Laissez-vous guider, RedFox, le Renard vous entraîne dans ses pas avec une sincérité à coeur ouvert. Naître, grandir, partir, se perdre, revenir, repartir de zéro et renaître. 7 fois? Je ne vous en dis pas plus, vous allez le découvrir! Bonne lecture... et Rendez-Vous samedi 29/06/2019 au Festival (gratuit) “Plesstival” du Plessis-Trévise (94)
Bonjour ! Tu as rencontré le “Club” du 129H et son collectif de slameurs il y a un an et demi- deux ans...
Bonjour ! Oui. Je venais d'avoir mon instrument, le dualo. Avant ça, je faisais de la musique avec des groupes, bref... Je venais donc d'avoir mon instrument, de poser mon premier truc dessus et je ne savais pas quoi écrire. J'avais une musique mais je ne savais pas quoi en faire et une chanson me trottait dans la tête depuis très longtemps: “Caroline” de MC Solaar. Je voulais la reprendre. J'ai posé cette chanson sur ma musique et j'ai rajouté même d'autres trucs parce que j'aime bien faire des mélanges. J'avais ça dans les pattes, je me suis dit “j'en fais quoi maintenant”? J'avais plus l'habitude de chanter que de rapper même si le hip-hop fait partie de mon terreau aussi parce que j'en écoute beaucoup. Je me pointe au Lou Pascalou (Paris XXème), tout timide: “bonjour, je suis pas trop slameur mais j'ai fait quelque chose qui peut vous intéresser”. Du coup, j'ai posé le truc. Ils ont tous kiffé, on s'est liés d'amitié, ils m'ont invité à leur événement annuel du QDCF à Beauvais et ça m'a permis aussi de rechopper une nouvelle inspiration dans ma musique. Parce que du coup, j'ai eu le sentiment d’avoir grandi. C'est comme si j'avais passé une étape et je me suis dit: “j'ai la légitimité d'écrire ce que je veux, de poser comme je veux, de rapper si je veux, de slamer si je veux. Peu importe si je chante ou si je rappe: je fais de la musique point. Mon son est ce qu'il est...” Et puis, ça va bien avec l'image du renard au final: toujours furtif, en train de s'adapter.
Mais quelle idée de se limiter! Pourquoi ?
Parce que mon truc, c'était la chanson. J'ai commencé par chanter. J'écoutais beaucoup de soul, beaucoup de musique traditionnelle kabyle. J’aime beaucoup les voix. Quand j'étais petit, ma première claque, c'est quand j'ai découvert les Fugees. Quand Lauryn Hill chante, elle a une voix, je n'ai jamais entendu ça de ma vie, et quand elle rappe, elle a un flow incroyable. Elle allie la douceur et la mélancolie de la voix au punch et à la manière incisive de poser du rap... Mais, j'étais plus jeune, je n'avais pas encore mué, je ne me sentais pas de rapper moi-même. Je le faisais juste pour rigoler. J'apprenais les raps des chanteurs que j'aimais bien, mais je ne me sentais pas légitime de me lancer. Je me disais: “il y a tellement de MCs qui écrivent des trucs ouf!”. C'est aussi lié au fait que j'écrivais beaucoup en anglais. En français, j'avais un peu plus de gène. Comme c'est notre langue on comprend tout de suite ce qui se dit et je n'avais pas envie de faire n’importe quoi. Je voulais raconter des trucs cool à la MC Solaar ou à la Georges Brassens... J'ai mis longtemps avant de me dire: “écris, fais ce que tu as à faire et tu t'en fiches du reste”.
Tu chantes depuis longtemps ?
Depuis toujours. J'ai passé beaucoup de temps seul parce qu'on avait une famille ou chacun devait faire ses trucs. Je me retrouvais souvent devant ma télé à regarder des clips ou des dessins animés avec des génériques de ouf. A l'époque, ma sœur était bay-sitter pour quelqu’un qui travaillait dans un magasine de musique, du coup elle avait plein de CDs, que je découvrais. Je chantais tout le temps. Ma mère aussi passait son temps à chanter des chansons traditionnelles kabyles, je l'écoutais. Donc, je suis un peu né dedans... J'ai toujours chanté en fait. Quand j'ai commencé à grandir, j'ai découvert le film “Sister Act 2” avec Lauryn Hill dedans. Je connaissais déjà l’album “The score” et là, je tombe sur ce film incroyable avec Whoopi Goldberg... et Lauryn Hill! Je me dis, dès que j'ai fini l'école il faut que je chante, que je fasse des scènes, que je vive en fait. Au début, je trouvais des instrus sur internet, j'écrivais, je posais dessus. J'ai commencé le chant comme ça.
