Slameuse/ Slameur: Cerise
Equipe de: Nancy
Pourquoi Slamez-vous?
Enquête auprès des slameurs sélectionnés pour la Coupe de la Ligue Slam de France 2019 www.ligueslamdefrance.fr
Bonjour Cerise. 1ere question : Comment as-tu rencontré le slam... ?
Bonjour Philippe. J'ai rencontré le slam en 2010 quand je suis arrivée à Nancy, pour l'école d'éducateur spécialisé. A l'IRTS (Institut Régional du Travail Social), on propose ce qu'on appelle des techniques éducatives, des domaines qu'on va apprendre à découvrir. Moi, j'ai choisi “Culture Urbaine”, qui était assez loin de mon univers, et dans ce module-là, il y avait slam et danse hip-hop. C'est comme ça que je suis arrivée au slam. J'ai découvert que j'en faisais plus ou moins parce que j'écrivais depuis des dizaines d'années, sans connaître cet univers-là. A l'époque, il n'y avait pas de scène slam à Nancy. Donc, quand la 1ère a été montée, il y a 7 ans, Frédéric Tiburce avec qui j'avais commencé le slam à l'IRTS m'a rappelée pour que j'y participe. J'avais super bien accroché sur le slam, il faisait le tour des gens... Au début, on était une dizaine à peine. Maintenant, on est beaucoup plus nombreux.
Mais donc, tu écris depuis toujours en fait quasiment ?
Oui, j'ai toujours écrit des débuts de romans, des nouvelles, des chansons, mais je chante extrêmement faux, donc je ne pouvais rien en faire. Des scénarii... Tout un tas de choses. Dès que je pouvais écrire, j'écrivais. Ca a toujours été le cas.
Parce que tu aimes bien imaginer? C’est la poésie ? Qu'est-ce qui te plaît dans l'écriture ?
Pas spécialement la poésie. C'était plein de choses qui me passaient par la tête. Je n'aimais pas énormément lire, parce que les histoires m'ennuyaient vite. Du coup, c'était l'occasion de m'écrire mes propres histoires... et oui, j’ai une imagination débordante depuis toute jeune, c'était le moyen de l'exprimer.
Tu vas régulièrement sur les scènes ? Quelle est aujourd'hui ta proximité au slam ?
A Nancy, j'avais jusqu'à il n'y a pas si longtemps que ça, le titre de celle qui n'avait jamais loupé une scène en 6 ans et demi... et j'ai loupé mon 1er café slam en octobre. Mais sinon, j'y suis à chaque fois, je ne participe pas toujours, mais je vais toujours aux scènes de Nancy au moins pour écouter les autres, je trouve que ça nourrit, c'est toujours intéressant. Et puis, depuis je sais pas peut-être 5 ans, on voyage pas mal avec Tanguy sur les autres scènes de France. Mes parents sont originaires de Troyes, donc j'ai pas mal de liens avec le slam de Troyes et puis dès qu'on est invités quelque part en France, on essaie d'y aller. J'essaie toujours de bouger parce que ça permet de découvrir de nouvelles personnes, de nouveaux styles d'écriture et de nourrir son imagination aussi.
Du coup, tu es très dans la recherche de nouvelles formes d'imagination ?
Oui. Mes textes ne sont pas ultra poétiques, au sens littéral de la poésie, ce sont des petites histoires que j'aime raconter. Plutôt tristes, gores... Je me nourris de tout ce qui est autour de moi, mais d'écouter des gens faire du slam, ça peut donner un déclic de se dire: “tiens il a eu l'idée de le prendre dans ce sens-là, ce sujet-là, je n'y aurais pas pensé”...
Ta manière de parler de l'écriture peut faire penser à Boris Vian, parce que tu mélanges imaginaire et poésie... Tu lis beaucoup ?
Pas énormément, à peu près 2 livres par an donc, non, je ne suis pas une grande lectrice. Je suis plus à observer le monde autour de moi en fait.
Tu vas au cinéma ?
Oui, pas mal.
Est-ce que tu crées par d'autres moyens que l'écriture ?
Pas spécialement, non. Je n'ai pas d'autres formes d'art. Avant, j'avais beaucoup de liens avec le théâtre, j'en ai fait très longtemps et c'est plutôt utile quand on fait du slam. En tous cas pour moi, pour mes textes, parce que les histoires que je raconte ce sont vraiment des personnages et il faut vraiment que je me mettre dans la peau d'un-e autre. Du coup, les années de conservatoire et de théâtre que j'ai faites me sont utiles pour ça.
