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[Plonger dans l’âme de...] Jean-Baptiste Seckler. Au commencement était le verbe... ou la terre?



“Je pense qu’il faut faire. Quelle que soit la chose (...). Faire, faire, faire...”

Mike Tyson et Jean-Baptiste Seckler

Et il fait. Sans cesse, tous les jours. Il sculpte... ou il monte sur scène. Plus tôt, il dessinait. Il observait. Et de fil en aiguille, il a réalisé une sculpture monumentale de Mike Tyson... qu’il lui a remise en mains propres, sous les caméras de Canal +, après un de ses tous derniers combats. Depuis, ils sont amis. Et il n’est pas le seul. Les visages de Zinédine Zidane, Michaël Jackson et de tant d’autres sont passés sous ses doigts. Et puis, la solitude de l’atelier lui pesant, il a décidé de monter sur scène. Après 3 ans de formation, c’est chose faite. De tournages en pièces de théâtre, il multiplie les projets. Son dernier pari est depuis le 2 Octobre au Théâtre du Gouvernail (Paris IX) jusqu’au 18 Décembre 2017, tous les Lundis à 19h.


Ce n’est pas tout... une séance exceptionnelle se prépare Vendredi 17 Novembre 2017, 21h au même endroit. Ce jour particulier correspond au centenaire de la disparition de Rodin. “(...) l'émotion, le plaisir et la fierté, d'avoir réussi à mener ce projet à bout, d'être là pour les 100 ans et de la jouer, ça va être énorme dans le cœur et dans la tête.” Jean-Baptiste Seckler, comédien-sculpteur prêt aux paris les plus fous, nous raconte son aventure. Accrochez-vous, c’est... p-a-s-s-i-o-n-n-a-n-t!

Propos recueillis par #PG9


Ce texte n’a cessé d’être mis à jour de prolongations en prolongations... Au final, j’ai écrit un nouvel article, c’est plus simple, il est ici:



Bonjour Jean-Baptiste... Comment ça va à Paris ? Il fait quel temps en ce dimanche ?


Super beau ce matin !


...un temps à aller se balader ?


Tout à fait ! C'est ce que je vais faire tout à l'heure pour travailler un peu mon texte... Pour la prochaine représentation de Lundi.


Demain !


Voilà. Merci de me le rappeler... C'est demain déjà !


Tu vas te balader où ?


Au Bois de Vincennes, juste à côté de chez moi. Je suis à Charenton-le-Pont, le Bois de Vincennes est juste à côté...


Tu penses à quoi quand tu te balades ?


Je respire, je profite de la nature. C'est une manière de rentrer dans mon personnage. Grand amoureux de la nature et puis je me repasse mon texte dans la tête.


Ton texte qui, rappelons-le, est un hommage à Rodin.

Exact. Ce sont les mots de Rodin, des mots que j'ai sélectionnés. J'ai lu pendant un an des correspondances, des entretiens, des biographies, toutes sortes de choses que je pouvais trouver sur lui... Je connaissais le sculpteur depuis tout jeune. C'est une super inspiration pour moi au niveau des visages et des corps, mais je ne connaissais pas du tout la pensée du bonhomme. Et ma compagne m'a soufflé l'idée. « Tu fais de la comédie, de la sculpture, pourquoi tu ferais pas un truc sur Rodin ? » J'ai trouvé l'idée extra... Je me suis penché sur lui. J'ai lu, j'ai lu, j'ai découvert une plume incroyable et un mec étonnant avec des idées sur la nature, sur l'utilité de l'artiste, que j'ai tout de suite eu envie de défendre.


De “défendre” ?


De défendre, oui. Je crois que les artistes sont vraiment fondamentaux, extrêmement utiles, dans notre société pour le recul, l’espèce d'arrière regard qu’ils ont sur les choses. Le fait de ne pas prendre au pied de la lettre tout ce qu'on entend, tout ce qu'on voit, d’essayer de se faire soi-même son idée, d'avoir ce léger décalage qui permet une autre analyse plus personnelle, plus profonde... L'utilité de la pensée de l'artiste, pour moi, est incontournable.