Et la pratique d'un instrument de musique ?
En vrai, moi-même je ne me considère pas comme instrumentiste au sens matériel. Mon instrument de base, c'est la voix. Un jour, un bonhomme me dit: “mais si c'est un instrument, c'est même le seul instrument qui est en même temps à corde et à vent”. J’étais petit et dans ma tête ça m'a fait un délire j'ai fait ah oui, en fait je joue d'un instrument! J'aimais bien toucher aux claviers, les petits claviers que tu peux avoir quand t'es enfant, je trouvais ça marrant, je me débrouillais avec des petits trucs, j'inventais des mélodies, mais je ne me suis jamais vraiment mis à un instrument. C'était trop, je ne sais pas si compliqué c'est le mot, ça me semblait un apprentissage à devoir faire et ça ne m'allait pas. Du coup, je n'ai fait que chanter, chanter, chanter jusqu'à ce qu'un jour, j'en ai marre d'utiliser des instrus que je chopais sur internet, c'est cool, mais parfois c'est limitant et là, j'ai commencé à vouloir faire de la musique avec des musiciens, donc j'ai commencé à en chercher...
Tu avais quel âge ?
Quand j'ai commencé à enregistrer des trucs sur des instrus, j'avais genre 16 ans. Je me rappelle il y avait un petit studio près de chez moi, c'était marrant. Après, j'ai eu le bac et je me suis barré aux Etats-Unis. J'étais complètement lobotomisé par le star system, je pensais que c'était le seul système en fait. Mais il faut dire que j'ai grandi dans les années 90 et j'ai l'impression qu'il y avait beaucoup moins d'artistes hyper connus. On entendait plus des histoires de gens qui n’avaient rien, sauf du talent, qui se faisaient repérer et devenaient des supers stars. J'avais grandi là-dedans et je pensais que la musique allait me sortir de mon trou. Bref, je pars aux Etats-Unis, je suis jeune et on me jette beaucoup de poudre aux yeux! J'ai appris plein de trucs, j'ai fait des concerts là-bas, c'était cool, mais je suis revenu...
Tu as fait des concerts là-bas, comment ?
Je suis allé là-bas complètement à l'arrache avec une idée en tête: faire de la musique. J’allais dehors, je parlais à des gens, j'allais dans des bars, je demandais s'il y avait des sessions ouvertes... Un jour, en marchant dans la rue, parce que quand je marche dans la rue j'ai souvent mon casque et je chantonne, je me fais tapoter sur l'épaule par un mec. C'était à Los Angeles. “Oui qu'est-ce qui se passe?”. Le mec me fait: “ça fait deux blocs que je te suis, ça fait deux blocs que tu chantes et ça fait deux blocs que je kiffe... Du coup, en fait, tiens ma carte”. Ce mec avait une boite de musique qui était censée être distribuée par Universal - je n'en ai jamais vu la couleur. Moi j'avais 18 piges, on me dit ça, je pense que c'est réglé tu vois! Go. En fait, ça ne s'est pas du tout passé comme ça. J'ai fait des soirées avec eux, c’était comme dans les films à Beverly Hills, dans des des lofts de ouf avec plein de gens qui mangent des petits fours... Toi ou dans ta tête tu te dis oui !! Mais en fait, non. Los Angeles, c'était beaucoup comme ça, beaucoup de “regarde regarde regarde je fais ci, je fais ça”, mais derrière il n'y a pas grand chose. Chacun essaie de se montrer. Je suis rentré en France. Déprimé...
Tu dis que tu as fait des concerts là-bas, c'était quoi ? Sur des instrus, tu beatboxais... ?
C'était des instrus que je chopais sur le net. A l'époque, c'était vraiment que ça. J'avais mes bandes son, je posais dessus, comme on fait maintenant en fait! A l'époque, les gens venaient en groupe, avec leurs instruments, moi j'avais l'impression d'être un charclo de la musique avec sa clé USB... Aujourd’hui, c'est devenu normal, les gens arrivent avec leur téléphone et c'est réglé. Mais à l'époque, ça paraissait étrange en tous cas pour moi. Du coup j'ai dû rentrer en France, j'étais complètement déprimé, parce que dans ma tête c'était bon, j'avais rencontré des gens, ils allaient me faire des papiers et pour aller plus loin et pour faire de la musique, mais ça ne s'est pas passé comme ça.
