Slameuse/ Slameur: C. Patou (Co-coach)
Equipe de: Nantes
Pourquoi Slamez-vous?
Enquête auprès des slameurs sélectionnés pour la Coupe de la Ligue Slam de France 2019
Bonjour Patou! Comment as-tu rencontré le slam ?
Bonjour Philippe ! Le slam, je l'ai rencontré il n'y a pas si longtemps que ça, à l'été 2011 dans un club de vacances qui proposait différents stages culturels, sportifs... Moi, je m'étais inscrite pour faire de la peinture et du modelage, parce que je fais beaucoup d'activités manuelles. J'attendais un jour sur un banc et une jeune femme est venue me voir en me disant : “tu attends là, si tu ne fais rien, est-ce que tu veux rentrer avec nous ?”. C'était Camille Case, une slameuse parisienne qui est maintenant dans le sud de la France. Elle organisait des ateliers d'écriture. Comme je n'avais rien à faire, je suis rentrée, elle m'a donné une feuille et un crayon, elle m'a expliqué l'atelier... et voilà comment j'ai écrit mon premier un petit texte. A la fin, on a tous dit le sien en faisant un tour de table. Après avoir dit le mien, j'ai relevé la tête et tout le monde autour de moi avait les larmes aux yeux... Je n'ai pas compris. C'était un petit texte “si tu savais”, qui parlait à mes enfants. Je leur disais: “si tu savais ce que c'est d'être une maman...”. Et j'ai découvert qu'un propos très personnel et intime avait une portée beaucoup plus universelle que je ne le pensais. Ca s'est reproduit bien des fois après : quand quelqu'un raconte sa propre histoire, tout le monde se reconnaît. Elle est finalement beaucoup plus universelle qu'on ne le pense. C'était une grande découverte.
Tu écrivais avant ?
Non, non, pas du tout. J'étais plus dans les loisirs créatifs. Je découvrais la peinture, je voulais faire du modelage, je n'écrivais pas du tout, mais je me suis un peu prise au jeu. A cette époque-là, j'habitais dans la campagne du Loir-et-Cher et des ateliers d'écriture, ça n'existait pas. Je venais de divorcer, je voulais changer de vie, de région… J'ai décidé de venir à Nantes pour sa richesse culturelle. J'avais rencontré Flo lors d’un festival et je savais qu'il y avait des ateliers d’écriture. Je suis arrivée en 2013, en 2014, j'ai débuté les ateliers d'écriture en médiathèque avec Patricio, JM et Alice et puis j’ai fait mes premières scènes. Alice m’a présenté Tom Tom qui débutait les ateliers avec les Lapins à Plumes... Le slam est devenu omniprésent dans ma vie.
Tu t'es mise à modeler les mots on va dire...
Mes textes sont des petites histoires toutes simples. Souvent je m’adresse à quelqu'un. Je suis une grande maman poule, je parle souvent de mes enfants, de la relation mère/ enfant ou de choses de la vie quotidienne. Ca me fait du bien de dire ces mots-là, ça fait aussi écho à des choses vécues par des personnes du public et j'ai souvent des discussions après être passée sur scène. J'ai fait un texte, entre autres, sur la violence conjugale et le rapport à son enfant. Certains sont venus me faire part de leur expérience “par rapport à ma mère, ça me fait penser à ci ou à ça”. J'ai toujours eu ce rapport là avec les gens sur ces sujets simples et du quotidien. La discussion, les échanges qui suivent, c'est ce qui me plaît aussi.
A t'écouter comme ça, tu as l'air d'être très dans le dialogue...
Tout à fait. J'ai sûrement une particularité par rapport à toutes les personnes que tu as interviewées, c'est que, finalement, j'écris assez peu. Je suis plus dans l'écoute et dans l'accompagnement que dans l'écriture elle-même en tant que telle. J'écris un peu, mais je ne suis pas une acharnée et j'ai passé parfois des mois à assister à toutes les scènes slam nantaises juste pour écouter -si je n'y vais pas, généralement, c'est que je suis malade. L’échange que les gens ont vers moi quand je dis un texte, je l'ai aussi envers les autres. Cela m'a permis de magnifiques rencontres, de dialoguer avec des personnes de milieux, de situations variées que je n'aurais jamais rencontrées autrement. Et puis il y a tous ces jeunes qui sont mes p’tits chouchous.