Elle te sert à te forger ta propre objectivité ?


Je pense que l'artiste voit. D'ailleurs, je le dis à un moment dans la pièce. L'artiste rend sensible les choses invisibles pour la plupart des gens. Il voit. Il a une sensibilité extrême. Il y a des choses qu'il peut capter au delà de la plupart des gens. C'est mon intime conviction.


C'est le sculpteur ou c'est le comédien qui parle ?


C'est l'artiste. C'est vraiment l'artiste. Je suis quelqu'un de très sensible aux choses. J'écoute, je vois, je ressens... Je vis les choses très intensément, très profondément. Peut-être que les gens par peur de se découvrir ne vont pas toujours au fond d’eux-mêmes. Au lieu de se regarder vraiment pour progresser, ils vont allumer la télé, ils vont se mettre du bruit dans la tête pour éviter le miroir. Moi, au contraire, je vais chercher le silence le plus intense possible pour aller chercher profondément les choses. Donc, oui, je pense que la sensibilité exacerbée chez pas mal d'artistes est très utile pour la société.


C’est Jean-Baptiste en tant qu'artiste ou en tant qu'homme qui parle ? Tu te situes où ? Tu portes au fond un regard extérieur aux artistes, mais tu es artiste toi-même...


Exact. J'ai beaucoup d'amis artistes. Je vois comment ils fonctionnent. Je vois l'utilité de ce qu'ils apportent. Ne serait-ce que cette communion, d’un sculpteur, d’un peintre, d’un comédien avec son public. A un moment, il y a une rencontre, une communion. Tu partages des émotions avec les gens. Ca, c'est super beau. C'est super chouette. On va à l'essence des choses. A un moment, quelqu'un vient te voir, peu importe qui. La personne te dit « j'avais les larmes aux yeux, j'étais ému, c'est touchant, j'ai envie de découvrir plus Rodin... », là, je parle par rapport à la pièce, et là, pour moi, le but est atteint. Si tu touches les gens... Je crois que les artistes sont les premiers à pouvoir faire ça.


Existe-t-il une correspondance entre l'art de la sculpture et l'art des mots, le théâtre ?


Dans la pièce ?


En général. Existe-t-il un moyen de faire communiquer l'art plastique, l'art de tailler les pierres, de façonner le monde ou de re-façonner le monde, et l'art des mots ?

Tu peux mettre des mots sur tes actions, tu peux les expliquer. Dans la pièce, par exemple, Rodin explique sa technique, son amour de la nature, comment il essaie de la retranscrire le plus fidèlement possible, avec quelle technique. Il parle de son étude des profils... Il analyse chaque profil d'un modèle, il le fait tourner sur place dans une même pose, puis il fait tourner sa selle et sa terre, et puis il analyse chaque profil, chaque contour de son modèle. Il multiplie ça à l'infini, jusqu'à ce qu'il ait tous les contours absolument, parfaitement, reproduits. Il dit que l'invention ou l'imagination, sont beaucoup plus faibles que la nature et qu'il faut la suivre… En fait si tu as travaillé vraiment sincèrement, en reproduisant précisément ce que tu vois profil par profil, à un moment, tu as la vérité, tu as la vie... dans ton oeuvre.


Est-ce qu'il n'y a pas la même chose avec les phrases, avec les mots ? Est-ce qu'on façonne une phrase comme on façonne une sculpture ?


Oui, on la construit, ça peut se rejoindre effectivement. En l'occurrence dans ce spectacle, ça se rejoint vraiment. Il parle, il travaille, il explique, il dit des mots sur son action. Ce sont deux créations différentes. Tu as l'écrivain, tu as le sculpteur. Deux manières de construire. Tu construis une phrase, comme tu construis une sculpture. Ce sont deux expériences où tu vas chercher dans ton âme créatrice, oui.