Tu es resté combien de temps là-bas ?
En tout, je suis resté 2 ans. Je faisais des allers-retours, parce qu’avec le passeport français tu ne peux rester que 3 mois à chaque fois je faisais 3 mois, je revenais en France, je bossais 1 ou 2 mois, je repartais... Pendant 2 ans. La deuxième fois que j'y suis allé, c'était un peu mieux. J’avais choisi d’aller à New-York, je n’y étais jamais allé. Je bossais dans une espèce de petite boulangerie qui fait resto français. Là, pareil, dans le métro, j'étais en train de chantonner à l'époque, un type m'accoste, il me file sa carte: “appelle-moi”. Il est devenu mon manager... C'était cool, je n'avais plus moi à m'occuper de trouver des salles, des scènes, c'est lui qui trouvait. On a commencé à se faire approcher par des gens qui soit disant bossaient dans des grosses boites. Mais, comme je venais déjà de me manger des grosses baffes, je relativisais. Au bout d'un moment, j'en ai eu marre. C'était hyper difficile comme vie, tu es tout seul, tu galères parce que la thune c'est ric-rac, tu ne vois pas tes potes... et, le truc que je savais pas, je ne sais pas si c'était l'époque ou la ville, mais c'était ultra compétitif. Il n'y avait pas du tout une bonne ambiance dans les scènes ouvertes. Tout le monde se toisait, tout le monde était en compétition, c'est vraiment un truc de ouf. En plus, les gens venaient en crew, en équipe, genre il y avait un bonhomme qui passait sur scène mais ils étaient 10 avec lui pour le soutenir. Moi, je débarquais, on était deux...
Tu pouvais pas le faire le poids c'est sûr!
Oui. Après, musicalement, quand j'étais sur scène, c'était cool. Les gens kiffaient, je me rappelle même un truc - mais on s'est aussi fait beaucoup arnaquer là-bas -, il y a une radio qui s'appelle “Hot 97”, c'était la radio apparemment de référence hip-hop à l'époque, c'était genre en 2006 peut-être-, ils avaient fait un concours que j'avais gagné! Le gagnant était censé avoir 1,000 $, 3 enregistrements gratuits... mais on n'a jamais rien vu de tout ça, rien. J'étais fou! La radio n°1 à New-York, c'est bon il va se passer quelques chose. Bah non, rien du tout.
Mais tu avais vraiment gagné ?
Oui, il y avait eu le concours, chacun chantait sa chanson, même moi j'étais le premier étonné! “Ah bon, c'est moi, j'ai gagné??”. Ca m’avait fait super plaisir sur le moment cool, ça m'a permis de me dire que ce que je faisais, c'était quand même quelque chose en fait. Mais j'en ai eu marre après, marre de faire des allers-retours et de dépenser de l'argent que je n'avais pas, je me ruinais et j'en avais aussi marre de faire de la musique sur des instrus qui n'étaient pas de moi. Parce que, ce bonhomme qui était devenu manager bossait avec un beatmaker mais je n'accrochais pas trop avec ses prods. Il était cool, mais à chaque fois c’étaient des concessions pour moi. Du coup, je suis rentré en France et j'ai commencé à chercher des musiciens...
J'avais envie de faire de la musique plus intime, moins boum boum. Du coup, je commence à chercher sur des sites d'annonce de musiciens et je rencontre un guitariste. En fait, je voulais beatbox, guitare, voix. Un truc très cool, très simple, très acoustique... et ça c'est pas passé comme j'ai voulu, là non plus. Je me suis rendu compte que avoir un groupe de musique, c'était comme une relation amoureuse avec quelqu'un, pour moi en tous cas. Je ne savais pas ça en fait. En musique avec des gens, ça peut-être tout beau, tout machin... mais au bout de quelques mois, tu te rends compte que tu tournes en rond. Et ça ne va plus.
