top of page
Photo du rédacteurCulture Etc

[Pourquoi Slamez-vous?] Coupe de la Ligue Slam 2019: Ange Gabriel.e, Lille

Slameuse/ Slameur: Marie Ginet aka Ange Gabriel.e Equipe de: Lille


Ange Gabriel.e. Photo: Gérard Adam (c)

Pourquoi Slamez-vous?

Enquête auprès des slameurs sélectionnés pour la Coupe de la Ligue Slam de France 2019 www.ligueslamdefrance.fr



Bonjour Ange Gabriel.e! 1ère question toute simple: comment as-tu rencontré le slam?


Ange Gabriel.e. Photo: Gérard Adam (c)

Bonjour Philippe. J'écrivais de la poésie dans mon coin, j'étais plutôt férue de poésie contemporaine. Quand j'étais étudiante j'ai fait un peu de cours de théâtre. J'aime bien les textes, l'oralité. A dire vrai, je ne savais pas trop ce que c'était que le slam et j'ai vu dans le petit journal gratuit qui était distribué dans la ville de Lille : “soirée slam”. J'avais vaguement une idée, donc j'y suis allée. Il devait y avoir une 20aine de slameurs, une centaine de personnes dans le lieu. J'avais un texte dans la poche au cas où. On a fait la 1ère partie, j'ai entendu des textes etc. Puis il y a eu une pause. Là, je suis allée voir le Maître de Cérémonie, je lui ai demandé si je pouvais participer... Il a dit oui et j'ai donc dit un premier texte. J'ai donc eu la joie d'écouter plein de gens différents, des jeunes, des vieux, des noirs, des blancs, des femmes, des qui faisaient rigoler, des qui faisaient pleurer, bref, vraiment toute sorte de style, c'était très démocratique. Et j’ai pu “dire” moi aussi. On a les deux plaisirs, écouter et être écouté. Du coup, ça m'a enthousiasmée. J'y suis retournée, retournée, retournée... Je n'ai plus jamais arrêté. Voilà ma rencontre avec le slam!


Est-ce que ça t'a fait écrire autrement?


Je pense avoir deux écritures aujourd'hui. Parce que du coup, j'ai continué la poésie, j'ai même publié des recueils, j'ai donc certains textes qui sont très poésie contemporaine, avec deux lignes de blanc, deux lignes d'écriture, une ligne de blanc etc... et d'autres qui sont beaucoup plus pour l'oralité. Certains peuvent être sur le papier et à la voix, certains, pour moi, ne marchent pas sur le papier, mais bien avec la voix, parce qu'il y a des jeux sonores, des regards avec le public... et à l'inverse. C'est sûr, en tous cas, que sur scène j'essaie de travailler l'adresse au public, d'être présente avec lui. Parce que les gens sont là, ils me regardent. C'est une dimension qui n'existe pas dans l'écriture solitaire dans mon petit coin.


Tu travailles sur l'échange du coup ?


Ange Gabriel.e. Photo: Gérard Adam (c)

Oui. Alors, cet échange est subtil. Après, mes textes ne sont pas très drôles, sauf exception. J'aime bien faire une blagounette en arrivant et après j'enclenche sur un texte qui ne fait rigoler personne, mais c'est pas grave. L'échange pour moi, il est dans le fait de chercher un rythme, d’articuler, de capter les regards des gens. Parfois, j'aime bien faire des paragraphes coulissants, surtout quand un slam n'est pas fini, ou en fonction d'une ville. Je change 3- 4 phrases pour rigoler. Quand je vais à Mons en Belgique je fais des clins d'oeil à mes amis belges, s'il y a un truc d'actualité je peux changer des choses aussi. C'est marrant que la chose soit vivante, s'emparer d'un incident, faire une réponse à un slameur avant... Sur une scène slam on est jamais seul, j'ai vraiment conscience des gens qui sont là. En plus, ils sont rarement dans le noir et avec des projos qui t'éblouissent, c'est très poreux public/ slameurs...


