Slameuse/ Slameur: Maël
Equipe de: Toulouse
Pourquoi Slamez-vous?
Enquête auprès des slameurs sélectionnés pour la Coupe de la Ligue Slam de France 2019 www.ligueslamdefrance.fr
Bonjour Maël ! Comment as-tu rencontré le slam ?
Bonjour Philippe ! J'ai découvert le slam à l’époque où ils ont présenté le film “Slam” dans l’émission “Nulle Part Ailleurs”. Je ne connaissais pas du tout le mouvement, c'est la première fois que j'en entendais parler. A l’époque je faisais du rap. Lors d'une formation d'animation, j'ai fait un rap a cappella, une copine m'a dit qu’il existait des scènes slam et que ça avait tout à fait sa place. Et voilà. C'était avant que Grand Corps Malade ne sorte des trucs et le terme de slam était vraiment anecdotique. Quand on disait “je fais du slam”, personne ne comprenait rien. On nous demandait : “tu te jettes sur le public, c'est ça?”. C'était drôle. Il fallait vraiment expliquer le mouvement. Aujourd'hui, il y a un autre problème : quand on dit slam, les gens ont l'impression qu'on fait du rap lent sur de la musique sans rythme…
Donc, tu rappais avant de slamer ?
Oui. J'ai fait beaucoup de choses. J'avais un groupe de rap qui a pas mal tourné à l'époque, mais à la base, j'ai commencé dans le punk… Puis y’a aussi eu le théâtre depuis mes 11 ans. Il y a beaucoup de gens qui racontent leur première scène slam, le cœur qui bat, tout ça… J’avoue que je ne m’en souviens pas vraiment. Je faisais déjà de la scène avant.
Tu as toujours traîné du spectacle et de l'expression orale ou musicale ?
Oui. Mon père a monté une association de théâtre quand j'avais 11 ans et du coup j'ai fait du théâtre de 11 à 23 ans. Au départ comme participant puis ensuite je donnais des cours aux troupes ados. A partir de 15 ans, j’ai découvert la musique, on a monté un groupe de punk, puis du punk je suis passé au rap. Le slam est arrivé dans une continuité. J'ai toujours écrit, depuis que je suis tout petit et avec le slam, j'ai trouvé un moyen où je pouvais tout faire. Utiliser le rap, le théâtre, et même chanter si j’en avais envie… Mais j’en ai pas envie. Il n’y a pas de règles. On peut changer autant de fois de style qu’il y’a de texte. Toutes les pattes qui m'intéressent dans l'expression artistique, on peut les faire apparaître. Du coup, il y a tout le temps un renouvellement, des nouvelles pistes à explorer. C’est libre.
Ta sensibilité aux mots vient de ta famille ou de ton observation du monde ou...?
Je ne sais pas du tout. C’est vrai que dans ma famille, oui, quand même, tout petit on m'a fait écouter Brassens, qui m'a beaucoup marqué. Mon école primaire était l’école Jacques Prévert, une école expérimentale où on pouvait écrire des contes. Ca doit jouer... Jacques Prévert, j'aime beaucoup en fait. Je fais un lien entre Prévert et Brassens, mais aussi je pourrais le faire avec Neruda. Je retrouve dans les trois auteurs une forme assez simple, un langage populaire accessible. Pas de terme compliqué. C’est très direct. Je sais pas si je réponds à la question mais je pense que ça vient de là, oui.
A partir de là, un de tes objectifs est de partager ça, donc de faire naître l'envie de ça chez les autres ?
Je ne sais pas. Après, moi, sur une scène slam, je ne m'estime pas poète, parce que pour moi la poésie, c'est un très très grand mot. J'aurais du mal à dire “je suis poète”, pour moi un poète est immense et je suis tout petit. Par contre, je vois le slam, comme un spectacle vivant. J’essaye de créer des petits théâtres, des bulles artistiques en utilisant la gestuelle, les mots, les sonorités, tout ce qui est possible. Je n’essaie de pas forcément de susciter une envie. Très souvent, j'aime la forme de la fable ou de l'allégorie parce que c'est une histoire, on propose et on ne donne pas de solution, même si elle est vachement suggérée! J'aime bien cette manière de faire. Il y a “le loup et l'agneau” une des fables de la Fontaine qui tient d’ailleurs plus de l’ordre de pamphlet qui m'a toujours intéressé. En fait on dit d’emblée “la raison du plus fort est toujours la meilleure” et il y a juste une explication, c'est une des fables sans morale à proprement dit. Mais La Fontaine oriente le texte pour que tout le monde ait la même conclusion. J'aime bien ce côté : on fait un tableau et les gens prennent dedans. Voilà.
De ce que tu dis, est-ce que on peut en comprendre que tes slams, que tes 3 mn de slam, sont en fait des laboratoires pour toi pour faire d'autres choses ?
