Les critiques sont unanimes pour saluer triomphalement le premier album "hypnotique" que Jî Drû signe sous son nom. Le flûtiste, "acteur indispensable de la scène jazz française contemporaine" (in Fip), a emmagasiné émotions, idées, envies pendant des années de plaisirs partagés en concerts. Un coup de pouce du destin l'a poussé à franchir le pas et une vague musicale a surgi dans un souffle créatif rempli d'ondes généreuses et bienveillantes. "Western" est un magnifique poème de notes et de mots faisant naître librement en chacun des images pour construire sa propre histoire. Jî Drû n'impose pas sa vision du monde, il accueille celle des autres. Bon voyage
Enchanté Jî Drû. J'ai beaucoup aimé l'ambiance, l'univers très doux de "Western". On se sent vraiment très bien après avoir écouté ce que vous avez fait! Mais on va commencer par autre chose. Vous faites souvent référence au cinéma : un de vos albums précédents était même la bande originale d'un film imaginaire...
Enchanté Philippe. Oui, avec une formation qui s'appelle Ji Mob, j'ai fait un album qui imaginait la Bande son d'un film qui n'existe pas.
Idée géniale ! Elle vous était venue comment ?
Par l'envie de raconter des histoires. Imaginer le disque comme quelque chose qui s'écoute de bout en bout, avec des morceaux qui se répondent, et essayer de créer un univers. Je suis très cinéphile, j'avais l'impression que l'outil du film, dans le sens où c'est une référence qui parle à tout le monde, permettait de faire que les gens se mettent d'eux-mêmes dans une ambiance, qu'ils associent la musique à des images. Mais, vu que le film n'existe pas, chacun choisit les images qu'il veut...
C'est très joli. Le nom "Western", entre parenthèses, fait évidemment penser au cinéma... mais nous n'allons toujours pas en parler. Si je vous parle d'"A bout de souffle", qu'est-ce que ça vous évoque ?
Il y a tellement de choses différentes dans le cinéma, tellement d'aventures intéressantes. Ce que ce film m'évoque, c'est la capacité de pouvoir travailler avec pas beaucoup de moyens, de raconter une histoire simplement, de partir à l'aventure... C'est vraiment, pour moi, un film bâti sur le souffle, autour de Belmondo, évidemment, qui est épique, aventureux. On a presque l'impression qu'ils ont embarqué un matin avec la caméra et qu'ils ont tout fait dans la journée. Il y a quelque chose de très immédiat, naturel... En plus, c'est vrai que c'est caractéristique d'une époque, d'une esthétique. J'adore !
Vous avez le même rapport avec la flûte!
J'en parlais récemment avec une amie illustratrice, je lui disais, j'ai toujours la vision de l'instrument qui s'embarque partout, qui accompagne la vie de tous les jours. Et c'est vrai que ça peut accompagner les voyages, les petites aventures comme ça. On peut toujours l'avoir dans la poche, c'est l'avantage de cet instrument.
La flûte vous accompagne. Vous dites qu'elle est "un de vos partenaires de vie".
J'ai commencé par le saxophone. J'étais admiratif de saxophonistes, du jazz, du son... et puis quand je me suis retrouvé avec l'instrument, j'aimais bien, mais il n'y avait pas quelque chose en moi qui vibrait comme quand j'ai rencontré la flûte. J'ai croisé la flûte par hasard, j'ai envie de dire. J'en ai acheté une sur une brocante, en plus du sax à l'époque, et j'ai commencé à en faire toute la journée, à trouver génial de pouvoir l'embarquer partout. Je la mettais dans mon sac, je jouais avec les gens en voyage, je pouvais arriver n'importe où, jouer avec plein de groupes, raconter des histoires. Dans ce sens-là, pour moi, elle est devenue un partenaire de vie, c'est clair.
La souplesse de l'instrument, sa facilité de manipulation vous ont conquis, c'est ça ?
