Slameuse/ Slameur: Sohalia
Equipe de: Epinay-sur-Odon
Pourquoi Slamez-vous?
Enquête auprès des poètes sélectionné-e-s pour la Coupe de la Ligue Slam de France 2020
Bonjour Sohalia! Comment as-tu rencontré le slam? Te souviens-tu de la première scène à laquelle tu as assisté, puis participé (et donc de ton premier texte)?
La première fois que j’ai rencontré le slam, c’était en forêt. J’étais en course d’orientation avec le collège et puis, dans cette forêt, j’ai eu une idée de texte... La première ligne naissait puis ma tête la continuait mais je n’avais pas de crayon ni de papier sur moi alors j’ai essayé de retenir ce texte qui été né dans cette forêt. Le soir chez moi, je me suis mise à l’écrire d’un seul trait. Il s’intitule "Lettre végétal et l’être humain", je ne l’ai plus jamais modifié. Puis, quelques semaines plus tard, il y avait une petite scène ouverte organisée dans la cour du collège en partenariat avec le festival ado de Vire. Je me suis mise à lire ce texte, accompagnée de ma guitare. Pendant que je le lisais, plus personne ne parlait. Je me sentais connectée à eux par ce texte puis à la fin, ils ont tous applaudi, surpris: ils l'avaient aimé. Quelques semaines plus tard, encore, lors du festival "Les mots sans cage" à Auney- sur-Odon, j’ai fait la connaissance de l’auteure Charlottte Oneisme (que je ne remercierai jamais assez pour tout ce qu’elle m’a dit et transmis), je lui ai montré mes textes et elle m’a parlé d’une scène ouverte à Auney qui pourrait me plaire. Sur ces conseils, j’y suis allée... et c’était assez magique! Je voyais tous ces slameurs, ils me paraissaient si grands, si forts dans l’écriture et le slam, j’ai timidement lu un de mes textes puis ils m’en ont demandé un autre, j’avais des étoiles pleins les yeux, si heureuse. Depuis ce jour, j’ai compris que les mots avaient un réel pouvoir.
Comment écris-tu tes textes? Qu'est-ce qui t'inspire? Aimes tu te mettre dans des conditions particulières pour écrire (lieu, ambiance, moment de la journée...)?
Je préfère écrire le soir, à la nuit tombée dans le calme et le silence sur mon bureau ou dans mon lit, quand il n’y a qu’une petite lumière pour éclairer. Lorsqu’il y a du monde autour de moi, du bruit, je mets mon casque et j’écoute de la musique en écrivant (au lycée à l’internat c’est ce que je faisais, j’écrivais en écoutant Saez, Ycare, Mickey 3D, Matmatah, Skald…), j’ai l’impression d’être plus concentrée, plus proche et plus apte à écouter les mots. Je puise mon inspiration dans la vie en général. Je pense que tout est source d’inspiration, seulement certaines personnes voient des mots là où d’autres ne voient rien, ce qui fait que chaque texte et chaque personne sont uniques et ce qui fait que chaque texte a son style. Une fois le texte écrit, je le relis, change quelques mots, quelques phrases puis j’ajoute la ponctuation et, une semaine après, je le relis et je modifie certains passages, je le corrige, je réécris. Par ailleurs, j’ai remarqué que la majorité de mes textes évoquaient le fait de rêver, de croire en ses rêves et de les réaliser et de ne pas les laisser filer tels des étoiles filantes parce que je trouve qu’il y a beaucoup plus de personne-étoile filante que de personne-étoile.
Si tu as d'autres activités artistiques, le Slam a-t-il une place particulière dans ton processus créatif?
Le slam est ce qui a fait que je me suis mise à écrire des chansons. Je fais de la danse contemporaine et j’ai toujours entendu les mots ainsi, pour être dans le rythme notamment, puis j’ai commencé la guitare, je jouais les morceaux des autres mais j’avais envie de jouer des trucs à moi, alors je me suis mise à écrire des textes et ces textes je les lisais au début accompagnés par la guitare. Un jour, mon professeur de guitare (Didier Cantegrit du groupe Tanagila, à qui je dois tout) m’a proposé d’essayer de les chanter. Cependant, comme je n’aimais pas retravailler un texte, je trouvais que cela brisait le lien que j’avais avec ce texte. Je me suis donc mise à essayer d’écrire des chansons. La première, je l’avais écrite en troisième, elle s’intitulait "Les débris de mélodie". Je l’avais écrite pour la fin du concert qu’on faisait avec la chorale au collège, je la chantais avec les autres élèves pour remercier notre professeur de musique. Le public et les professeurs l’avait bien aimée. Alors, j’ai continué d’écrire des chansons, j’ai voulu en écrire une qui pourrait voyager en chaque personne, qui n’avait pas d’occasion attitrée pour être chantée, alors j’ai écrit "Remonter le temps", puis d’autres chansons se sont ajoutées par la suite. Là où le slam a une place particulière dans mon processus créatif, c’est qu’il est la majuscule qui débute l’histoire que je veux raconter. Par exemple, lorsque je fais des chansons, je commence toujours par l’écriture, puis je dis le texte à voix haute, je le slame, je joue avec les mots afin de trouver la mélodie que ce soit avec la guitare ou dernièrement avec la harpe-ukulélé. J’ai besoin des mots comme point de départ à toute création! Par exemple, en ce moment, je suis en pleine finalisation de mon premier petit spectacle "Lune ne se laisse plus Terre". Bien que j’avais toutes les idées en tête, il a fallu que j’écrive l’histoire, que je me la raconte à haute voix, avant de pouvoir y ajouter de la musique, de la danse, du cirque… Les mots sont les racines de chacune de mes créations, les graines m'inspirent, la plante est le résultat de recherches, d’assemblages d’idées autour de ces racines que sont les mots.