Façonner le monde, qu'est-ce que ça suggère en toi ?


Je crois que dans la sculpture, il y a ce geste vraiment primaire de construire. Dans la religion, parfois on dit que Dieu prit de la terre et créa le premier homme. C’est assez joli. Tu pars de rien, d'un morceau de terre, et tu vas construire, façonner, un être. Tu pars de quelque chose complètement informe et tout à coup, tu lui donnes vie. En sculpture, en plus, c'est beau, c'est télégénique, on voit l'évolution, toute la construction, c'est assez beau à observer. Après, au niveau des mots, pour un écrivain, tout se passe dans la tête, il va tout créer ou recréer, avec son vocabulaire, il peut inventer tout un système explicatif. Chaque esprit va écrire à sa manière, chaque sculpteur va sculpter aussi à sa manière, les formes ne vont pas ressortir de la même manière, c'est ça qui est beau.


Au commencement était le Verbe ou la Terre ?


Ecoute, je dirais la terre !


Ah mon Dieu, mais c'est pas ce qui est écrit !


Oui, mais moi je suis sculpteur, donc pour moi, c'est d'abord la terre.


Oui, mais tu es sculpteur ET comédien !


Oui. Mais tu vois, c'est la sculpture qui m'a amené à ce spectacle avant tout et le mot est venu ensuite. Je suis parti d'une œuvre, de quelque de chose de vraiment subjectif. Je regarde le truc, je me fais un avis subjectif de ce bonhomme et tout d'un coup je découvre sa parole et... Donc, pour moi, le verbe est venu après.


OK, ok... Parle-nous maintenant plus de toi stp. Tu arrives de où ? Tu es né où ? Tu as commencé par la sculpture, mais où ?


Je suis de Charenton-le-Pont. Je dessinais étant petit. J'ai dessiné très très tôt. J'étais baladé par mon père, photographe, et ma mère, chanteuse. Ils m’emmenaient un peu partout dans leurs rendez-vous, dans leurs réunions, les galas en ce qui concerne ma mère. Donc je voyais le monde du spectacle du côté de ma mère et le monde du travail de précision chez mon père. Au niveau de la photographie, il faisait du portrait, il faisait du nu. Ma mère, c'était la scène. Donc j'ai vu ces deux univers-là, qui sont un peu les miens aujourd'hui. La précision dans l'atelier pour la sculpture et le travail de comédien sur scène. Ils m'ont transmis tous les deux quelque chose.


En fait, j'ai d'abord dessiné. J'ai dessiné, dessiné, pendant des années, et puis à un moment j'ai arrêté pendant plusieurs années, avec quelques problèmes à l'adolescence. Et puis, j'ai découvert à la télévision, un jour où j'étais aux Etats-Unis, le visage d'un homme qui m'a donné envie de sculpter. J'ai vu le visage de ce mec, c'était Mike Tison. Il montait sur le ring. J'étais à Buffalo, chez des gens. Ils m'ont dit: “viens voir ce soir, y'a le nouveau Champion du Monde des poids lourds qui combat, viens voir ce type il est formidable”. Et je vois Tyson qui avance sur le ring, torse nu, avec des flammes dans les yeux, quelque chose que je n'avais jamais vu encore. J'avais 15 ans. J’étais très impressionné et je me suis remis à dessiner.


