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[Pourquoi Slamez-vous?] Coupe de la Ligue Slam 2019: K Rol, Marseille

Slameuse/ Slameur: K Rol Equipe de: Marseille


K Rol par Emmanuel Chamin - Machin Truc (c)


Pourquoi Slamez-vous?

Enquête auprès des slameurs sélectionnés pour la Coupe de la Ligue Slam de France 2019 www.ligueslamdefrance.fr


Bonjour Carol ! C'est dommage, on n'entend pas la mer, mais elle est derrière, c'est ça ?


Bonjour Philippe ! Oui, j’en suis à 20 mètres, elle fait vraiment du bruit. Il y a beaucoup de vent aujourd'hui.


Première question... Comment as-tu rencontré le slam ?


Grâce à mes enfants. Mes deux filles étaient adolescentes à l'époque. La plus grande écoutait Grand Corps Malade et elle m'a emmenée à un concert. Des slameurs distribuaient des flyers pour une scène slam. Après le concert, ma fille voulait absolument y aller, je me suis dit, je vais déjà voir ce que c'est moi-même. Je suis donc allée à la scène slam... et je ne suis plus jamais repartie.


Tu écrivais déjà avant ou pas du tout ?


Oui, mais je viens du théâtre, mes textes étaient plutôt théâtraux : des scénettes et des pièces.


A quoi assimilerais-tu le slam ?


Aux 3 minutes que tu as pour parler sans que personne ne te coupe la parole. Et je trouve ça assez génial: pendant ces 3 minutes, tu dis ce que tu veux. Tu développes ton argumentaire ou pas, tu fais des références ou pas... Tu as suffisamment de temps pour être assez complet, sans avoir d’interlocuteurs qui influencent le déroulé de ton propos. J'aime bien m'exprimer comme ça et entendre les autres s'exprimer comme ça aussi. J'ai rencontré plein de slameurs d'abord par leur texte avant une vraie rencontre physique où on a tchatché. Grâce à leurs mots, j'avais déjà l'impression de les connaître un petit peu.


Un slam, c'est comme un portrait rapide? Une photo?


La photo instantanée de choses qui leur tiennent vraiment à cœur. Des choses qui n'auraient pas été dites lors d’une rencontre “normale”, du moins pas immédiatement.


Ton écriture s'est-elle métamorphosée entre le moment où tu écrivais pour le théâtre et celui où tu t'es mise à écrire pour le slam ?

K Rol. Photo: @nicolaskaplan - nicolaskaplan.fr (c)

Oui. Beaucoup. Dans le sens où j'ai décidé d’un parti pris : venant du théâtre, et donc inventant des personnages et des situations fictifs, tout ce que j'écrirais dans le slam serait des anecdotes de ma vie, de mon vécu ou de celui de mes proches.


Comment écris-tu? Quand tu veux faire un texte de slam, tu te poses à table, tu vas dans un café...?


En voiture ! Pour le coup, j'écris à l'oral. Deux trois phrases me viennent en voiture, je mets mon téléphone et je les enregistre. Je me parle, je développe mon idée, c'est très bizarre. Après, quand je rentre chez moi, je me pose et je remets tout ça au propre sur l'ordi, je le retravaille, mais ça commence par l'oral chez moi.


Tes textes naissent dans la voiture...


Oui, je fais pas mal de kilomètres pour mon travail, je suis beaucoup toute seule dans ma voiture. C'est là que me viennent les idées, que je classe ma pensée, que je fais mes bilans de journée... ou de vie.


Ca passe par quel sens principalement ? L'oreille, le regard... ?


Par des anecdotes de vie. Par ce qui m'arrive, les gens que je rencontre, c'est beaucoup ça qui m'inspire.


Par la mémoire donc? Tu vas chercher les émotions de tes souvenirs?


Voilà. Souvent, un texte de slam est écrit très rapidement après quelque chose qui m'est arrivé. Une anecdote qui peut paraître sans importance, que tu pourrais raconter le soir à des potes autour d'un verre, moi je l'écris. Je m'en parle déjà à moi dans la voiture - sans boire le verre bien sûr !


Tu la transformes, tu la transcendes ou est-ce que tu restes au plus près de la réalité ?

