Slameuse/ Slameur: Madeleine Adoumbou aka Fifamé
Equipe de: Lyon
Pourquoi Slamez-vous?
Enquête auprès des poètes sélectionné-e-s pour la Coupe de la Ligue Slam de France 2020
Enchanté... Madeleine? Fifamé?
Enchantée. Comme tu veux! Fifamé, c'est mon 3ème prénom. Quand je vais au Bénin, on m'appelle Fifamé, ce qui signifie "venue dans la Paix".
Comment as-tu rencontré le slam? Te souviens-tu de la première scène à laquelle tu as assisté, puis participé (et donc de ton premier texte)?
En fait, à un moment, j'ai été très malade. Ça me mettait assez en colère. Quelqu’un m’ a offert le livre "Patients" de Grand Corps Malade. Je l'ai lu et je me suis dit : "écris". Au lieu de rager, écris. J'ai écrit un premier texte pas terrible, je l'ai relu le lendemain et jeté! J'ai réécrit un autre texte qui était mieux et un ami, Lucas Roullet-Marchand - c'est un chanteur, mais au début il était très slam -, est venu chez moi parce qu'on était très potes. Je lui ai lu ce texte très intime et il m'a dit: "écoute, il y a un mouvement qui s'appelle le slam, je vais à une soirée slam, viens avec moi avec ton texte et fais-le, ça sera super!". Je me souviens d'y être allée texte en poche mais en me disant, je ne vais pas le dire, c'est trop perso. Et il y avait une telle ambiance pendant la 1ère partie de la soirée que je me suis dit: "si je ne fais pas mon texte, en fait, je vais le regretter". Donc, j'ai demandé à l'animateur, j'ai pu passer en 2ème partie et les gens m'ont fait des retours plutôt positifs. C'est comme ça que j'ai commencé le slam. Je m'étais sentie bien, déjà, moi-même. Il faut savoir que j'ai fait 10 ans de théâtre... je sais que le théâtre n'est pas du slam, mais ça aide au niveau de l'oralité, de la projection de la voix etc... Et en fait, j'ai aimé l'ambiance de ces soirées, j'ai voulu y retourner et y retournant, du coup, j'ai voulu réécrire des textes. J'ai dû en faire des pourris au début, je ne me souviens pas trop, mais petit à petit au fil des ans, j'ai commencé à être de plus en plus dans le slam... jusqu'à pratiquement en vivre et à me professionnaliser dedans.
C'était il y a combien de temps ce 1er jour ?
Je crois que c'est il y a 7 ans, parce que dans mon slam je dis "il y a 20 ans" et que j'ai aujourd'hui 27 ans...
Comment écris-tu tes textes? Qu'est-ce qui t'inspire? Aimes tu te mettre dans des conditions particulières pour écrire?
Avant, mon moment préféré pour écrire, c'était à la terrasse d'un café avec un peu de lumière et éventuellement une cigarette, toute seule. Le bar presque fermé et que moi, seule, qui écris. J'ai écrit des slams dans ces conditions-là et j'ai bien aimé. Maintenant, ça dépend de chaque texte, les textes par rapport à des choses que j'ai vécues, que je vais avoir besoin de digérer, je vais écrire dessus. La plupart de mes textes, je les écris du cœur. Ca peut être, je sais pas, je vais voir un SDF et il va me toucher et je vais avoir envie d'écrire sur lui... En général, je n'ai pas besoin de réfléchir, ça coule tout seul. Après, il y a des fois quand il faut faire des concours ou quand je réponds à des appels à projet ou à des commandes, ça peut être plus long. Là, par exemple, on m'a demandé d'animer le Printemps des Poètes en Lozère. Le thème, c'était la beauté et comme il était imposé, j'ai mis plus de temps. Je commence toujours à une table avec mon crayon et ma feuille blanche. Là, j'ai écrit une première phrase que je n'ai pas aimée, une deuxième phrase que je n'ai pas aimée non plus. J'ai essayé d'écrire pendant 2 heures, il n'y a rien qui venait et le lendemain, j'ai écrit d'un seul trait! Et tout ce que j'avais écrit la veille, je l'ai repris, c'est devenu mon refrain.
Ca tu le fais chez toi ou toujours à une terrasse de café ?
J'écris partout ! En fait, là où je suis. Mais j'écris de plus en plus de textes chez moi quand même.
Pour écrire chez toi, tu te mets apparemment à table. Tu le fais à des moments de la journée particuliers, dans des conditions particulières ?
Je crois que je dois être dans le silence. Je crois que j'en ai besoin pour écrire.
Quand tu as cité l'exemple de la beauté, tu as dit que ça c'était passé sur deux jours, que tu voulais jeter les phrases de la veille, mais qu'au final tu les avais gardées ?
Oui. Alors, ça c'est un truc que je trouve intéressant à dire, c'est Zurg et Yopo qui me l'ont appris: ne rayez jamais ce que vous écrivez, ou faites le de manière à ce qu'on puisse toujours lire. En fait, les deux phrases que j'avais écrites et rayées, je trouvais que ça faisait super bien comme refrain, donc, je suis revenue dessus. Ce que je fais après, c'est que je les passe sur ordinateur. Par contre, il m'est arrivé d'écrire des slams directement sur ordinateur, mais je n'aime pas du tout. Je préfère le crayon et le papier ou le carnet. Sur un ordinateur, il y a un truc qui me manque... une magie qui se perd.
Si tu as d'autres activités artistiques, le Slam a-t-il une place particulière dans ton processus créatif?
