“C'est rigolo” l’expression est revenue plusieurs fois de part et d’autre lors de l’échange express qui vous allez lire ci-après... Et c’est vrai que ça l’a été. Matéo Langlois est un artiste “bondissant”, comme il se définit lui-même - vous comprendrez pourquoi à la fin. J’avais entendu parler de lui par le biais d’un chouette lieu: le Bijou de Toulouse (qui porte bien son nom) où il est passé en Septembre 2018 et c’est un article de Sud-Ouest paru dernièrement qui m’a rafraîchi la mémoire. A partir de là, les réseaux sociaux ont fait le reste et nous en sommes venus très vite à nous parler. Un drôle d’échange avec ce jeune artiste prometteur dont l’écriture musicale et littéraire est d’une rare poésie. Suivez donc son parcours, ses rêves, ses délires et son humanité. Personnellement, je l’écoute en boucle désormais et suivrai de très près son actualité. Comme vous sans doute après avoir lu ce qui suit.. Bon voyage!
Enchanté Mateo ! Ou êtes-vous là présentement physiquement ?
Bonjour Philippe... Physiquement, je viens de sortir pour aller dans le parc qui jouxte ma maison à Toulouse, il fait beau, c'est cool. Je suis bien...
Vous avez plein de tremplins en cours. Celui de l’Entrepôt au Haillan (finale Mercredi 3/04), mais vous venez d'être sélectionné pour le Mégaphone Tour... Tout va plutôt bien ?
Oui, je viens de gagner le Mégaphone Tour, c'est super. Il y a une dizaine de dates dans la France. Le but est de nous faire tourner sur une région qu'on ne connaît pas en fait. Je ne sais pas encore ce qu'ils ont décidé, moi j'aimerais bien Normandie - Bretagne et voilà. Il y a un petit passage à Paris aussi, j'aurai plein de trucs sympas.
D'où venez-vous?
Ca fait 8 ans que je suis à Toulouse, mais à la base, j'arrive du Calvados, près de Caen. Mes parents y vivent encore à Sainte-Croix-sur-Mer. J'ai commencé la musique là-bas et puis après je suis allé faire une école sur Toulouse “Music'Halle”. J'étais surtout musicien à l'époque, je le suis toujours d'ailleurs. J'ai fait tout mon parcours d'école de musique au saxophone... Après, plus tard, j'ai mis les mots. Je suis arrivé à ce solo un peu miraculeusement, je ne sais pas trop comment !
Quels styles de musiques aimez-vous?
C'est varié. Mais, naturellement, quand on fait du saxophone, c'est difficile de contourner le jazz. J'en ai eu pas mal, j'ai même organisé des scènes ouvertes de jazz pendant 4 ans pour pratiquer. J'adore le saxo. Je suis très musique free, musique du monde aussi. En fait tout ce qui est bon. Je n'ai pas d'artiste particulier, je pioche ce qui me plaît à gauche à droite. C'est vraiment la compo qui me fait marrer. Donc je chope de trucs un peu partout.
Votre oreille est plutôt sensible aux rythmes, aux mélodies ou aux deux ?
Un peu les deux. Mais, je pense avoir une certaine faculté rythmique, je suis bondissant. J'aime quand ça groove. La mélodie après forcément, on va dire c'est la phase opposée qui vient transformer le rythme, donc il faut la développer aussi. Et j'adore ça aussi. Dès le moment où on chante, en fait, on rentre dans les mélodies.
Vous êtes pas mal au clavier aussi si je vois bien...
Oui, clavier - chant. J'ai appris tout seul, toujours à côté. Comme j'ai beaucoup de notions théoriques de musique ça m'a beaucoup aidé. J'ai aussi eu des groupes juste au piano, de la musique improvisée. Des groupes de rock. Plein d'autres projets.
Comment avez-vous commencé la musique ?
J'ai une grande famille de musiciens du côté de ma mère et de mon père aussi, pas les mêmes approches mais tout le monde joue. Quand j'étais tout petit, en même temps qu'elle était infirmière et avant de devenir conteuse, ma mère chantait du jazz. Elle m'allaitait pendant qu'elle répétait, j'imagine que ça a dû jouer: j'avais la musique au biberon.
Et l'écriture ?
Ca c'est un peu plus mystérieux. Ma mère racontait des histoires et on a pas mal d'orateurs dans la famille. J'ai un oncle poète qui délire toujours à table et qui écrit de supers poésies... Mon grand-père racontait beaucoup d'histoires aussi, il était médecin sans frontières, il a beaucoup voyagé et, à chaque fois, il transformait ses histoires en légendes. On adorait. Après, c'est une poésie orale, plus qu'écrite, mais on écoutait quand même un peu de chansons... Plus tard, j'ai découvert Jacques Prévert et d'autres qui m'ont beaucoup inspiré. A vrai dire, j'ai toujours écrit, mais avant d'oser dire mes propres textes et plus tard de les chanter, j'ai accompagné beaucoup de poètes en impro dans des scènes ouvertes ou sur leurs albums. Certains m'invitaient à intervenir sur des poésies qu'ils déclamaient. Et puis un beau jour j'ai eu envie d'en dire une et ça s'est déclenché tout seul...
