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[Plonger dans l’âme de...] Tigran Mekhitarian. Molière projeté en 2019

Tigran Mekhitarian est un passionné qui saisit à pleine voix les pouvoirs du théâtre pour parler de l’état du monde à ses contemporains. En particulier à celles et ceux qui n’y vont que très peu ou jamais: les jeunes des quartiers populaires. Il a su trouver en Scapin les codes parfaits d’un personnage d’aujourd’hui. Pierre Boiteux, producteur, a d’abord été emballé par l’homme avant de découvrir ses “Fourberies”... qui l’ont enthousiasmé. Il est depuis un soutien indéfectible de cette jeune famille si talentueuse et attachante. Suivez donc la verve joyeuse, décomplexée et communicative d’un acteur/ metteur en scène qui déborde de projets et d’envies. Bonne lecture!


Tigran Mekhitarian. Photo: Laura St James (c)

Pour retrouver l’ITW de Pierre Boiteux: [Théâtre] Molière/ Tigran Mekhitarian: urbain, moderne, déjanté, hyper-(ré)créatif... avec "Les Fourberies de Scapin", #Molière n'a jamais été aussi actuel! - entretien avec Pierre Boiteux, le producteur qui a craqué pour le spectacle et pour l’équipe... https://www.facebook.com/notes/culture-etc/th%C3%A9%C3%A2tre-moli%C3%A8re-tigran-mekhitarian-les-fourberies-de-scapin-adaptation-urbaine-e/2274021312852095/


Enchanté Tigran. D'abord, comment ça se passe au Théâtre 13 actuellement ?

"Les Fourberies de Scapin" Molière/ Tigran Mekhitarian. Photo: David Law (c)

Enchanté Philippe. On a fait un super démarrage. Les gens sont ravis et nous aussi ! Au bout de la 1ère semaine on a eu des complets déjà, un maximum de places avaient été vendues avant qu’on ne commence, c’est ahurissant. Mais on ne se repose par sur nos acquis, tous les soirs on retravaille, on reprend des notes, tous les jours, on revient à 16h on fait des raccords, on bosse, on change des choses... On ne se repose pas sur ce qu'on a fait ni sur ce qu'on nous a dit la veille.


Le spectacle existe depuis 5 ans maintenant ?


Oui. J'y ai pensé il y a 7 ans au Cours Florent. Il y a 5 ans on a commencé les répétitions et la 1ère a eu lieu en 2015.


L’idée vous est venue comme un éclair pendant en répétant une scène de Scapin ?


C'est pas tellement comme un éclair. Je faisais le “Parcours d'un rôle”, ça veut dire qu'on prend un rôle dans une pièce et qu'on traverse son parcours en 10mn. J'ai fait, ça, j'ai bossé un mois sur Scapin. A la fin, voilà, le parcours est terminé, l'échéance est passée, il faut abandonner la pièce et passer à autre chose. Or, en 3ème année des Cours Florent on te propose, de faire un TFE, Travail de Fin d'Etudes. Tu peux monter ce que tu veux, quand tu veux. Au moment où j’ai fait le parcours d'un rôle de Scapin, j’avais en tête autre chose que je voulais monter. Mais jouer Scapin, toucher à cette histoire là, ce texte-là, ça m'a tellement donné envie, j'étais tellement frustré de devoir arrêter que j'ai changé d'idée. Je me suis dit je monte “les Fourberies”. A la base, je voulais même jouer Scapin. Mais ça a duré deux semaines cette histoire, j'ai vite compris que ça n'était pas possible...


Pas possible de jouer et de mettre en scène, les deux à la fois, ou de jouer Scapin ?


De jouer et de mettre en scène.


Parce que vous jouez parfois Scapin vous-même, non ?


Oui, il y a quelques dates que Seb ne pouvait pas faire que j'ai faites et au Théâtre 13 il y aura aussi des dates que je vais faire. Je ne vous cache pas que pour moi c'est un bonheur extrême. EXTREME !


Qu'est-ce qui se passe quand vous le faites vous-même ?

"Les Fourberies de Scapin" Molière/ Tigran Mekhitarian. Photo: David Law (c)

Vous savez, personne ne va venir et me dire “Tigran, je vais monter les Fourberies de Scapin en mode rap, ghetto avec cette mise en scène-là où tu peux t'amuser à faire ci-ça, et tiens je te donne le rôle de Scapin”. Ca serait mon idéal, mon rêve ! Mais personne ne va le faire. Alors je l’ai fait moi-même et je peux me permettre de le jouer par moment. Donc mon bonheur est hyper puissant parce que c'est mon rôle préféré.


Qu'est-ce qui vous a amené au théâtre ?