Peut-être. On est en train de travailler sur un spectacle aussi. Après, pour moi la forme en solo ne m'intéresse pas. Un slameur, même le meilleur du monde, au-delà de 5 textes d'affilé, je trouve ça pénible. Ce que j'aime beaucoup dans le slam, c'est le collectif de la scène. Le spectacle qu'on travaille sur l'absurde, on le fait à trois, là je trouve que ça a du sens de faire une expérience collective, mais l'idée du spectacle slam solo j’ai déjà essayé, ça ne me plaît pas des masses. Après c'est un choix, c'est vraiment très personnel, je suis très heureux que d’autres accrochent.
Comment écris-tu? Seul ?
Oui. J'écris toujours tout seul. C'est pas facile l'écriture à plusieurs ! Là, on écrit le spectacle à plusieurs, et les moments d'écriture en commun, c'est compliqué. Moi, je suis laborieux. Je reprends 100 fois les textes, je les découpe, les recolle... bref c’est déjà galère. Je connais plein de slameurs qui écrivent à l'instinct, quand ils ont l'inspiration, ils font un truc et ça marche... Je les envie. Flaubert avait besoin de reprendre 100 fois ses phrases pour être satisfait. C'est le seul rapport que j'ai avec Flaubert, soyons clairs !
Qu'est-ce que tu peux dire de la scène slam à Toulouse ?
Elle est super belle. Cette année, on est arrivé à quelque chose dont j'ai rêvé. Ça fait quand même un moment que j'ai commencé le slam à Toulouse, en 2004 et, la scène slam est devenue très jolie. En fait, on est plein de slam masters différents, on a plusieurs associations, on a chacun nos lieux, et on s'entend tous très bien. Il y a eu une époque où il y avait des petites guerres, des querelles, chacun militait pour sa paroisse. On a essayé aussi de travailler tous en commun, mais en fait, tout le mouvement était bloqué, parce qu'il y avait qu'une seule énergie. En ce moment, on n'a pas du tout des envies communes, mais on s'entend très bien. On collabore, on va tous dans les scènes des autres, on participe... Cette année était exceptionnelle... “La nuit du slam” a été un vrai moteur sur Toulouse, un festival étalé sur presque deux mois en Occitanie. A côté de ça, on a notre association avec Sebseb et d'autres : L’Ecole du Magret d'argent qui complète l’action. On fait des tournois, des concerts, des perfs un peu partout sur Toulouse. On commence à être bien connus et du coup ça aussi ça apporte des événements d'ampleur. Il y a 7 scènes régulières sur la ville donc, oui le mouvement va très bien à Toulouse. Beaucoup de variété. A Toulouse on est des punks dans l'âme. Pendant très longtemps, le tournoi, on l'a détesté, on ne voulait pas en entendre parler. Ce qui fait que Toulouse était inconnue sur la scène nationale. Quand mon pote Sebseb est arrivé, il a réussi à convaincre, moi j'étais un pur et dur contre. Il nous a amenés à la Ligue Slam de France et au final ça m’a intéressé. Maintenant j’adore les tournois… On change… C'est un jeu, juste un jeu. A Toulouse, ça a été très compliqué. Historiquement, le slam à Toulouse est né dans les squats, c'est extrême gauche à fond, on est bien anars, donc c'était compliqué d'expliquer qu'on allait noter les gens...
C'est pas trop dans l'esprit...
C’est ça. Pour dédramatiser le truc, ça nous a appris à faire des pirouettes. Il faut toujours que le tournoi soit ludique sinon ça peut pas coller avec le slam toulousain. En ce moment, on a trouvé des trucs rigolos, on offre des conneries pour les gagnants du coup les gens comprennent que gagner ne t’apporte rien de plus que gagner au Monopoly….
Un mot pour conclure ? Qu’aurais-tu à dire à quelqu'un qui veut découvrir le slam ?
Il faut venir voir déjà. Je pourrais expliquer mais ça ne servirait pas à grand-chose. En fait, tout ce à quoi on s'attend, on ne va pas le trouver, on va trouver quelque chose de nouveau. Pour moi, c'est un mouvement qui est beau en soi, parce qu'il est libre et gratuit. N'importe qui a le droit de devenir acteur s'il en a envie et s'il n’en n’a pas envie il ne monte pas, c’est bien aussi. Sur scène, ce sont les mêmes règles pour tous, pas de feintes. On a tendance à dire avec Sebseb qu'on est plus que des acteurs de la scènes slam, pour moi on est militant parce qu'il y a cette idée qu'on défend quelque chose. C’est idéaliste mais on ouvre des bulles d'expression libres éphémères tous les mois où n'importe qui peut participer, ouvertes à tous, gratuites, on change un peu la donne… Puis, il n'y a pas beaucoup d'endroits gratuits dans ce monde...
Un grand merci à la Ligue Slam de France, à toute l’équipe de Toulouse, notamment bien sûr à Maël pour sa disponibilité...
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