Vous êtes passé par les scènes slam ? Mais, en slam, il n'y a pas forcément de musique...
Oui. Il y avait un rendez-vous à Toulouse qui s'appelait la Jam Spoken Words, animée par Rajel, une amie. C'était toujours hyper cool, quand quelqu'un venait lire un texte pour la première fois, tout le monde était là « waooo c'est sa première fois bravo ». C'était tout âge confondu, tous milieux sociaux, c'était vraiment génial... C'est comme ça que j'ai rencontré des poètes ultra bienveillants, pas du tout élitistes, c'était très facile d'y aller... Sur cette scène-là, c'était surtout texte. Les poètes choisissaient s'ils voulaient un ou des musiciens pour les accompagner.
Et, après, vous avez donc marié les deux comme, dans la famille, le conte et la musique...
C'est ça
Vous avez commencé tout seul?
C'est toujours un peu marrant comment se font les choses : il n'y a pas vraiment de point de départ. Un jour, on s'aperçoit que c'est là. J'ai commencé à avoir des groupes, dont un qui s'appelle “Super dragon” où c'était mes textes en français en rock progressif, puis ça s'est transformé en conte rock. A côté, des fois j'allais faire des performances tout seul au piano je disais des textes, parfois je partais en impro, je chantais... En 2016, je me suis inscrit au prix de l'écriture Claude Nougaro. J'ai gagné et créé un solo dans la foulée. Ca n'était pas un projet “officiel”: j'avais des chansons et j'avais envie de voir si je pouvais les montrer à des gens. Le prix a financé un enregistrement de 4 titres et, dans la foulée, des gens m'ont proposé de faire une date. Je me suis retrouvé à faire un concert solo... avec le trac de ma vie. J'étais très ému. J'avais invité tous mes amis musiciens et poètes après pour faire une rencontre improvisée, c'était énorme... Et il y a un côté pratique aussi. Je n'avais pas besoin de réunir une équipe de musiciens... C'est super compliqué à faire dans la réalité. De fil en aiguille, je me suis dit c'est cool, je peux faire la tournée des salons de la famille pour commencer. Du moment qu'il y a un piano, ça va. Ca s'est fait comme ça. Ca s'est construit tout seul, de concert en concert...
C'est génial. Et vous remportez le Megaphone Tour qui va vous ouvrir plein de portes...
Oui, c'est bien. Dans la foulée, il y a eu pas mal d'autres choses aussi. Depuis un an tout va très vite parce que j'ai rencontré une équipe qui a bien voulu travailler avec moi dont un agent, Sarah Cruel, qui s'occupe de faire fleurir le projet, et une production qui fait tout l'administratif. Ce sont surtout des gens bienveillants qui ont la tête froide me permettent de réaliser ce que j'imagine. Il y a eu plein de beaux concerts cette année. Par exemple, j'ai fait la première partie de Jean-Louis Murat au Bolégason à Castres... et plein de concerts sympas qui débloquent de plus en plus de trucs. Donc, je suis très content, tout va bien.
Votre thème de prédilection en écriture ?
J'avoue que j'aime bien tout ce qui tourne autour de la quête intérieure (la “quéquette du sens” comme dit ma mère en rigolant). Je m'appuie toujours sur des situations que j'ai vécues, parce que j'ai besoin que mon texte soit imprégné de choses que j'ai traversées pour rester juste. Après, je questionne beaucoup l'identité, l'image qu'on se fait de soi-même et des autres, vouloir ci ou ça, avoir peur d'être ci ou ça... C'est une écriture assez mélancolique. J'en rigole beaucoup, j'aime bien dire que je cultive la tristesse qui sourit... Mes textes sont tournés vers la lumière, mais ils contemplent aussi les bons dégâts qu'il y a dans nos cœurs, nos prisons. La libération intérieure, ça me parle beaucoup. Je fais des interventions avec les enfants et je fais beaucoup d'interventions dans mes prisons à moi. Voilà, pour des choses concrètes. Je dis « prison » au sens métaphorique, bien sûr. Les chaînes qu'on a et dont il est parfois assez dur de se dégager dans ce système qui ne nous pousse pas forcément à être ce que l'on est.
De quoi rêvez-vous?
Je ne sais pas... Globalement d'être content, plus libre, plus serein... De m'épanouir en musique. Découvrir plein de choses, de m'accomplir. J'ai vraiment plein d'envies. Les rêves se redéfinissent à chaque fois. J'espère voyager beaucoup avec ma musique. Faire du bien aux gens, me faire du bien à moi aussi...
Qu'est-ce qui se passe après les concerts ? Vous allez vers les gens, ils viennent vers vous... ?
Ca dépend des fois. Je suis assez facile à rencontrer et puis j'aime bien, du coup ça se fait assez naturellement. J'aime beaucoup jouer chez l'habitant pour ça, ce sont des endroits où il y a le temps et l'espace pour être près des gens avec eux. Ce n'est pas seulement bonjour au revoir je fais mes balances le concert est fini, je dois partir. J'essaie d'alterner. Je suis très content aussi des grosses scènes avec un super son... Mais le plus important, c'est le concert où tu es proche et où tu sens la vérité, le réel...