Pour donner mieux ton texte...
Oui et pour créer un personnage: ça n'est vraiment pas moi qui suis sur scène. Quand je fais un texte, j'incarne quelqu'un et je me détache complètement des mots et de la portée qu'ils peuvent avoir: je suis le personnage du texte, pas l'auteur, quand je le restitue. J'ai par exemple un texte où c'est une jeune femme qui avorte ou qui perd son bébé, on ne comprend pas bien, mais en tous cas, elle est dans un hôpital psy avec pas mal de soucis. Là, j'incarne vraiment ce personnage-là. Souvent après les gens viennent me dire “oh la la c'est triste ce qui t'est arrivé” mais en fait ça n'est pas mon histoire du tout. Mais je l'interprète à la première personne.
Je viens d'avoir Manouchka de Vernou et sa démarche est similaire.
Oui, c'est vrai qu'avec Manouchka, on peut se ressembler sur la façon d'appréhender le texte et de le restituer.
Comment écris-tu ? Tu te poses à table ? Tu te mets dans un café, dans un bus.. .?
Ca va être plutôt chez moi sur le canapé ou le bureau. Mais l'inspiration peut me venir à tout moment, j'ai donc toujours un carnet, un stylo sur moi, je ne m'en sépare pas. Je vais gribouiller des petites phrases... mais c'est vrai que, le plus souvent c'est assise à mon bureau. Je finalise le texte, le réfléchis. Mais je vais quand même essayer de faire ça plutôt d'instinct. Quand une inspiration me vient quelque part, je vais tout de suite prendre le carnet et écrire autant que je peux sur le moment, sur le coup de l'idée que je viens d'avoir. La dernière fois, c'était à un concert dans un bar. D'un seul coup, l'univers du concert que je regardais m'a interpellée, intéressée, j'ai tout de suite chopé mon carnet, mon stylo et j'ai tracé 4 pages comme ça, en vrac, pendant le concert. Du coup, je ne l'ai pas vraiment écouté... Je me suis nourrie de l'ambiance, mais je n'ai pas vraiment écouté la chanteuse. J'ai tracé ces 4 pages et puis, pendant une ou deux semaines après, je n'ai pas arrêté de reprendre le texte, de le retravailler, de redécouper ce que j'avais dans mon premier jet. Mais, tout ça, c’est après. Je le fais chez moi, tranquillement.
Dernière question: que dirais-tu à quelqu’un qui veut découvrir le slam?
Alors, je dirais à cette personne, la première chose c'est de venir écouter, d'avoir un bon sens de l'écoute. Dans une soirée slam, on ne s'ennuie jamais. Les textes, c'est en moyenne 2-3 minutes, donc même si le texte qu'on écoute ne nous plaît pas, on sait que 3 minutes après il va y avoir une autre personne avec un autre univers et totalement autre chose qui va venir. Donc, déjà, c'est de venir écouter des scènes, de découvrir l’univers et, surtout, de ne pas se brimer en se disant “je suis nul, ce que j'écris c'est nul”, non. On trouve toujours que ce qu'on écrit nous mêmes c'est nul et que ce que font les autres c'est génial, mais il faut se laisser une chance parce qu'à force d'écrire des petits trucs qu'on trouvera nuls, on finira bien par trouver un texte qu'on aime dans tout ce qu'on a fait.
Juste comme ça, une autre question, aujourd'hui, que fais-tu comme métier ? Tu as envie d'en faire ton métier ?
Alors, pas du tout. Ca n'est pas mon objectif. Je suis éducatrice spécialisée. Par contre je m'en sers beaucoup avec les gens que je rencontre dans mon travail. Quand j'ai travaillé dans un foyer pour SDF, j'ai monté un atelier de slam, j'ai basé mon mémoire de mon diplôme d'éducateur sur le slam... A l'heure actuelle, je travaille avec des adolescents en foyer qui, eux, venaient déjà au slam à Nancy avant que je ne travaille là-bas, donc j'ai repris et j'ai poursuivi ce qui était déjà mené par mes collègues. Chaque fois que je change de travail, parce que ça m'arrive très souvent, j'essaie d'apporter un peu de slam là où je suis. Des fois ça prend, des fois non...
Un grand merci à la Ligue Slam de France, à toute l’équipe de Nancy, notamment bien sûr à Cerise pour sa disponibilité... Propos recueillis par #PG9
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