Comment est la scène slam autour de chez toi? La fréquentes-tu assidûment chez toi et aussi ailleurs?
La scène slam autour de moi accueille la même équipe de slameurs que j’avais rencontrée à Auney-sur-Odon, parce qu’elle en est la continuité. Elle se déroule tous les derniers vendredis du mois au "Bar au mètre" d’Epinay sur Odon. Elle commence toujours par un atelier d’écriture collectif ou individuel puis vient le repas et enfin la scène ouverte, dans une petite salle en pierre avec des bancs, des chaises en autour d’un espace vide qui attend d’être rempli par un slameur. C’est une scène ouverte libre puisque chacun est libre de slamer, de jouer d’un instrument, de chanter, de faire du théâtre, d’improviser, de lire un bout de livre, un texte d’un auteur. Je l’apprécie tout particulièrement parce que l’ambiance y est conviviale, tout le monde discute ensemble, échange... J’ai également été quelques fois à une autre scène ouverte de slam à l’Elcamino à Caen, c’était très différent, et je me suis rendue compte que chaque scène ouverte et chaque ambiance pouvaient être très différentes.
Que dirais-tu à quelqu'un qui cherche à découvrir la discipline pour lui donner envie?
Chaque être rêve et chaque rêve est le début d’une histoire. Je pense que le slam est une branche de l’arbre artistique que forme la vie. L’écriture est la clé qui unit toute forme d’art, elle est l’inspiration qui fait naître le rêve, chaque œuvre, chaque texte, chaque art fait rêver plus d’une personne. Alors je dirai à cette personne d’essayer, de se poser un instant devant une feuille, de commencer à écrire sur n’importe quel sujet, par exemple un dialogue entre sa feuille et son stylo, cela peut paraître étrange et inutile mais chaque texte naît d’une inspiration, il n’est jamais parfait dès qu’on le finit. Ainsi, après avoir écrit ce texte, il faut le garder même si on ne l’aime pas, le laisser poser et le relire plus tard, une semaine par exemple, le relire et à ce moment là, tu t’aperçois qu’il y a un truc, peut-être juste une phrase qui te paraît bien mais cette phrase sera le début d’un meilleur texte, alors tu peux la surligner et modifier ou réécrire les autres lignes de ton texte et ensuite, tu verras que ton texte est beau parce qu’il vient de ton inspiration. Et même si tout le monde ne l’aime pas, ce n’est pas parce que ton texte est mauvais, mais parce qu’il ne peut pas plaire à tout le monde parce qu’il vient de toi et tu lui as transmis un style, le tien.
Quelle est pour toi la place de la poésie dans la société?
Pour moi, la poésie, l’écriture surtout et plus généralement l’art sont indispensables bien qu’ils n’aient qu’une infime place au sein de notre société. Je pense aussi que si l’art n’a qu’une place infime dans cette société et qu’il n’est pas réellement considéré c’est parce que les gens mais surtout ceux qui sont au pouvoir ont peur de ce qu’il peut engendrer. L’art n’est pas juste un rêve qui se regarde et se pratique éveillé à demi-conscient. L’art a le pouvoir de réveiller les consciences, de transmettre un message, l’art c’est transmettre du rêve à la réalité. Je crois sérieusement que l’art a un pouvoir si puissant que les dirigeants le laissent pour s’évader et non comme source d’inspiration. Ainsi, il n’y a que regarder autour de soi, tant que la poésie et l’art ne viennent pas remuer la réalité et poser des questions sur cette réalité, on l’encourage à percer mais au contraire, si l’art se veut éducatif, s’il souhaite passer un message et réveiller les consciences il est censuré. Le monde a peur du changement que peut engendrer l’art. L’art ne doit pas être limité au rôle de faire rêver les gens. L’art envoie des étoiles dans les yeux des gens, des étoile filantes en signe de message. C’est un prophète et messager des temps modernes.
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