Je pense oui. Elle était devenue le prolongement de moi-même. Je dis ça, mais évidemment, à l'époque, je jouais tout le temps, je n'analysais pas forcément ça comme ça. Mais je pense qu'il y a quelque chose de cet ordre. Elle me permettait d'être libre de mon corps, de mon esprit, de pouvoir chanter, jouer aussi, en alternance, de pouvoir me déplacer, sur scène de sauter un peu partout... Il y a quelque chose de très proche de ce qu'il peut y avoir de plus simple. La flûte pour moi, c'est un berger tout en haut d'une montagne: la liberté.
On pourrait tout aussi bien dire un indien dans sa réserve, non... ?
Oui, bien sûr. C'est un peu l'image que j'ai voulu reproduire dans "Western". Je trouve que dans le western, en tant que genre cinématographique, il y a beaucoup d'énergies. Il peut être très épique, très violent, il peut transmettre un message - avec lequel je ne suis pas toujours d'accord, loin de là. Il veut toujours emmener le spectateur quelque part, on n'est jamais, ou presque, dans le contemplatif. Il défend toujours une thèse. C'est cette énergie-là qui m'a intéressé. Donc, j'ai un peu transposé ce que moi j'imagine être l'énergie, l'esprit du western dans des histoires. Et, évidemment, dans ces histoires-là, la flûte représente plutôt le petit indien ou, en tous cas, un individu solitaire face à tout le monde.
Le western, c'est un peu un combat entre une forme de liberté et un ordre établi.
Oui. Dans notre société, il y a une grande place accordée aux médias, beaucoup de débats sociétaux qui nous entourent. Et je trouve qu'ils sont très manichéens. C'est ce qui m'a emmené sur le terrain du western. J'ai l'impression que tout ce qu'on voit un peu autour de nous, finalement, les réseaux sociaux, les journaux, même les remarques des gens, ça pourrait presque s'apparenter parfois à de la caricature, voire à ce qu'on trouve dans les westerns. Je suis parti de là. De ce parallèle entre à chaque fois, des gens, des individus, qui prennent de belles initiatives et puis boum, une espèce d'étouffement qui vient, soit du regard des autres, soit des gens qui ont plus de pouvoir. Un peu comme dans les westerns, il y a toujours un shérif malveillant, un propriétaire terrien, il y a toujours cette notion ou le progrès, que ce soit le train, le télégraphe... cette notion de "il faut", "on est obligés", "on n'a pas le choix", "on ne peut pas faire autrement", donc on écrase une partie de la population. On l'oblige à se taire. A un moment donné, on ne tiendra pas compte de son avis et elle sera étouffée. Effectivement, il y a un peu de ce côté là que j'ai voulu retranscrire.
Du coup, tout devient très clair. Et donc, vous répondez à la violence par la subtilité ?
J'avais vraiment envie d'un disque qui soit très doux, posé. Parce que ça correspond à la musique que j'ai envie de faire et ça répond aussi à ce qui nous entoure. Y compris dans la musique, je ne parle pas forcément que de la société. Tout est très fort, très rapide, c'est à celui qui tapera le plus fort, qui ira le plus vite... Il suffit de voir, d'aller dans une salle de spectacle, si vous vous mettez à jouer fort et à crier, les gens se mettent à crier aussi. Certes, c'est une réaction de partage qui est saine, mais je trouvais intéressant de travailler sur d'autres énergies, de travailler sur des choses qui sont parfois contradictoires. Présenter des idées fortes de manière douce, mettre côte à côte des choses qui n'ont pas forcément l'habitude d'être ensemble. J'ai choisi, par exemple, que les basses soient jouées par le clavier au synthétique. On a donc des basses synthétiques et en face, la voix de Sandra ou la flûte - qui sont plutôt cristallines... Ca fait quelque chose qu'on trouve parfois aussi au ciné. « A bout de souffle » pour ça, c'est un bon exemple. La musique, c'est plutôt du jazz enjoué on va dire, alors que le propos est plutôt grave. Il y a quelque chose de dramatique, ça n'est pas une comédie, mais la musique apporte de la légèreté.