C'est vrai, qu'il y a une grande différence entre le théâtre ou le spectacle et le slam à ce niveau-là. Dans un bar, tout le monde voit tout le monde tout le temps...


C'est plus difficile dans un sens . Quand tu joues dans un théâtre, tu es dans les loges, tu peux faire ta respiration, te concentrer, tu sais quand ça va être à toi... Dans le slam, tu ne sais pas si tu vas passer 2ème ou 12ème et tu es dans l'émotion des textes des autres ! Je m'assoie en me disant je vais lire mon texte mais au bout du 2ème texte que j'écoute, j'ai complètement oublié celui que je vais dire! Je suis dans l'émotion du texte des autres et d'un seul coup quand on m'appelle, je suis désarçonnée. Je suis séparée de ce que je voulais dire. C'est un peu compliqué, il faut se concentrer super vite. C'est sûr que tu captes les gens, mais c'est utile. Je suis allée faire une intervention avec des gamins en classe et avoir l'habitude de slamer avec des gens à côté, ça aide, on est moins désarçonné de regarder des élèves dans les yeux, de se balader dans la classe. On prend une certaine habitude de capter les regards.


C'est super intéressant de le voir comme ça. Effectivement, la grande différence entre le théâtre et le slam est le rapport direct aux autres...


Oui. Ce qui est marrant aussi, et c'est ce qui me plaît, c'est que c'est démocratique. D'ailleurs, pour moi le slam, c'est d'abord un enjeu politique au sens fort. On part du principe que tu es la star pendant 3 minutes, mais que, après, tu ne l'es plus. Et, surtout, la star qui te suit, ça peut être la gamine de 16 ans qui va faire son premier slam et qui va te bluffer. Je trouve ça intéressant parce que tu empruntes la position de celui qui parle pendant 3mn, mais le reste du temps, c'est vraiment les autres. Je sais parce que je vois aussi des artistes qui disent : “moi je suis l’artiste et le public est venu me voir !”. Dans le slam, c'est très différent, le public est artiste potentiellement. Même si tous les gens, du public ne slament pas. C'est très différent en terme de position. Au slam, on est potentiellement tous artistes en fait.


Revenons au tout tout début... Qu'est-ce qui a provoqué en toi l'envie d'écrire?


Alors là... Je suis plutôt ado là, j'ai plutôt 14 ans, à l'époque, évidemment, je cache mes papiers et je ne partage avec personne. En gros j'ai deux motivations qui peuvent sembler contradictoires, mais qui toutes deux me donnent l'envie d'écrire. : d'une part, le fait qu'à 14 ans, je commence à penser, à voir le monde, à avoir des perceptions politiques, de l'injustice sociale, ça me met en colère, je ne comprends pas en fait. C'est trop d'informations, j'ai de la colère et c'est compliqué. En plus, à titre individuel dans ma vie, mes parents divorcent, un divorce conflictuel. Donc, j'ai besoin d'évacuer le mal-être, la colère, l'incompréhension... C'est un axe qui demeure important. L'autre, c'est que j'étais amoureuse et donc je voulais écrire aussi, c'est un côté un peu plus souriant. Pour moi, ce sont les deux choses qui me poussent à écrire pas pour les profs, mais sur un papier à moi. J'ai commencé un journal, des poèmes, des trucs comme ça...


Tu as gardé tout ça ?


J'en ai gardé une partie mais... Pour tout te dire, ce que j'ai écrit entre 14 et 18 ans a disparu. Quand je suis partie faire une colonie à 18 ans, ma maman a trouvé ces écrits, elle les a pris, elle les a lus, elle les a bennés. Mes 4 premières années d'écriture sont donc parties dans une poubelle et ça m'a tellement foutu les boules, que j'ai compris à quel point c'était important pour moi. J'ai tenu bon et j'ai continué. Je me suis dit que si elle avait tout jeté, c'est que mes mots avaient un sens et une force. Depuis mes 18 ans, je garde tout. Donc, oui, ça commence à faire un certain volume de carnets et de dossiers.


Et donc, plus tard, tu as franchi le cap du slam. Comment écris-tu ? Chez toi, dans un bar, le matin, le soir ?