“Kaamelott”, la série réalisée par Alexandre Astier. Je la regardais quand j'étais petit, j'adorais ce qui se passait, le jeu, la comédie etc. Et il y avait un conservatoire d'art dramatique à côté de chez moi, j'ai dit à ma mère: “Maman j'aimerais bien faire du théâtre, ça me plairait beaucoup”. Ma mère était ravie, donc à 12 ans je suis allé m'inscrire au Conservatoire et le comble de l'histoire c'est que il y a un mois, Alexandre Astier m'a appelé pour jouer dans le film... C'est énorme. Après, quand j'étais petit, je regardais Jean-Claude Van Dame aussi, c'est con ! Mais je me rappelle, on était dans l'avion Arménie-France, quand je suis arrivé en France, les premiers films que j'ai regardés c'était ceux de Jean-Claude Van Dame et je voulais devenir comme lui. Après, en pratiquant le théâtre, j'ai compris pourquoi je voulais faire vraiment ce métier, que c'était un engagement artistique, politique, qu'on a le pouvoir de rassembler des gens et qu'on peut leur faire entendre des choses, beaucoup de choses. Je ne vois pas à quoi ça sert de monter sur un plateau s'il n'y a pas un message derrière. Avant, c'était plus l'idée du théâtre, de jouer qui m'intéressait, j'ai compris plein de choses en le pratiquant.


“Kaamelott” a provoqué en vous l'envie de jouer, mais est-ce que vous alliez un petit peu au théâtre aussi ou pas ?


Jamais. La première fois au théâtre, c'est quand je suis arrivé à Paris.


Le Conservatoire, c’était où ?


A Menton, dans le sud. Quand je suis arrivé en France, à 4 ans, je suis arrivé tout de suite à Nice. A Menton, je suis arrivé 8 ans après, ma mère avait ouvert un commerce à Nice qui marchait bien, elle en a trouvé un autre à Menton, elle l'a racheté, du coup, on est allés à Menton. Je suis rentré au Conservatoire à 12 ans à peu près. J'y suis resté jusqu'à mes 20 ans.


Et après, donc, vous avez enchaîné par le Cours Florent ?


C'est mon prof un jour qui me dit: “Tigran, après ton bac, tu sais ce que tu veux faire ?” J'ai dit non. Je ne savais pas qu'il y avait des écoles de théâtre vraiment pour être comédien. Je croyais qu'on devenait comédien par hasard. Il me dit: “non, tu montes à Paris, il faut absolument que tu fasses les Cours Florent, ça va te donner ton réseau, au bout de 3 ans, tu sauras comment faire etc”. Et j'en ai parlé à ma mère, elle était ravie, elle a dit d'accord, on va essayer on va le faire à la condition que j'ai mon bac. Ce que j'ai fait. Et je suis monté à Paris pour les Cours Florent.


Les Fourberies de Scapin, c'est votre première vraie création ?


C'est ma première.


Bravo alors! Depuis 5 ans le spectacle tourne et vous enchaînez les dates...

C'est très gentil merci beaucoup. Ca a été très dur de faire vivre le spectacle. Quand on a fait les TFE, l'école prime ceux qui, selon eux, étaient très bien. Nous, on a pas du tout été primés, au contraire. Mais je ne voulais quand même pas lâcher l'affaire et je voulais aller à Avignon parce que quand on a rien on fait le festival d'Avignon et on peut se retrouver avec pas mal de dates. Le problème, c'est qu'on était 10 et je ne voulais pas que mes comédiens paient un centime que ce soit le billet, l'hébergement, la location du théâtre, les flys, les affiches... et 10 personnes à emmener à Avignon, ça coûte très très cher en partant du principe que le théâtre, la location est à 10,000€. Loger et nourrir tout le monde derrière il faut trouver beaucoup d'argent. On a fait un Ullule sur internet on a demandé 10,000€ et le reste je me suis débrouillé pour les avoir. Tout ça pour dire que quand on a rien mais qu'on veut on peut. On est partis à Avignon, on a fait toutes nos dates, on a fait un carton. Derrière, on a été programmés au Théâtre de Ménilmontant à la condition qu'on puisse lui fournir 5,000€ de communication. On ne les avait pas, malgré tout j'ai accepté et, deux semaines avant, on ne les avait toujours pas... C’était trop tard pour annuler, il nous a quand même programmés. C'est une salle de 300 places, on avait 7 dates, on les a remplies. Pour une jeune Cie, c'était quand même très très bien.

Après Ménilmontant, on a refait Avignon, j'ai accepté de jouer dans des théâtres au rabais, j'ai sacrifié un peu le cachet de mes comédiens. Je savais qu'il fallait que la pièce se fasse un nom petit à petit, qu'elle tourne, que les gens puissent la voir, pour qu'on puisse avoir des gens qui nous soutiennent. Plus il y a de gens qui viennent nous voir, plus, quand je vais voir un grand théâtre, ils seront aptes à nous prendre avec eux. C'est ce que j'ai fait avec le théâtre de l'Epée de bois. Il n'avait jamais vu la pièce, je suis allé toquer à sa porte, comme j'ai été dans plein d'autres théâtres... Je lui ai parlé, parlé, parlé pendant une heure. Deux jours après il m'appelle il me dit Ok, je te propose 6 dates dans la salle en pierre. 100m2, 350 places. Un super théâtre. On s'est faits à la force de nos bras et de nos convictions. A Avignon, on tractait du matin au soir, on a tous perdu 10kgs. Cette pièce, c'est ça. On part de rien, on galère, on galère pour arriver quelque part. Et même maintenant, le Théâtre 13, pour nous, ça n'est pas une fin en soi. Tout ce qu'on a fait, c'est pour arriver au Théâtre 13 et ça n'est que le début. Ca va nous donner encore 10 ans de travail derrière avec Scapin, j'en suis sûr.