Vous dites: "la musique est un média pour transmettre". Vous avez donc construit "western" sur un message?
Là, on est en train de décoder, mais rien n'est fait de manière didactique dans le disque. Les textes chantés ou dits par Sandra ou moi sont plutôt poétiques. Par exemple, "Away from danger" raconte dans mon esprit l'épopée qu'on peut voir dans Western, mais qu'on peut voit aussi juste à côté de chez nous, celle des migrants. La chanson raconte la force que doivent avoir les gens pour traverser des choses qu'ils ne connaissent pas. J'incarne un personnage qui serait dans un No Man's Land, j'ai imaginé que c'était un peu à la sortie ou à l'entrée des gares dans les quais de déchargement. Je dis que je suis un étranger, je ne connais pas la langue, je me mets dans l'esprit du personnage et Sandra chante l'histoire d'un petit oiseau qui vole au dessus des voies et au dessus des trains. Pour expliquer qu'on a pris des angles qui ne sont pas du tout, on ne parle pas au premier degré des choses, on les observe et on en ressort des énergies, de la musique...
Pour écouter "Away from danger", c'est ici
Tous les textes sont de vous?
Oui.
Ce que vous venez de décrire fait évidemment penser à la Bande Annonce que vous avez faite. Vous êtes un peu perdu, vous cherchez et vous arrivez sur scène dans la lumière...
Exactement. Alors là, pour le coup, on est partis dans une espèce de référence qui serait plutôt, pour moi, celle des séries policières des années 60 avec toujours la volonté, je ne sais pas si c'est fait exprès, peut-être de perdre les gens. Parce que ça s'appelle "Western" et tu te retrouves un peu dans une série genre "Destination danger" ou "Le prisonnier"... L'idée est encore une fois, on prend ce qu'on veut, c'est que je suis perdu, je monte dans un ascenseur qui me permet de circuler dans une autre dimension, qui peut-être prise comme celle d'une salle de spectacle, et une espèce de puissance de la lumière à la fois m'attire et finalement me détruit. C'est exactement ce qu'on disait tout à l'heure, cette espèce de volonté qu'on a tous de faire quelque chose. C'est dans ce sens là qu'on voudrait être dans la lumière. Faire quelque chose en tant qu'être humain et le fait que, pour moi, bien souvent ça finisse par de la destruction: les idées disparaissent ou sont récupérées ou s'envolent en fumée...
Vous parlez de séries policières et du Samouraï de Melville.
Là, c'est vraiment un clin d'oeil esthétique et c'est aussi un film qui est une espèce de western transposé dans les 60's. Le samouraï, c'est le solitaire avec ses propres règles qui essaie de traverser le monde avec ses règles, ses codes. Avec une éthique quoi. Même si, là, en l'occurrence, c'est plutôt un tueur!
Vous-même, vous traversez les années avec toute une troupe que vous avez construite autour de vous, notamment Sandra NKaké avec qui vous collaborez énormément. Vous faites ses tournées, elle fait les vôtres... La collaboration artistique avec elle se nourrit de quoi ?
De nos échanges. Beaucoup de musiques partagées, qu'elle va me faire écouter, que je vais lui faire écouter... mais aussi du fait d'en avoir fait et de s'être senti bien en en faisant. On s'est rencontrés en tournée, je remplaçais un flûtiste, Magic Malik, pour le groupe "Troublemakers" et j'ai envie de dire depuis ce moment-là on ne s'est pas quittés. On a tout de suite senti qu'on était bien pour faire de la musique ensemble. Depuis un long moment on a développé des méthodes pour écrire, partager, trouver ensemble... On part toujours de concepts, d'idées pour faire de la musique. On s'est toujours dit: "on va bosser comme ça" et on le fait. Ca peut-être des concepts très abstraits ou très concrets, un peu comme ce qu'on vient d'aborder. Ca peut-être aussi des envies... Quelque chose de très acoustique, ou de très électrique, et finalement, on a toujours trouvé l'énergie et la complémentarité dans nos propositions. On a toujours réussi à avancer ensemble.