Du coup, le groupe s'est arrêté. On a continué à faire de la musique avec le guitariste, il m'a rameuté des potes à lui, un peu plus vieux, une espèce de groupe rock fusion. Au début, c'était cool, chacun apportait -vaguement- sa touche. Mais, au bout d’un moment, j’ai compris qu’ils considéraient que j'étais juste un chanteur. Je voulais leur proposer des chansons, des idées, une direction, un univers... En fait, c'est vous, soit vous voulez me suivre, soit non et ça s'est cassé la gueule pour ça aussi. J'ai réalisé que je perdais énormément de temps et d'énergie à essayer de les emmener avec moi. Un exemple tout bête, à un moment donné, on faisait une chanson complètement burlesque, un truc “rock cheloutesque”, j'aimais bien, c ‘était un bon délire. C’était la première chanson de notre set et on devait jouer au BatoPhare à Paris, une péniche. Un jour, à la fin de la répèt de ce morceau, le batteur et le bassiste partent tous les deux spontanément sur un break en même temps, avec les mêmes accords mais en reggae. Le truc n'avait aucun rapport avec les 3 minutes précédentes... J'ai surkiffé, j'ai improvisé un truc, que j'ai noté, et à partir de ce moment je leur ai dit cette chanson-là, c'est comme ça qu'on doit la jouer. J'ai passé 3 mois à essayer de les convaincre de le faire alors que l'idée était venue de eux à la base. Le jour où on joue au Batophare, on commence par cette chanson. A la fin les gens croient c'est fini, ils comment à applaudir gentiment et bim là on balance le reggae! Ils sont devenus oufs tous d'un coup, je m'en rappelle encore, tout le monde a fait ouais parce que ça surprenait. Et là, dans ma tête j'ai su qu’il fallait que j'arrêtais de faire de la musique avec eux.
J'ai donc arrêté de faire de la musique avec eux, mais je suis resté avec le guitariste, et, à ce moment-là, j'ai rencontré un pianiste beatmaker, Black note, avec qui j'ai fait mon premier EP. Lui, c'était l'inverse de toutes les autres rencontres. On s'est rencontré pareil sur une annonce et le premier truc qu'il m'a dit avec beaucoup d'humilité et un un peu de gêne: “je m'excuse, mais tu sais je n'ai jamais fait de solfège”... Et dans ma tête je me suis dit bingo. La musique, c'est aussi des maths, mais, pour moi, c'est surtout instinctif: ce que tu as entendu et ce que tu veux reproduire. “J'ai pas fait de solfège”, ça veut dire que tu es complètement autodidacte, que tu as juste tes oreilles et ton feeling pour faire de la musique... Avec lui, c'était terrible. Il est hyper bon claviériste et hyper bon beatmaker et, en plus, il touchait à tout ce qui est ingé son. Avec lui, c'est allé super vite, on allait chez lui, il me faisait écouter des instrus... La première, c'est la chanson qui a fait notre premier clip, j'ai direct pris mon dictaphone et j'ai chanté en yaourt. Un truc de ouf.
Je voulais découvrir ce qu'il faisait, je suis allé sur son soundcloud. J’ai adoré. Il y avait des chansons que moi j'avais écrites plusieurs années auparavant, il me faisait écouter des instrus, ça collait exactement, c'était terrible. Quand on se posait pour co-composer, si je lui demandais de rajouter de nappes de violon, on faisait les sons ensemble. On se comprenait vraiment! Je disais oui tu veux pas rajouter un piano qui fait... et il terminait lui-même en chantant les notes que je voulais exactement ! C'était que des trucs comme ça. C'est une étape qui m'a fait vachement plaisir dans mon histoire. On a fait un EP 7 titres: “The Redwood project”.
A l'époque, j'étais déjà Redfox, mais ça n'était pas mis en avant. C’était un projet un peu hybride. On a tourné un premier clip, le guitariste et le claviériste sont dedans, et puis un 2ème clip “Into the woods”. On y voit Black note, d’ailleurs. Le guitariste on ne s'est plus revus après. On a pris des chemins différents, mais je pense que je le reverrai un jour. C'était en 2017 dans ma tête c'était cool, je me dis voilà, là il y a quelque chose qui fonctionne avec Black note. Et puis boum, Black note vient me trouver, il venait de finir ses études et de se faire recruter par une super grosse boite multinationale. Il était à fond dans son boulot et il n'avait plus le temps pour faire de la musque... J'ai flippé ma race je me suis dit: “c'est quoi cet poisse que j'ai !!!”. Je t'assure, je me suis dit à chaque fois qu'il peut se passer quelque chose de bien de bien une poisse arrive et elle me dit: “non frère désolé”... Et pareil, j'ai recommencé à déprimer.