Ange Gabriel.e. Photo: Gérard Adam (c) - www.gerardadam.com

Partout. En fait, je peux aussi bien écrire sur la plage, chez des amis, dans un café, chez moi... Plutôt dans mon lit, d'ailleurs, à dire vrai, que à un bureau. Après, ce qui est certain, c'est que j'écris d'abord à la main, maintenant, je prends mon téléphone et j'enregistre du son pour entendre comment ça sonne. Là, je recorrige à la main et puis à un moment, je ne comprends plus rien parce que je rate, rajoute et numérote les vers dans tous les sens. Ensuite, je tape mon texte et je l'imprime pour le voir sur le papier, ensuite je le retravaille. C'est difficile à dire, parce qu'en fait, quand je suis sur un texte, des fois, je vais passer 3 heures sur deux phrases. Je peux écrire les 50 premières phrases en 1h et après, passer 10 heures pour retravailler quelques bouts. J'aime bien prendre du temps. Pour le concours “Dis mois 10 mots”, j'aime bien commencer l'écriture un mois avant, avoir un premier texte, le dire sur scène, voir comment je me suis sentie, comment les gens l'ont senti, et le modifier. Après, chacun son truc, mais j'aime bien qu'un texte prenne le temps de vivre, de maturer, de voir comment ça va ou pas. Des fois, je dis des trucs, je vois que les gens n'ont rien capté ou au contraire, je vois que les gens sourient ou qu'ils sont émus. En slam, je fais toujours l'aller retour entre le papier et la voix, le souffle, j'affine. Les textes sur la feuille, j'aime bien les mettre comme une partition, c'est à dire aller à la ligne quand je dois respirer ou changer d'idée. Mais ça me permet aussi de les apprendre. Pour certains d'entre eux, j'aime bien les connaître totalement par cœur pour ne pas être le nez sur le papier.


Tu as donc écrit des recueils de poésie ?


Oui. J'en ai publié 4. Le dernier est plutôt pour la jeunesse. Le tout premier “Souffles nomades”, c'était des textes slamés pour l'oralité, le deuxième c'était plus des poèmes sur le papier, le 3ème “Dans le ventre de l'Ange et autres cachettes” encore plus. Le 4ème est donc pour la jeunesse et j'ai fini le manuscrit d'un 5ème que j'envoie à des éditeurs là.


Tu fais des spectacles de textes ?


Oui. A Lille, je vis plus ou moins du slam. Je fais partie d'un collectif d'artistes, “La Générale d'Imaginaire”. On fait des lectures, des ateliers d'écriture, de l'accompagnement artistique des personnes... J'ai fait il y a quelques années un spectacle avec deux amies, sur les femmes, le féminisme. On l'a fait tourner pendant 2 ans, là on ne le joue plus pour ne pas faire tout le temps le même spectacle. Je travaille ponctuellement avec untel ou untel, j'ai un autre spectacle assez léger avec Dominique Sorrente, un poète marseillais. J'ai des petites formes légères, j'aime bien ça.


Bravo! Dernière question... Que dirais-tu à quelqu'un qui a envie de découvrir le slam ?


Je dirais que c'est un endroit où les gens prennent la parole, où elle/ il va être étonné-e de découvrir des univers artistiques, humains et des paroles en liberté. Cette personne peut regarder toutes les vidéos qu'elle veut, lire tous les livres, mais c'est un petit peu comme la psychanalyse ou comme l'amour, tant que tu ne l'as pas fait, ça n'existe pas, tu ne comprends pas vraiment ce que c'est ! Une scène slam il faut venir la voir, la vivre, quoi...


Ange Gabriel.e. Photo: John Sellekaers (C)

Page de Ange Gabriel.e sur “La Générale d’Imaginaire”:

Un grand merci à la Ligue Slam de France, à toute l’équipe de Lille, notamment bien sûr à Marie/ Ange Gabriel.e pour sa disponibilité... Propos recueillis par #PG9


Tous les portraits sont regroupés ici:



34 vues0 commentaire

Comments


bottom of page