Les contraintes de création que vous vous donnez sont des contraintes de forme ou de fond ? Quand vous travaillez ensemble, vous partez d'esthétiques avant tout et vous trouvez les idées fondamentales après ou vous partez du sens d'abord ?
Ca peut vraiment être totalement différent. Il n'y a pas de règle. En plus, on ne travaille pas que sur des albums. Il y a des choses qu'on a travaillées ensemble et qui n'ont donné que des spectacles, ou que des échanges, des répétitions... On a déjà écrit des morceaux qui ne sont pas sortis. On peut se voir et juste faire de la musique ensemble. Souvent se pose la question du message parce que Sandra chante, donc il y a de la voix et qui dit voix dit des mots. Quels mots choisir? Pour "Western" j'avais bien avancé sur la base musicale, fait des maquettes, écrit avant d'en parler avec Sandra. Elle avait entendu des choses, mais avant de lui demander qu'elle vienne compléter avec ses idées. Après, elle s'est fondue dans l'esprit. Pour Western, j'ai plutôt commencé de mon côté. Parce que j'avais vraiment envie d'un message et d'une esthétique. Et puis le reste est venu ensemble.
Mélissa Laveau a joué un rôle déterminant dans le projet...
C'est pas faux. Ce qui s'est passé, ça faisait un petit moment que ça trottait dans ma tête, on était en tournée avec le dernier disque de Sandra... En fait, avant la tournée de Sandra, on a fait un disque avec un groupe qui s'appelle "Push up", donc ça faisait un moment que j'avais pas mis en avant des projets personnels, fait un disque à moi... J'avais une idée, mais je ne savais pas comment la prendre, je ne savais pas quelle formation, je ne savais pas... Il y a un an et demi environ, on a bossé avec Mélissa sur différents ateliers pour une création commune et, une fois, on était tous les deux ensemble, Mélissa et moi, dans le train, on revenait de province, on rentrait à Paris et elle me dit : "mais tu sais que je tire les cartes, je fais les tarots"... Et je luis dis oui, vas-y. Je n'y crois pas du tout, mais dans la mesure où elle elle y croit, je me suis dit on va se prêter au jeu on va voir, c'est rigolo. Finalement, elle tire les tarots, explique ça c'est ça, ça c'est ça - comme dans un film d'héroic fantasy !
Ou dans un western...
Oui, un western, c'est pas faux. Je suis en train de me demander s'il n'y a pas ça dans "Little Big Man". C'est vrai qu'il y a souvent des gars qui tirent les cartes, mais ce sont plutôt des charlatans en général. Enfin voilà, en gros, elle me dit: "il faut prendre une grande décision". Je suis rentré à la maison et je me suis dit: c'est vrai, vas-y, c'est bon. Du coup, j'ai commencé à écrire la musique que j'avais dans la tête. J'ai appelé les futurs participants: Armel Dupas, Mathieu Penot... "Est-ce que vous avez envie, est-ce que ça vous dit..." Tout le monde était partant.
C'est marrant depuis le départ je pense à Matrix de par l'esthétique des visuels et tout ce que vous dites aussi, du coup, Melissa devient l'oracle...
Comme Gloria Foster !! C'est vrai. C'est peut-être elle qui a fait le pont entre le monde réel et celui de ma musique...
Maintenant que l'album existe, que vous l'avez entre les mains, que vous évoque-t-il ?
