super. Un mot de conclusion par rapport à la vie d'artiste... Puisque maintenant, ça y est, tu vies de ton art...


Je commence à vivre de ma passion.


Comme tu disais, il ne faut pas avoir peur de s'écouter ?


C'est exactement ça. C'est vraiment la clé du succès. Je pense qu'on a tous en nous une étincelle unique pour réussir et je me livre moi-même un combat de tous les jours pour trouver le bon équilibre entre écouter les conseils des professionnels qui ont des choses très intéressantes à m'apprendre et c'est important aussi d'avoir leur regard, il faut prendre ce qu'il y a à prendre, mais aussi de garder ce qui fait vraiment notre originalité, cette étincelle qu'on a au fond de nous et qui fait notre identité, parce que c'est aussi ça que le public vient trouver. Je pense que le conseil que je donnerais aujourd'hui à une artiste pour avoir le plus de chance de vivre de sa passion, c'est précisément de prendre le temps de réfléchir à ce qu'il y a d'unique en lui par rapport aux autres et de mettre ça en tout premier plan.


Un grand merci à Sylvain Foucaud pour la découverte! Propos recueillis par #PG9







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