Slameuse/ Slameur: Guillaume
Equipe de: Nancy
Pourquoi Slamez-vous?
Enquête auprès des slameurs sélectionnés pour la Coupe de la Ligue Slam de France 2019 www.ligueslamdefrance.fr
Bonjour Guillaume! Comment as-tu rencontré le slam ?
Bonjour Philippe. Le slam, je l’ai découvert en 2006 avec Grand Corps Malade qui avait sorti son album “Midi 20”. Je ne m’y suis pas intéressé plus que ça et je ne savais pas vraiment ce qu’était le slam. C’est bien plus tard en 2014, qu’un ami m'a dit qu'il y avait une scène slam sur Nancy. Il m’a relancé à plusieurs reprises, et c’est finalement en 2015 que je me suis décidé à aller jeter un coup d'œil, que j’ai vu vraiment ce qu’était le slam et que j’ai regretté de ne pas y être allé avant.
Tu écrivais déjà?
J'ai toujours écrit depuis le collège, des poèmes, des petites choses, des jeux de mots que j’illustrais parfois dans un petit cahier.
Et ce que tu écrivais tu le gardais pour toi ou tu le partageais?
Je le partageais peu effectivement, c’était plus une démarche personnelle.
C'est à dire, de toutes façons, il n'y avait pas de moyen de le partager si ce n'est en le faisant lire à d’autres...
Tout à fait. C'était plutôt des poèmes personnels, des observations du quotidien, des petits dessins, des choses comme ça. Un peu à la manière d’un journal intime, donc je ne voyais pas l’intérêt de le partager.
Te souviens-tu de cette première soirée slam à laquelle tu as assistée, que s'est-il passé, qu'est-ce que ça a provoqué en toi ?
Je m’en souviendrai toute ma vie oui. C'était il y a 4 ans tout pile, à 15 jours près. C'était donc sur la scène à Nancy “Le Kwafé Slam”, j'avais sur moi un petit poème qui se répétait en boucle à la manière de “3 petits chats - chapeau de paille – paillasson”… Je l'ai fait sur scène, c'était le gros stress, la prestation était médiocre, mais le plaisir au final a pris le dessus. J’ai découvert une diversité des gens, d’univers, des mélanges d’émotions, une belle qualité d’écoute et beaucoup de bienveillance.
Tu étais venu avec pour volonté de dire quelque chose ou seulement pour voir ?
J'étais venu surtout pour voir et pour écouter dans un premier temps, et puis on m'a un peu engrainé en me disant : “Vas-y, maintenant que tu es là”... Je suis quelqu'un de timide, donc fallait un peu se faire violence pour aller au micro. Encore maintenant, c’est toujours un cocktail de sensations étranges de prendre la parole, entre excitation, stress, malaise et jubilation.
Mais ça t'a fait du bien...
Carrément, j’apprécie particulièrement la sensation d’après scène, le moment de la retombée du stress, juste après les applaudissements.
Ce texte tu le connaissais par coeur ou tu l'avais avec toi ?
Je l'avais avec moi. Ce texte était tiré de mon premier recueil que j’avais auto-édité à l’époque et que j’avais dans ma sacoche.
Sais-tu d'où te vient cette envie d'écrire? De t'exprimer par les mots et de coucher ces mots sur une feuille de papier ?
Non pas vraiment. C'est plus au lycée que j'ai commencé à écrire de façon plus régulière. J'ai découvert l'Oulipo, la façon de jouer avec les mots et des contraintes mathématiques ou de vocabulaire, etc. Il y a eu une sorte de déclic à ce moment-là. Je suis très joueur, j'aime bien le côté ludique de la chose et moins le côté intellectuel.
Donc tu t'es mis au slam est-ce que le slam a influencé ta manière d'écrire ?
Oui c'est un fait. Lors de mes premières scènes, je continuais à écrire comme je l’avais toujours fait, mais depuis deux ans, j'écris vraiment dans le but d'être sur scène et de penser un concept pour une prestation orale. Je n'écris pratiquement plus pour moi, au contraire j'écris vraiment pour partager un texte et le faire vivre.
Est-ce que ça a changé aussi les sujets que tu abordes ?
Pas vraiment. Je me suis toujours interdit de parler de moi dans un slam. J’aime depuis toujours, raconter des choses, sous forme d’histoires, de fables, de dessin etc... Des choses plutôt absurdes ou décalées, et c’est ce qui me plait encore aujourd’hui.
Tu as un modèle un peu, un auteur qui est un peu une référence pour toi ?
J'aime bien l’univers de Thomas Fersen parce qu'il est dans ce registre, raconter des histoires, des anecdotes, avec un certain décalage et beaucoup de poésie.