Avec vous, notamment, il y a En Scène Productions qui vous suit à fond


Oui, mais Pierre (Boiteux), il est super ce mec. Je l'ai rencontré pareil, on avait pris un verre, c'était une amie à lui, avec qui il travaillait, qui avait vu les Fourberies qui nous a mis en lien. Pierre ne nous avait pas vus. On a parlé, parlé, parlé, il a vu ma mentalité dans le théâtre, il comprenait pourquoi je voulais monter Scapin. A la base, je voulais aussi monter un Molière parce que je viens d'une génération qui ne va pas au théâtre, qui n'aime pas le théâtre et qui n'aime pas Molière! Moi qui en suis fan et fan de théâtre, je savais à côté de quoi ils passaient ces gens-là. Quand je dis ces gens-là, même n'importe quel jeune... Aujourd'hui, les jeunes, ils ne vont pas beaucoup au théâtre. Je traîne avec des mecs de la rue et je voulais que eux ça leur parle. Du coup, j'ai monté un Scapin de cette façon-là pour pouvoir parler à eux. Et ça marche très bien parce qu'on a fait beaucoup de centres associatifs et des lieux comme ça et, Pierre, il a entendu, il a beaucoup aimé ça. C'est un producteur, qui n'a pas de grands moyens mais il nous suit avec le cœur à 200% et quand il a fallu investir comme pour le Théâtre 13, prendre un risque, il n’a pas eu peur, il l'a fait. Il nous soutient, humainement, il est super derrière nous.


C'est ce qu'il me racontait. Quels sont vos projets après?

"La Vie devant soi" MES: Simon Delattre. Photo: Matthieu Edet (c)

J'ai pas mal de projets à côté en tant que comédien. Je joue dans une pièce qui s'appelle “La Vie devant soi”, l'adaptation du roman de Romain Gary, je joue dans une pièce qui s'appelle “les Yeux d'Anna” au Théâtre 13 aussi, je joue dans une autre qui s'appelle “Tigrane” mais qui n'a rien à voir avec moi, même si ça porte mon prénom, on joue au théâtre Dunois, au Théâtre du Lucernaire. Là, je suis en train de monter “l'Avare” qu'on va jouer au Théâtre de l'Epée de Bois à partir du 24 mai, j'ai un seul en scène qui arrive le 3 juin au Théâtre des déchargeurs... Après voilà, j'ai pas mal de choses à côté !


Le théâtre, c'est votre vie!


Oui, oui, oui. Le Théâtre... je me suis fait tout mon réseau ici. Je suis aussi dans une école nationale qui s'appelle l'Esca, Ecole Supérieure de comédiens par alternance, et eux-mêmes ils nous donnent des auditions, ils nous donnent beaucoup de chances pour mettre un pied dans le métier parce qu'ils nous font travailler en même temps que aller en cours. Moi, je suis peu en cours étant donné que je travaille pas mal, donc... De toutes façons, je ne vis que du théâtre.


Quel serait votre message à quelqu'un qui démarre ?


En tant que metteur en scène ou que comédien ? Remarquez, c'est un peu la même chose. Le temps est précieux, il faut que la majeure partie de son temps, de sa concentration, de son énergie, ce soit pour trouver du travail. Je pars de ce principe-là. Et s'il n'en trouve pas, il faut qu'il créé son propre travail, et tout se fait. Il ne faut pas avoir peur daller toquer directement sur place, physiquement aux portes des théâtres, d'amener son CV avec soi. Moi il y avait des castings où ils ne voulaient pas que je passe, j'y suis quand même allé, j'ai toqué à la porte et je dis bon maintenant je suis là, je vais le passer le casting, je ne suis pas venu pour rien... Il faut être frontal, combatif, avoir de l'ambition. Même si on se rate, tant mieux, il faut se rater, ça nous fait juste apprendre beaucoup plus de choses... Ca donne juste une plus grosse niaque et le métier est difficile, donc, plus tu es hargneux, crochu, que tu tiens ton métier à bout de bras, avec force et plus ça marchera. Selon moi !


Merci à Pierre Boiteux et à Vincent Serreau pour la mise en contact. Propos recueillis par #PG9


Tigran Mekhitarian sur les toits de Paris. Photo: Juliette Petiot (c)




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