J'ai dessiné Mike Tyson sous toutes les coutures. Je suis rentré en France, j'ai cherché de la documentation, j'ai été partout, dans les journaux, j'ai essayé de trouver plein de photos, j'ai fait plein de dessins et, à un moment, j'ai eu envie de tourner autour. Ca a été ma première sculpture. Voilà, ce qui a été la base pour moi de mon travail de sculpteur. La personne qui a réveillé toute ma créativité, c'est lui. 10 ans plus tard, j'ai fait un visage grandeur nature de Mike Tyson que j'ai eu la possibilité d'aller lui offrir aux Etats-Unis, grâce à Jean-Claude Bouttier et Christian Delcourt de Canal+. Quelques jours avant un combat qu'il faisait, c'était en 2002 face à Lennox Lewis, j'ai déposé une photo du buste à Canal, comme ça, juste au cas où, à l'intention des deux commentateurs de l'époque, j'ai dit “voilà, je serai au combat à Menphis, j'ai fait ce buste... Je vous laisse la photo”. Et le lendemain matin, Christian Delcourt m’a appelé. Il me dit : « écoute, super, formidable, nous, ça fait des années qu'on veut une ITW avec lui, je pense que cette sculpture va nous permettre de la faire. Tu nous rejoins à l'hôtel, etc... » Et ça a été magnifique parce qu'il a fait le combat, il nous a reçus après, je lui ai offert la sculpture. Ca a démarré des années de créativité, parce que sa sœur m'a appelé pour aller à New-York faire des peintures, des sculptures, dans l'optique de faire des expositions, de vendre à des personnes dans la communauté noire américaine. Tout ça a démarré ma carrière de sculpteur...


Extraordinaire!

Oui, c'était vraiment quelque chose de touchant, cette rencontre. Le fait de pouvoir lui dire, voilà, c'est toi qui m'a donné envie de sculpter, c’était dingue... On est restés en contact. C'est ça qui est drôle. On s'est revus depuis. Il m'a invité chez lui, il est venu ici à Charenton-le-Pont, manger à la maison. C’est vraiment une jolie histoire et donc la sculpture c'est parti de là. J'ai persévéré.


Pendant une dizaine d'années, j'ai travaillé en atelier pour différents clients, des particuliers, des entreprises, des bustes, des œuvres hyper-réalistes, après, j'ai travaillé pour le Musée Grévin pendant près de 4 ans. J'ai fait une vingtaine d'oeuvres hyper-réalistes pour Grévin International. Je suis resté dans le visage, dans l'humain, tout ce qui me plaisait en fait.

A un moment, j'ai eu une sorte de phobie de la solitude en atelier. J'ai eu envie de partager mon art beaucoup plus directement, quelque chose d'immédiat. Je me suis mis à la Comédie. Je me suis formé à l'école Périmony, pendant 3 ans. J’ai appris à écrire, à m'écouter, à jouer et là, j'ai développé encore autre chose. J'ai rajouté ce moyen d'expression à mes activités. J’étais content de parler, directement, tout de suite. De transmettre une émotion par les mots en fait.


Pour la sculpture, tu as appris tout seul?


Oui.


Tu t'es mis à dessiner. Et t'as fait vraiment tout seul. Comment as-tu appris ? On apprend d'une manière ou d'une autre !


En fait, j'ai d'abord dessiné tout seul, j'ai appris à observer tout seul. Enfin, je crois que mon père m'a transmis quand même l'oeil, l'observation, lui en, tant que photographe, moi en tant que dessinateur au départ. Et puis, après, j'ai quand même fait des études plutôt artistiques, j'avais fait à l'époque un bac A3 qui permettait d'avoir quelques heures de dessin. Y'avait pas de modelage par contre, ça, j'en ai fait un tout petit peu après le bac dans un petit atelier qui s'appelle l'atelier Corlin. Mais voilà, sinon, j'ai vraiment très peu touché à ça, je me suis vraiment développé tout seul en sculpture, par l'observation et l'amour des visages.


Question bête, tu sculptes à partir de quelle matière ?