Je vais répondre de manière détournée. J'ai un parcours particulier, parce que j'ai donc fait 10 ans de théâtre dans une troupe qui était amateure, mais d'un très bon niveau. On n'était pas des pros, mais la qualité était là. J'ai hésité, d'ailleurs, à faire une carrière en tant qu'actrice. Ma sœur, elle, est chanteuse lyrique. On est une famille d'intermittents du spectacle. Ma sœur a dit un jour qu'elle ferait un spectacle mélangeant slam et opéra. Le projet a été vendu au Château de Grignan. C'était sur les Fables de la Fontaine. Elle, elle les chante et moi j'ai écrit en slam la vie de la Fontaine et je fais les transitions entre chaque fable. Ca s'appelle « Fables en folie » on l'a joué plusieurs fois, à Chaponost et à Grignan. C'est un spectacle où je suis présentée comme slameuse et ils mettent « slam », mais c'est absolument pas le slam que je fais d'habitude. Parce que c'est soit un méga slam prolongé et entrecoupé, soit plusieurs petits slams sur la vie de la Fontaine. Par exemple, pour présenter "Le lion et le rat", je vais parler d'un épisode de la vie de la Fontaine a un moment où il a été l'un ou l'autre, lion ou rat. Je n'ai plus les textes dans la tête donc, je ne peux pas te dire, mais par exemple, je vais parler du Général Fouquet, j'ai mêlé l'histoire, le théâtre et le slam... Enfin, eux ils l'ont appelé Slam, Pompadour etc... mais pour moi, c'est pas du slam en soi. Je suis peut-être un peu relou, mais le slam, c'est un texte de 3mn environ, sans accessoire... etc. Alors, que là, ce n'est pas ce que je fais. Clairement, je raconte une histoire, certes en rimes, mais ça n'est pas vraiment ça. Il y a juste un moment où ils ont incorporé dans le spectacle un de mes textes où donc je slame vraiment. Tout ça pour dire que ça a mêlé pour moi le lyrique, le théâtre et le slam. C'est entre les trois.
Comment est la scène slam autour de chez toi? La fréquentes-tu assidûment chez toi et aussi ailleurs?
La scène slam à Lyon, je la trouve bien vivante. Je la fréquentais pas mal, j'avais moi-même des scènes slam que je faisais tous les 3èmes mardis du mois dans un bar à bières, le Nomade, le Rendez-Vous s'appelle: "Les brasseurs de mots". Il y a "le Cercle des poètes à la rue" qui permet de faire vivre bien la discipline à Lyon. Et il y a aussi la slamarilla... Mais en tous cas, j'y vais pas mal. Enfin, j'y allais pas mal avant le confinement. Et, c'est sûr que si je suis dans une ville et qu'il y a une scène slam, j'y vais. Je suis allée à Joué-les-Tours pour une soirée avec Grand Corps Malade et la Ligue Slam de France, il y avait le concert suivi d'une scène ouverte. Je suis allée à Strasbourg aussi, pour le fun je crois. Les strasbourgeois nous avaient invités. C'était peut-être une Nuit du Slam. Je ne sais plus. J'y étais allée avec Slamouraï.
Que dirais-tu à quelqu'un qui cherche à découvrir la discipline pour lui donner envie?
Franchement, je crois que je vais encore répondre en contournant la question. Je crois que je commencerais par un atelier d'écriture. Tels qu'ils sont proposés par Zurg et Yopo, c'est top. Ils commencent par te faire écrire des petits textes et après des mini-scènes slams, on voit ce que c'est, l'ambiance, la chaleur. On a tous écrit un pauvre texte de 10 lignes, on a tous trouvé un vieux thème genre « le canard en pâte » et on s'en fout, on va parler de ça. Tous les gens qui ne voulaient pas monter sur scène, ils le font quand même parce qu'on est en classe ou en groupe... Pour moi, la meilleure clé du slam, ce sont les ateliers d'écriture. C'est la base. On se trouve un pseudo, on fait quelques exercices d'écriture et puis après on écrit chacun un texte et on finit par faire une scène ouverte. Pour moi, c'est le top du top. Je crois que c'est ce que je conseillerais à quelqu'un ! Evidemment, il faut qu'il y ait des ateliers d'écriture de proposés... Donc, si la personne ne peut pas, je proposerais de venir à une scène certes, mais je pense que d'avoir un peu écrit avant, ça en change la saveur.
Quelle est pour toi la place de la poésie dans la société?
Je dirais que la poésie est l'âme de la société. Je ne sais pas comment dire en fait. A travers la poésie, chacun donne de soi, de son âme, on est tous des personnes vivantes, on vit tous ensemble en communauté, mais on est tous des individus et la poésie rassemble les individualités. Du coup, elle est l'âme de la société, parce qu'on est tous réunis par elle.
Un mot de conclusion ?
Bah, c'est simple : merci Zurg et Yopo ! On a peut-être pas tous été mis dans le slam par eux, mais moi franchement, je leur dois tout. Je pompe tout chez eux ! Mes ateliers d'écriture, c'est leur modèle, ils sont venus dans mon Ecole de Commerce faire un atelier, une conférence, un tournoi... Je trouve qu'ils donnent beaucoup de leur personne... On a une chance énorme de les avoir. Et c'est aussi pour ça que le slam est beau, c'est parce que ces personnes sont belles ! Donc, j'ai vraiment envie de les remercier. Après, je sais bien qu'ils ne sont pas tous seuls et qu'il y en a plein d'autres à remercier... mais ce sont eux que je vois et que je connais. Vraiment, je leur dis merci.
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