Pendant tout un moment, c'est compliqué d'avoir du recul sur son propre travail, mais, vendredi, quand l'album est sorti officiellement, j'ai réécouté des passages entiers et je me suis surpris à être pris dans la musique. Je mettais d'autres images que celles que j'avais eues pour écrire. C'était rigolo. J'ai commencé à sentir d'autres choses que ce que j'avais imaginé. Avant, j'étais prisonnier de mes propres histoires et je tenais à leur rester fidèle. Là, je me suis fait prendre au piège d'écouter vraiment. Il faut toujours du temps pour se libérer de ce qu'on a fait, il en faudra encore un peu... Sinon, je suis surtout super content de toute l'équipe, du label, de l'énergie que nous avons créée. Notre musique est un peu martienne et plein de gens font des retours positifs. C'est super gratifiant d'avoir l'impression que les gens ont envie d'écouter la musique que toi tu as envie de faire ! On va être sélection Fip le mois prochain, Jazz Magazine a mis 4*. Notre travail intéresse des gens et je trouve ça super. Les gens l'écoutent, m'envoient des petits textos, font des photos du disque, ça fait plaisir. Avec les réseaux sociaux, tu as des messages de gens que tu ne connais pas du tout, d'amis dont tu n'a pas entendu parler depuis 3-4 ans et qui réapparaissent tout à coup. Ce média, ce métier sont géniaux pour ça. Finalement, le temps que les gens vont passer avec nous en nous écoutant, ce temps-là c'est un peu le temps qu'on devrait tous passer avec les autres ou avec soi-même. On devrait tous essayer de prendre le temps de s'écouter, d'écouter ce qu'on a vraiment à l'intérieur. Nous, les "artistes", on a la chance de pouvoir le sortir... Et quand je dis qu'on a la chance, je le pense vraiment: on n'est pas du tout dans un format, on fait ce qu'on veut. On est libres. Et cette liberté les gens la reçoivent. C'est génial.
C'est comme la flûte quelque part et sa liberté. Son omniprésence et son effacement.
Oui. Le fait de pouvoir se fondre dans le décor. C'est encore une histoire d'énergie. On rentre dans la matrice, dans le code et pfoutt. Tu bouleverses un peu le code et ça fait toujours plaisir. C'est ça la musique. Nous, on fait des concerts et on a conscience que les gens arrivent du boulot. On entretient une bulle vertueuse pour leur bien être. Enfin, je le prends comme ça. On est allés voir un énorme opéra à Bastille la semaine dernière. C'est une copine qui écrivait la chorégraphie, je suis allé avec Sandra. C'est fou parce que j'étais tellement dans mes histoires qu'il m'a fallu presque 2h pour me débarasser de tout ce que j'avais dans la tête. Un opéra, c'est toujours très long. Il y avait une première partie de 2h, une seconde de 1h30 et on est parfois tellement pris dans notre quotidien qu'il m'a fallu presque 2h pour vraiment être complètement capté par le spectacle, être complètement dedans. Au début, je le regardais avec du recul, avec un œil un peu trop professionnel: comment est la musique, le décor, comment est ceci, c'est quoi le dispositif... Le temps est la source de beaucoup de choses, y compris du bien être personnel et collectif. Je pense que c'est aussi pour ça que j'avais besoin d'assumer un disque. Il faut faire les choses qu'on a en tête, quand on peut bien sûr. Après on est super contents, fiers de pouvoir proposer ça aux gens. Et ça marche.
Le 19 novembre au Studio de l'Ermitage, vous préparez quelque chose de particulier autour de ce concert ?