Je suis modeleur. C'est à dire que je fais du modelage essentiellement, un modelage en argile ou en plastiline, donc une matrice. Ensuite, je moule, par exemple, en silicone et, dans ce moule en silicone, le négatif de la pièce, on peut faire un plâtre, un bronze, une résine... A la base, je suis plus modeleur que tailleur de pierre direct. Je l'ai fait, j'avais fait un stage de taille de pierre pour expérimenter. J'ai fait aussi de la glace, taille sur glace, c'est assez étonnant parce qu'on travaille avec un fer à repasser, des choses comme ça, c'est assez chouette comme expérience, mais je suis resté modeleur. J'ai eu des commandes pendant des années de différentes entreprises comme Atlas, Lansay... des gens qui avaient besoin de figurines, ça c'est du modelage. Des petites pièces que tu montes petit à petit avec une armature, de la pâte à modeler ou de la terre. Moi, l'essentiel, c'est du modelage.


« Au commencement était... la terre », toi tu dis ça parce que t'es sculpteur avant d'être comédien.


Oui, c'est ma réponse à moi. D'abord la sculpture, d'abord le silence. C'est d'abord l'action, en fait. Et puis après je me suis mis à la parole. On va dire ça comme ça.


C'est d'abord le « faire » !


Je le dis tout le temps, je communique avec à ma compagne qui écrit des scénarios et s'occupe de Dely Production. Elle porte la pièce avec moi. Je lui dis, je pense qu'il faut faire, quelle que soit la chose, en faisant, comme on dit « le but est dans le chemin ». Si tu fais, tu débloques des choses et puis ça enchaîne, ça engendre d'autres choses. Donc, faire, faire, faire. Je suis d'abord dans l'action.


Et donc, à un moment, tu as plongé dans les mots pour devenir comédien en plus de ton activité de sculpteur.


Exact. Ca été un peu vital pour moi. J'ai eu une espèce de phobie de la solitude en atelier, j'arrivais plus à aller travailler. J'avais un atelier à Maisons-Alfort, je n'avais plus le goût à y aller. J'ai eu besoin de rencontrer les gens. J'étais trop marginalisé, trop solitaire, trop dans ce que je te disais au début, cet arrière regard, ce décalage qui fait que quelque fois être artiste, c'est lourd. C'est lourd d'être différent, c'est lourd d'être à part. C'est une formidable liberté, parce que je suis mon propre patron, je m’organise comme je veux, c'est extraordinaire, mais parfois, c'est lourd aussi. On se sent vraiment en décalage. J'avais besoin de retrouver les gens, de me sociabiliser un peu. Je crois que la comédie m'a fait vaincre des peurs, la peur de s'adresser à une assistance, d'être le maître du temps, de gérer soi-même ce qui est en train de se passer. Apprendre à gérer ça, c'est formidable pour plein de choses dans la vie. Je conseille la comédie à tout le monde parce que c'est vraiment formidable. Une nouvelle manière d’exprimer ma sensibilité...


Oui, mais, finalement, tu fais quand même un « Seul en scène »...

Oui, mais attention! Je ne suis pas vraiment seul dans cette pièce, c'est ça qui est chouette. Non seulement, il y a les sculptures qui m'entourent et toute une communication avec le “peuple des statues”, mais, en plus, c'est une intrusion dans l'atelier. Dans cette petite salle de 50 places, le Théâtre du Gouvernail, on est dans l'intimité. C’est comme une intrusion dans l'atelier, comme si quelques personnes venaient voir Rodin travailler, l’écouter penser, parler de ses rencontres, de ses amours... Il va se livrer, à un petit nombre de personnes. C'est ça qui est intéressant. Il commence par une déclaration d'amour à la Vénus de Milo, il explique toute la beauté de cette pièce et pourquoi il l'aime. Puis il enchaîne, il vient de parler d'un corps, donc il enchaîne sur le modèle, puis il va créer, il fait naître d'un morceau de tissu un corps féminin, puis finalement, un modèle vient se projeter sur ce tissu, il va chercher son carton à dessin, il commence à dessiner le modèle en direct, il explique tout son amour du nu, tout s'enchaîne comme ça. Il est là. A la fois, il explique ce qu'il fait, parfois il n'explique rien du tout, il se met à modeler, ça dure 2 / 3 minutes de modelage, il fait tourner sa selle, en se concentrant avec une documentation, etc. On est vraiment dans l'atelier de Rodin avec des moments assumés de silence, de modelage pur, et puis des moments de dessin et des moments par contre où il explique la beauté, la nature, l'artiste... Voilà.