Comment écris-tu ? A table ? Dans un café, un transport ?
Non, généralement c’est à la maison, je me pose dans le canapé ou dans un fauteuil confortable.
L'inspiration te vient facilement ?
Oui et non. Pour écrire un texte, je ne me dis pas “j'écris ce soir, allez hop ! J'ai 3 heures j’écris un texte”. Ça ne se passe pas du tout comme ça. J'ai une idée à la base, un concept, et je vais le nourrir pendant deux semaines, un mois... ou plus. En amont, il y a une phase de réflexion avec des petits bouts de papiers annotés à droite à gauche que je rassemble ensuite comme un puzzle. Je vais piocher des idées dans ce que je vois au quotidien, je construis un schéma dans ma tête. Il y a des retouches derrière mais c'est une phase assez longue de réflexion et de préparation, puis le texte s’écrit généralement d’un seul trait après.
Ces idées, ces inspirations, ces sujets te viennent de la vie, du quotidien ? De quoi ?
Difficile à dire. Ça vient parfois d'un jeu de mots, d'une sonorité entre deux mots, d’une idée décalée, d’une discussion entre amis, c'est divers et varié... Par exemple, j'ai écrit un texte qui parle de la chasse. Ça part d’un constat qu'il y avait un jeu de répétition entre “fusil de chasse”, “chien de fusil”, et “chien de chasse” je me suis dit qu’il y avait quelque chose à développer. Je démarre d’un concept et ensuite j’essaye de voir quelle histoire pourrait coller avec.
Tu mènes plusieurs textes de front ou tu as un sujet tu vas d'abord au bout de ce sujet-là après tu passes à un autre ou tu mènes plusieurs textes en même temps ?
Non, chaque chose en son temps. Je me focalise sur un seul texte à la fois.
Ok. Et tu en as écrit combien là jusqu'à présent, tu sais ?
Depuis que je fais du slam une vingtaine de textes qui peuvent être déclamés sur scène. Les autres, c'est plutôt des textes courts, des petits poèmes, des choses pas finalisées, c'est plutôt des exercices qui n’ont pas forcément un intérêt oral.
Des exercices comme tu dis...
Oui, comme des gammes pour un pianiste.
Et ces exercices t'aident à quoi, t'apportent quoi ?
Je participe une fois par mois aux ateliers d'écriture animé par Tanguy, un des Slam Master de Nancy. Pour moi, c'est plutôt un exercice pour me détacher de ce que je fais d'habitude, lâcher prise. Il y a d'autres contraintes, je me dis que j’ai une heure pour écrire, c'est un exercice différent qui est également intéressant. Et parfois, tu as des petits bouts à récupérer par-ci par-là, ou une amorce de quelque chose.
Et c'est une question bête qui me traverse l'esprit comme ça: est-ce que tu vois la poésie comme un sport?
Pour ma part il y a une sorte de sport cérébral au départ à l’écriture, comme les échecs, les mots croisés, c’est là où je suis plutôt à l’aise, J’ai compris plutôt tardivement l’importance du côté performance sur scène, là où aujourd’hui encore je peux me trouver en difficultés. J’ai vu des slameurs avoir le cœur qui s’emballait, les muscles en action, une gestuelle réglée au millimètre, pousser la voix, avoir une gestion et une maîtrise corporelle parfaite. Oui, à un certain niveau je pense que ça peut s’assimiler à un sport. L'écriture est une chose, l'interprétation en est une autre. Cela peut être physique, ou à l’inverse statique, je pense qu’on peut déclamer droit comme un arbre avec un ton monocorde ou sauter partout en criant et en mouillant le maillot. Le corps est au service du texte et de l’émotion à faire passer. Plutôt que sport j’utiliserais le terme “performance”.
Tu réussis facilement à apprendre tes textes ?
Généralement oui. Je les apprends assez vite mais je les oublie aussi rapidement.
Tu as déjà fait du théâtre aussi?
Non, enfin j'en ai fait au collège une année, mais on ne peut pas dire que j’ai une expérience théâtrale.
Dernière question... Que dirais-tu à quelqu'un qui a envie de découvrir le slam ?
Un texte dit, un verre offert, c'est cool non ? Plus sérieusement je lui dirais dans un premier temps : viens écouter, viens rencontrer et pourquoi pas viens partager ta poésie. Ensuite et c’est ça que je trouve le plus beau dans le slam : vas écouter, vas rencontrer, et pourquoi pas vas partager ta poésie !
Un grand merci à la Ligue Slam de France, à toute l’équipe de Nancy, notamment bien sûr à Guillaume pour sa disponibilité... Propos recueillis par #PG9
Le site personnel de Guillaume:
Tous les portraits sont regroupés ici:
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