Là, j'ai envoyé des nouvelles partitions. On réarrange. J'essaie de pouvoir faire en sorte que ce soit vraiment une histoire de bout en bout. On va casser un peu les formes. On va présenter le disque, c'est la sortie, donc l'idée c'est de jouer le disque, mais en même temps on va le mettre en 3D, lui donner corps. Donc je l'aborde plus dans l'agencement des morceaux et des arrangements parce que du temps a passé, ça ne sera pas vraiment la même chose que le disque. Parce que je pense qu'il y a des choses, même si tout ça c'est très subjectif, qu'on écoute chez soi mais qu'on rend autrement en live. Voilà, on prépare comme ça. Après, à partir de février/ mars, on va enchaîner les concerts et là je pense que ça va continuer à évoluer. C'est un disque qu'on a enregistré totalement en live. On a fait 3-4 on a enregistré, on n'a rien corrigé. En général, je re-racontais l'histoire, pas musicale, l'histoire que moi je voyais en disant voilà, ça je l'associe à telle histoire. Par exemple, "Black Indian" m'a été inspirée par une BD de Hugo Pratt et donc je leur racontais la BD et en tous cas ce que je voyais moi dedans. C'est un peu le dernier des Mohicans ce morceau et donc je leur racontais ça et on le jouait. Il y a donc une grande spontanéité. On était vraiment dans notre bulle. Je pense qu'en concert les formes ne vont pas être exactement comme ça, ça va être moins introspectif. On va plus projeter.
Vous allez re-raconter les histoires en présentant les morceaux pendant les concerts ?
Non, je ne pense pas. Il y a des moments où je vais parler, mais je pense qu'il faut qu'il y ait beaucoup de musique. J'ai envie, vraiment, que les gens entrent dans l'univers musical. Tout ce qu'on a dit là, tout ce qu'on a extrait comme sens, ça se traduit en notes, en énergie, en thèmes de flûtes... Ca n'est pas un album de chansons qui dit tout ce qu'on vient de dire. C'est de la musique et je pense qu'en concert, je voudrais que ce soit la même chose. A un moment, je vais essayer de clarifier, peut-être un peu à la fin mais, pour moi c'est un peu une histoire de fantômes tout ça. Et j'ai envie que ça le reste. Il y a vraiment l'idée que nous on est un média et finalement les gens font ce qu'ils veulent. Tout ce qu'on a dit là, c'est ce que je pense moi. Je n'ai pas envie que les gens forcément trouvent tout ça. Ils y trouveront ce que eux ont à trouver. En général, c'est ce qui se passe et je trouve ça génial. Quand tu commences le métier, quand tu parles aux gens après les concerts, tu es parfois déçu parce que les gens ne vont pas là où toi tu penses être. Ils te comparent à quelqu'un, mais toi c'est pas du tout ça. Avec le temps, j'ai appris à me dire : les gens trouvent dans leurs références à eux, pas dans les tiennes. Toi, tu es dans ta période, tu joues comme ça, eux, ils arrivent, ils ont leurs références à eux et ce ne sont pas les mêmes. Je trouve ça génial parce que ça veut dire que tu les as touchés. C'est très long à accepter mais quand tu l'acceptes, quand tu comprends vraiment que tu n'as pas le contrôle, c'est génial. Même si tu essaies évidemment de présenter au mieux les choses, d'être le plus explicite, tu n'as pas le contrôle: les gens comprendront toujours à leur manière. C'est là où c'est un échange qui se traduit par les applaudissement, les réactions de chacun. Quand tu vas voir un comique, les gens rient, toi, tu crois qu'ils rient pour la même chose que toi mais peut-être pas du tout. Ils ont pu voir à cet instant complètement autre chose. Peut-être que toi tu ris au 10ème degré et eux réagissent au 1er degré... C'est amusant. Il y a tellement de choses à dire dans les échanges ! Pour en revenir au live, je dirai quelques histoires, mais je ne me vois pas en train de tout expliquer, de tout dévoiler. Après, c'est bien aussi, parce que les gens du coup t'interpellent sur un morceau, une histoire et toi, tu rebondis. Ca provoque des discussions.
Il faut laisser une part du rêve aussi.
Bien sûr. Surtout là, c'est vraiment ça. Emmener les gens dans une espèce de transe qui est doux et puis le résultat, la réponse à cette énergie du western qui est quelque part individualiste, c'est de recréer du collectif. Le live sera vraiment un moment comme ça.
Propos recueillis par #PG9
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