Il fallait être sculpteur pour écrire cette pièce en fait...


C'est vrai. Y'a des moments de vérité. C'est à dire que si je n'avais pas été sculpteur, il aurait fallu apprendre certains gestes, apprendre à rapidement monter un œil sur scène. A un moment, il fait un sein sur un corps... il faut avoir le coup de main. Le fait d'être sculpteur pour moi apporte une véracité, une crédibilité au personnage.


Donc tu l'as créé quand ce spectacle ?

Ca fait un peu plus d'un an, un an et demi, qu'on a commencé à penser à ça. Il y a eu beaucoup de lectures, de recherche et puis, dans les derniers mois, la création de l'atelier. Ca je me suis vraiment éclaté! J'ai recréé en fonction de toutes les choses que j'avais lues. L'atelier J, la petite verrière, les murs gris cendre etc... J'ai répertorié comme ça les informations et j'ai tout retranscrit sur scène et donc avec un atelier assez fidèle, un des ateliers assez fidèles de Rodin dans sa vie. La première a eu lieu le 17/09 à la Maison de Balzac. Ils m'avaient invité pour les Journées du Patrimoine. Pour pouvoir le créer, j'ai fait un appel à dons avec KissKissBankBank. Les gens qui m’ont aidé ont permis de fabriquer le décor, les sculptures, d'acheter les différents matériaux dont j'avais besoin. J'ai été surpris, d'ailleurs, je ne m'attendais pas à une telle solidarité autour du projet. Les gens l'ont bien senti, ça s'est bien passé et il y a eu une belle solidarité, artistique ou pas, des gens d'un peu partout, de tous âges qui m'ont aidé, qui ont participé à ce projet ! Il fallait l'expliquer, bien communiquer dessus, mais franchement pour ma deuxième au Gouvernail, j'étais super ému. Je me suis rendu compte, que, quoi qu’on dise de l’égocentrisme de notre société, les gens peuvent se rassembler autour d'un projet. Là, c'était un projet artistique qui me tenait à cœur et j'ai été super touché que mes amis, et des gens que je ne connaissais pas, des gens de Facebook, toute sorte de personnes, s'allient avec moi pour m'aider à monter cette pièce.


Et tu prépares quelque chose d'extraordinaire pour le 17 novembre jour anniversaire de la mort de Rodin...


J’ai expliqué au Théâtre du Gouvernail que le 17 novembre, c'était, jour pour jour, le soir de la disparition d'Auguste Rodin, 100 ans en arrière. Ils m'ont dit « c'est super on peut peut-être faire une spéciale, quelque chose ». Du coup, y'a une date exceptionnelle: toutes les autres sont à 19h le lundi, mais là, vendredi 17 novembre à 21h, je vais jouer la pièce. Ca va être assez spécial: les 100 ans, c'est là. Je pense que l'émotion, le plaisir et la fierté, d'avoir réussi à mener ce projet à bout et d'être là pour les 100 ans et de la jouer, ça va être énorme dans le cœur et dans la tête. On va essayer de trouver quelque chose en plus pour ce soir-là !

Donc, pour faire ce projet, tu as plongé dans l'histoire de Rodin, dans sa vie... et tu as découvert l'homme.