K Rol. Photo: Gilles Bois (c)

J'essaie de rester au plus près des faits. Par contre, j'essaie d'analyser mon ressenti et de comprendre pourquoi j'ai envie d'en faire un texte, d’en parler, de la partager. Souvent une anecdote de ta vie te renvoie à des valeurs profondes sur l'existence en général, ou au regard que tu portes sur le monde ou encore à ce qui te remue dans l'actualité. Donc, de cette petite anecdote, j'essaie d'avoir un point de chute beaucoup plus général, une ouverture qui peut m’éclairer sur mes propres priorités, sur mon analyse d’une actualité. J’apprends à me connaître... Je me dis aussi que si c'est important pour moi, ça doit l'être aussi pour d'autres. Ou du moins que mon histoire peut faire écho chez l’autre. Je pars du principe que les anecdotes qu'on raconte à ses potes, ou qu'on a envie d'écrire, ont derrière un message plus profond à délivrer.


C'est la recherche d'un souffle épique au quotidien?


Je ne l'avais jamais vu comme ça, mais il y a de ça !


Parce que, ce qui guide certains auteurs de théâtre, c'est d'aller chercher dans les actes de tous les jours ce qu'il peut y avoir d'épique, au sens fort de la tragédie grecque. D’après toi, ça tient de ça ou d'une curiosité particulière de la vie, ou... ?


Je pense que, justement, c'est l'inverse du théâtre. Au théâtre, tu inventes ton histoire ou tu fabriques des personnages pour construire un message. Là, tu prends le message en pleine poire, il s’impose à toi avec un air un peu mystérieux et je fais la démarche de le découvrir, de le comprendre, de le débusquer derrière ce qui m'est arrivé. Du coup, c'est l'inverse. Au théâtre, je vais avoir un message à délivrer d'entrée, je vais inventer mon histoire pour en arriver à la conclusion que je souhaite. Là, la conclusion est le point de départ. Une situation m’a émue, choquée, je me la re-raconte, j’essaie de donner un nom aux sentiments ressentis et, de là, je me demande pourquoi j’ai éprouvé ces émotions. Une valeur, une limite, une priorité, un regard…, que je porte sans le savoir parfois, s’impose.


Peux-tu nous parler de la scène slam chez toi stp, comment tu la vois, comment tu la fréquentes?

K Rol. Photo: Gilles Bois (c)

Je suis très assidue aux scènes slam, vraiment. Le slam est rentré dans ma vie et en fait vraiment partie. Les scènes sont un endroit où j'aime bien aller quand il se passe des choses importantes dans le monde. Je trouve que chacun éclaire l'actualité ou l'événement de son propre regard, sans être coupé pendant 3 minutes et je trouve que sur chaque sujet, il est beaucoup mieux cerné, pour moi, après une scène slam : chacun y a posé son regard. La scène slam est un moment politique au sens pur du terme. Que ce soit un événement qui concerne le monde entier, un petit événement local ou ce qu'il arrive dans la vie d'un slameur à l'instant T, sur une scène slam, les faits sont éclairés aussi bien par le propos du ou des poètes, que par la façon dont le public le reçoit : c’est donc un acte politique, au sens noble et étymologique du terme.


Au sens athénien...


Voilà.


Dernière question - mais tu viens d'y répondre en partie : qu'est-ce que tu dirais à quelqu'un qui a envie de découvrir le slam pour lui donner envie ?


Je lui dirais: si tu veux vraiment rencontrer des gens qui ne se cachent pas derrière un protocole... pendant les 3 minutes d’un slam, les gens se livrent complètement, totalement, sur un propos qu’ils choisissent. Ils ne disent pas plus et pas moins que leur pensée et tu prends la réalité de la nature humaine en pleine face pendant 3 minutes. C’est une grande fenêtre, porte, comme on veut, ouverte sur des bouts d’humanité. Si tu cherches cette vérité, alors c'est là qu'il faut aller.


Un grand merci à la Ligue Slam de France, à toute l’équipe de Marseille, notamment bien sûr à K Rol pour sa disponibilité... Propos recueillis par #PG9


K Rol. Photo: Emmanuel Chamin - Machin Truc (c)

Tous les portraits sont regroupés ici:




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