Vous voulez garder les pieds sur terre pour ne pas décoller dans un autre monde où tout est artifice ?
Voilà, c'est un peu ça. En ce moment, ça me questionne énormément, mais je ne peux pas encore en parler : je n'y ai pas vraiment goûté non plus. Cela dit, je crois qu'il y a toujours des êtres humains partout. En tous cas je ne veux pas faire des compromis au nom de l'artifice. Si rester moi-même, ça veut dire ne pas être connu, ne pas aller vers cette notoriété qui te coupe du sol, ça n'est pas grave, je n'ai rien à perdre. Là, je vis ma vie, j'ai assez de sous, je suis dans mon rêve, je fais mes compos et tout va bien. Ca me suffit amplement. Après, on est tous curieux, ce sont des rêves d'ado. Ce qui me fait rêver dans le fait de grandir, c'est d'avoir les moyens pour faire un super clip, ou du matériel pour avoir un super son ! C'est surtout ça qui m'attire en vérité. Aller plus loin pour travailler la qualité et pour jouer avec des amis... en les payant. Juste ça, par exemple, avoir les moyens de faire un album où j'invite des copains, ça ça vaut bien le coup de se démener.
Vous verriez vous filer comme un Berger/ Plamondon filer vers la comédie musicale ? Dans l'écriture de projets ambitieux comme ça ?
Ce sont des choses auxquelles je pense de manière très lointaine. J'ai pas mal d'outils à ma disposition et ça m'a toujours fait très envie. Pour tout dire, je parle sans retenue, mais on est dans de la politique fiction délirante, j'aimerais proposer une forme de conte actuelle. Re-populariser le conte, en trouvant une forme actuelle pour raconter une histoire musicale, du récit mis en scène. J'aimerais beaucoup mélanger conte, poésie, chanson, musique, danse... Si j'avais de l'argent, je crois que je ferais quelque chose comme ça...
Il faut aller voir ce que fait Fred Pellerin, un québécois qui cartonne. Il sera en France en Avril et en Mai, d'ailleurs (et le 22 mai à Mont de Marsan).
C'est marrant que vous me parliez du Québec parce que je suis assez fan de tout ce qui se passe là-bas. Là, je fais plein de découvertes d'artistes, comme les Hôtesses d'Hilaire, par exemple... Ca fait plaisir de voir à quel point ils sont décomplexés. Ils osent tout au niveau du texte, je serais très curieux d'aller à leur rencontre.
Est-ce que vous avez déjà écrit des histoires ? Vos chansons sont des contes ?
Il y en a qui sont des récits, oui. Y'a une chanson sur un chameau. C'est comme un poème. C'est un chameau qui marche dans le désert, qui disparaît dedans et on imagine une espèce d'union sensuelle, amoureuse, entre le désert et le chameau. A la fin, on passe au récit, j'enchaîne en mode conteur. J'ai toujours aimé cette dimension. Ca m'est régulièrement arrivé d'accompagner du conte aussi.
Comment écrivez-vous?
C'est soit au café, soit à la maison, souvent le matin. Ca dépend vraiment des fois, c'est mystérieux comment l'écrit vient. Des fois c'est une musique qui me fait penser à tel sujet, ça me donne une forme, une émotion et je la mets en texte. Des fois c'est le contraire, je pars d'un texte et la musique vient derrière. Je suis très productif dans des phases de remise en question ou d'émotion forte. Dernièrement, j'ai eu des vrais questionnements et 5 chansons sont sorties, c'est comme un accouchement. Une émotion me questionne, me rend heureux et me blesse en même temps, ça m'aide à exulter et à la mettre en chanson, comme une espèce d'enfant de l'esprit et du cœur.
S'il y a une lutte à laquelle vous deviez vous engager, quelle serait-elle?
Ca serait ici, tout de suite et maintenant. Qu'est-ce qu'on est ? J'aime beaucoup l'impro. C'est un message important à travers mes concerts. Je mets un point d'honneur à toujours être dans la prise de risque en faisant avec ce qui est là tout de suite. Il y a cette dimension très forte sur scène et c'est un message que je trouve très important. Pour moi aujourd'hui, c'est le nerf de la guerre, je ne sais pas comment dire ça. J'ai envie de me libérer, de me permettre plein de choses. C'est ce que j'ai envie d'inspirer aux gens en tous cas. Casser la notion d'image, d'élitisme, de faux semblant, de paraître. D'artificiel. Ramener un peu de conscience et de sincérité. Après, moi, c'est difficile de dire ça, parce qu'il faudrait que je sois moi-même exemplaire dans cette voie-là. J'essaie mais ça n'est pas toujours le cas. En tous cas, c'est quelque chose qui m'habite fortement. C'est ça mon message.
Un grand merci à Florent Hodel pour les photos https://florenthodel.wordpress.com/ et à Sarah Cruel pour l’aide. Propos recueillis par #PG9
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