Mais bon, je me suis dit tu n'as plus le temps de déprimer, tu n'as plus 20 ans... Et, à ce moment-là, je retombe sur une vidéo que j'avais vue genre sur Facebook il y a un an d'un cousin de la femme de mon ex-guitariste avec un instrument que je ne connaissais pas: le dualo. Je tombe là-dessus et je me dis c'est quoi qu'il a dans les mains, ça a l'air tellement simple! C'est ce qu'il me faut en fait, je ne comprenais pas encore ce que c'était. Ca avait l'air d'être un looper et un synthétiseur et qui fait des boucles... Je me renseigne et je finis par en acheter un, je rencontre le personnes qui l'ont inventé, ils sont cools, je commence à m'y mettre et puis là ils commencent à m'appeler pour faire des scènes avec le dualo pour montrer leur produit, le faire connaître et voilà. Depuis, je ne l'ai plus lâché et je me suis rendu compte que j'ai jamais autant faire de trucs que depuis que je suis tout seul! En fait, j'avais peur de me retrouver tout seul et j'ai réalisé qu’au final je n'avais jamais eu la vraie bonne équipe qu’il me fallait... celle que j'essaie de constituer maintenant d'ailleurs. Maintenant, je suis sélectif avec les gens avec qui je veux bosser. J’ai réalisé que bosser avec des gens qui n'ont pas la même vision que toi ou que tu ne vont pas das la même direction au final ça te ralentit. Depuis que j'ai mon dualo je n'ai besoin de rien en fait. J'ai besoin de moi, de mon dualo et c'est réglé.
Juste une petite précision du beatbox tu en fais toi-même ou pas ?
Oui. Mais comparé à ce que je connais du beatbox, je n'ai pas la prétention de dire que je suis beatboxer! C'est un peu comme ces gens qui prennent une guitare, qui ne savent que quelques accords mais, en pique nique sur la plage, les gens sont ébahis... alors qu'en fait non, ils ne font que 4 accords. Voilà. Le beatbox et moi, c’est pareil. Je n'ai pas du tout la prétention de dire que je suis beatboxer, mais j'aime bien les bruitages quand j'étais petit j'aimais reproduire les bruitages de dessins animés.
Est-ce que tu as envie de développer ça ?
Depuis très longtemps, je louche sur une pédale de loop... Ils viennent de sortir le dernier modèle ultra trop bien et je pense finir par me l'acheter. En vrai, avec le dualo, je peux faire que je veux, mais vocalement je suis limité. Comme je place mes boucles en temps réel et que je chante en même temps, quand il y a des breaks ou des changements, je ne peux pas me concentrer uniquement sur ma voix, parce que je dois en même temps préparer les boutons pour la piste d'après. Des fois, je suis sur des notes aigües avec le regard vers le ciel et pourtant je dois regarder en bas pour changer ma boucle... Et j'ai aussi envie d'avoir un vrai looper pour faire des nappes de voix. Je me sentirai encore plus libre. Du coup, je pense que je vais m'acheter ça et développer aussi ce délire-là.
Mais du coup, tu l'apprends ?
Ca s'apprend, ça se travaille... Après, pour moi, c'est comme tout: c'est la pratique qui compte. Ca m'a toujours fait peur les trucs formels genre... “Oui, alors aujourd'hui nous allons apprendre comment faire une basse en beatbox”. Ca me fait flipper. Par contre si on te dit juste “fais des bruits”... J'ai fait des ateliers avec des enfants et je leur disais “faites des bruits et quand vous commencez à choper des bruits qu sonnent bien, qui ont l'air d'avoir du sens pour vous, développez les et essayez de faire comme des phrases en fait”. Pour moi, la musique, le bruit, c'est comme des phrases, ce sont des trucs que tu racontes. Mais, après, encore une fois, moi mon truc à moi, c'est plus chanter, écrire et poser. Je sais qu'il y a des beatboxers vraiment de ouf et à la limite je préfèrerais collaborer avec eux. Je le fais pour m'accompagner, mais je n'ai pas la prétention de me dire beatboxer.
On en arrive à ce moment où tu as rencontré toute la bande du QDCF... Que passe-t-il maintenant ?