Je vais revenir à l'idée que j'ai en tête. Peut-on considérer les mots, le vocabulaire, le langage, comme une matière à modeler ?
Oui, sûrement. Ca en fait partie. Les mots sont une de mes activités manuelles comme les autres. Je fais des créations avec du papier, de la terre ou de la peinture et l'écriture est une des ces variantes, un exutoire comme le sont les autres créations.
Est-ce qu'il y a des mots qui te résistent ? Des mots qui sont souples et d'autres plus durs ?
Moi, je vais plutôt être dans les mots doux. Tout le monde me dit que ce que je fais c'est “mignon”: je suis une patou bisou. Je suis toute dans la rondeur et la douceur. Après, je ne vais pas aller me frotter aux mots acérés, durs. Je ne veux pas de mots qui piquent. Je ne vais pas aller vers un texte agressif ou dénonciateur, des choses comme ça. Je vais toujours passer par des courbes.
Ca se traduit concrètement comment dans les mots ?
Je ne me suis jamais posé la question, mais effectivement, ça doit se traduire même dans les mots. Je pense que c'est vraiment un tout... La rondeur sous toutes ses formes.
De fil en aiguille, si j'ai bien compris, tu fais maintenant partie de l'équipe des Lapins à Plumes ?
Oui, dès 2014. J’ai été la trésorière pendant plusieurs années, notamment pour gérer les paies de notre salarié Tom Tom. J’ai depuis laissé la compta de côté, mais je suis toujours très présente dans le Bureau de l’asso auprès de Nico Las, notre président. Et depuis février, j’anime une de nos deux scènes mensuelles au Rouge mécanique. J’adore cela. Je suis un membre actif du terrier!
Et donc la maman poule va être la coach...
J'ai déjà eu cet honneur en 2016, où nous avons gagné avec mon équipe. Je suis la coach qui a une belle coupe chez elle remise par Grand Corps Malade himself. Cette année c'est Tom Tom et moi qui sommes coachs. Tom va aller à Bordeaux pour le round de qualification. Il était question de savoir qui serait le coach à Tours. Tom m’a dit: “'est toi qui va faire coach à Tours parce que tu portes bonheur alors du coup c'est mieux que ça soit toi”... mais ça sera nous deux. C'était tellement une expérience magnifique en 2016... Je veux revivre ça!
Qu'est-ce qui s'est passé de particulier en 2016 ?
En 2016, donc, j'ai accompagné les 3 slameurs nantais qui à l'époque étaient Nico Las, Mohammed et Mathieu alias Slamdog. Nantes a gagné la Coupe de la Ligue par équipe. Ce suspens qui monte crescendo, c'est dingue ! Quand on a gagné, j'étais persuadée qu'on était 2ème, j'étais déjà en train de sauter partout et quand Nico m'a dit mais non on est 1ers !! On est champions ! C'était un moment d'extase totale. C'est un très bel événement. La bienveillance est un mot un peu galvaudé de nos jours, mais il est vraiment un synonyme du slam. Il n'y a jamais de jugement, il y a un respect, une écoute, une vraie bienveillance... Ce ne sont franchement pas juste des mots comme ça. C’est quelque chose qui se partage et se vit au quotidien. J'ai découvert le pouvoir de la “slam thérapie”. On accompagne des jeunes et des moins jeunes dans des situations franchement parfois tragiques. Quand on les voit s'épanouir et qu'ils viennent dire: “merci, c'est grâce à vous, grâce à votre écoute, à l'accompagnement, au soutien, à l'encouragement pour monter sur scène... » moi ça récompense toutes mes soirées, ça suffit à mon petit bonheur.
Merci beaucoup et bravo !
Un grand merci à la Ligue Slam de France, à toute l’équipe de Nantes, notamment bien sûr à Patricia pour sa disponibilité... Propos recueillis par #PG9
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