Oui. J'ai découvert un être extrêmement sensible, touchant, profond. Mais ça n’était pas vraiment étonnant: quand on voit comment il s'est battu toute sa vie, comment il a été rejeté, comment ça a été compliqué, difficile... Il dit à un moment dans la pièce : « j'ai eu jusqu'à 50 ans tous les ennuis de la pauvreté, j'ai toujours vécu comme un ouvrier, mais le bonheur de travailler m'a fait tout supporter». C'est quelqu'un qui s'est vraiment battu pour son art, qui y a cru jusqu'au bout. C'est un illuminé, un “missionné”... Et ce que j'ai découvert aussi, qui est vraiment très beau, que je n'avais pas vraiment saisi, c'est qu’avec son Balzac, à partir du moment où il part dans un certain désir de simplification, il ouvre la porte du 20ème siècle: la déstructuration, le cubisme, l'art abstrait d'une certaine manière. Il sentait ça. Il ne savait pas vraiment ce qui venait en lui, ce que c'était, mais il est à la base de tout ça, avec quelques autres, bien sûr, mais il a été important dans l'évolution de l'art. Sa pensée m'a tellement touché en tant qu'artiste! Je m’y suis retrouvé et je me suis dit que ça allait être un plaisir total de faire passer son message, des choses que je pense profondément. C'est à la fois un rôle de composition, mais en même temps, il y a de moi dedans. Je me suis dit, je vais être à l'aise avec ce personnage. Et ça, c’est extraordinaire...


Comment as-tu trouvé ses mots ? Où les as-tu trouvés ?

J'ai commencé à chercher tous les ouvrages sur lui. Deux livres m'ont vraiment aidé : « l'Art », entretiens réunis par Paul Gsell et « Entretiens avec Rodin », par Dujardin-Beaumetz. Deux ouvrages extraordinaires. Très très beaux. Il y a aussi des choses qui te font rentrer vraiment dans la vie, dans l'intimité, dans le quotidien des artistes. C'est dans « Je couche toute nue », un livre avec Camille et Auguste, toute leur correspondance. Tu les vois se bouger pour leur art, les rendez-vous qu'ils prennent, ce qui marche, ce qui marche pas... Le fait que Camille Claudel perde espoir, perde l'esprit petit à petit... C'est étonnant. Passionnant comme un film... C'est la vie, c'est leurs vies. Ces ouvrages m'ont vraiment passionné, je suis parti là-dedans... Je crois que ça se ressent dans le spectacle. J’éprouve un immense plaisir, de la passion, de l'engouement. Je suis heureux de le jouer. Et je crois que ça se ressent.


Donc, tu le joues jusque Décembre... Tu continues à faire un travail de sculpteur à côté ou pas ?


Oui. En ce moment, je travaille plus pour aider un ami qui crée différents choses. Je l'aide à résiner, à oxider... Je travaille dans un atelier de création. Je n'ai pas de commande personnelle en ce moment, mais je travaille pour quelqu'un qui en a.


C'est passionnant, ta manière de parler du projet est passionnante. On pourrait en parler pendant des heures... mais il va falloir conclure. Le mot de la fin?


On peut déjà dire qu'il y a une date supplémentaire, elle vient de se caler. Ca sera le 22 décembre, 22h30 à Ivry-sur-Seine au théâtre « El Duende ». Une belle date pour terminer l'année... dans un théâtre plus grand en plus ! Sinon, je souhaite à tout le monde du bonheur, du bonheur et encore du bonheur. Si l'on considère que la vie est courte et qu'elle se compose de moments successifs, faire en sorte que ces moments soient pleins, riches et vrais. Ne pas se projeter mais être là, présent à soi même et aux les autres dans la vie comme sur scène. Aimer surtout, trouver la beauté dans toute chose, faire de sa vie un instant d'amour. C’est ma quête à mon niveau et rien de tel que l'art ne me permet de l'assouvir...


Propos recueillis par #PG9



Page Facebook du spectacle... “Le Penseur” https://www.facebook.com/RodinbyJeanBaptisteSeckler/

La fabuleuse critique de Paris Match:



Le Parisien donne un 4/5 à “Le Penseur”:







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