Depuis 2 ans, je fais la scène de Beauvais, le grand QDCF, avec eux. C'est cool. Ca m'a aussi permis de découvrir la scène slam à Paris que je ne connaissais pas. J'allais dans des open-mics qui n'étaient pas slam et le truc qui est ouf, c'est que j'ai entendu 12,000 trucs sur le slam, il y a des gens qui sont encore très puristes et pour eux le slam c'est tu viens, tu n'as pas de costumes pas d'instru... tu as juste toi et ton texte. Il y a d'autres gens qui pensent, et je me rapproche plus de ça, que le slam c'est la liberté totale: viens faire ce que tu veux, tu as le micro tant que tu aimes les mots et la poésie. Du coup, ça me parle plus. C'est plus l'amour du mot, de la poésie... Dire quelques chose. J'ai découvert ces scènes là et que ce que ça a changé pour moi, après mes expériences un peu traumatisantes de la vie je réalise que je m'étais un peu fermé à l'inspiration extérieure. Alors que, quand tu n'es pas inspiré par l'extérieur, tu ne peux pas t'auto- inspirer. En fait, je m'étais fermé à tout ça parce que je vivais dans mon monde. Je voulais créer mes trucs à moi sans être influencé. Du coup, j'étais parti dans l'autre extrême...
Le renard s’était enfermé dans son terrier...
Je n'écoutais que des trucs que j'écoutais quand j'étais petit, que des chansons, des trucs à l'ancienne. Je réalise maintenant que d'entendre des gens qui osaient tout dire en s'en foutant, ça me faisait peur. Je ne me sentais pas à la hauteur de ces gens-là. Qu’est ce que j’ai à dire moi en fait? Ca fait 10 ans que je chante et j'ai quoi à dire de plus que les autres? Du coup, c'est tout con, en redécouvrant ces scènes-là, je me suis ressenti comme quand j'étais enfant, que j'avais 10 ans et que je découvrais Lauryn Hill et ce film de ouf. Grâce à ça, à fois que je sais qu'il y a une scène slam et que je vais la faire, ça me motive pour faire une nouvelle chanson. Ou quand j'ai vu une scène slam qui m'a inspiré, je commence à gratter et je sais qu’il faut que je finisse le morceau pour le mois prochain, parce que comme ça, pim je leur fais et c'est hyper cool. Du coup, j'ai gratté plein de nouveaux morceaux comme ça juste en regardant d’autres qui rappaient leurs trucs. Ca m'a vraiment fait plaisir de redécouvrir ça.
Et donc tu t'es remis à écrire...
Oui, je me suis remis à écrire de plus belle et, surtout, en français. A la base, forcément je parle de trucs qui me concernent, de ce que je pense, ce que je ressens... quand c'est en anglais, pour les français c'est plus festif... En français, je n'osais pas parler de moi, parce que j'avais l'impression de me livrer directement. Et il y a des choses que tu ne peux pas dire, ça te concerne toi, les gens s'en foutent, c’est ce que je me disais... En fait, c'est totalement l'inverse qui s'est passé sur les scènes slam - et pas qu’au slam d'ailleurs, parce que j'ai commencé à tourner un peu à droite à gauche avec le dualo et mes textes en français. Au départ en fait, à vrai dire, je ne me suis pas posé la question est ce que c'est légitime est-ce que je ne vais pas choquer en disant ça est-ce que ça n'est pas trop personnel... En fait non, j'ai juste écrit des trucs. Et, pour les nouvelles chansons que j'ai écrites, souvent les gens viennent me voir après les concerts et ils me disent: “en fait ton texte, là, il parle de moi”. L’autre jour un gars du public me dit: “tu sais, tu as failli me faire chialer. Ton texte, c'est ma vie que tu as racontée... Ca m’a vraiment ému!”. C'est con à dire, mais ce genre de phrases, je l'ai déjà entendu plein de fois. ca marche dans l’autre sens aussi, il y a des chansons que je kiffe et je me dis: “on a la même vie en fait cette chanson elle parle de moi”. Ca m'a fait tellement plaisir de comprendre qu’en fait, il suffit d'être soi. J'ai juste chanté un truc qui ne concerne que moi, mais, en fait, qui concerne tout le monde. Du coup, ça m'a permis aussi de revoir mon projet et de me dire qu'en fait ma musique est universelle. Elle n'est pas cantonnée à un style. Un truc très cool aussi dont je me suis rendu compte en faisant des scènes, c'est que les gens qui venaient me voir à la fin , c'était autant des femmes que des hommes, des jeunes, des vieux, des cadres, des ouvriers, des chômeurs... et ça j'adore. En, fait je fais juste de la musique qui parle aux humains...
...à suivre!
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