BIM. Touché. Et d'une force! Florent Oulkaïd fait partie de la future promotion du Théâtre-école de la Rue de Belleville à Nantes, mais beaucoup l'ont clairement déjà repéré. La preuve, les dernières représentations de son seul en scène théâtral, '"La fabuleuse aventure des grandes personnes", affichaient complet et il a déjà un long parcours dans des troupes d'improvisation, dont celle qui fait référence, le Malin. Qui est donc ce jeune homme extrêmement sympathique, généreux et prometteur? Ouvrez grand les yeux, vous allez tout savoir. Bonne lecture!
Avant tout, bravo pour ce que tu as présenté au TPN rue de Belleville!
Merci beaucoup.
On va en parler, bien sûr, mais, commençons par le début... Où es-tu né?
Je suis né au Poiré-sur-Vie en Vendée à côté de la Roche sur Yon. Chez mes parents, le 27 août 1996. J'ai 23 ans. Je n'avais jamais eu vraiment l'ambition de faire de monter sur scène en fait. C'est plus les gens qui me disaient: “il faut que tu fasses du théâtre, tu serais super”... parce que je faisais très souvent le con pour faire rire mes copains. Après pour prendre les choses chronologiquement, au Poiré-sur-Vie où j'ai grandi, il y avait une ou deux fois par an des matchs d'impro avec des équipes du Québec qui venaient faire des rencontres. À chaque fois j'allais les voir et je trouvais ça ouf... Je me disais pas tout de suite “j'ai envie d'en faire”, mais je regardais ça avec des étoiles dans les yeux. Je pense que je ne comprenais pas toutes les histoires, mais je je trouvais le principe génial: arriver sur scène avec tes potes, faire un spectacle sans avoir rien préparé et en plus, c'est hyper drôle. Ca m'a toujours plu... Et puis, “cut”. Je déménage en Bretagne à 9 ans, je fais un peu de théâtre là-bas, pendant 2 ans, je crois. J'avais des bons retours, mais je suis revenu vivre en Vendée et je n'ai pas recommencé avant le lycée où j'ai dû en faire une année. Mais, à l'époque je n'étais pas un énorme bosseur et du coup le théâtre me plaisait pas à mort. Quand il s'agissait d'apprendre du texte... bref! Plus tard, j'arrive à Nantes pour une licence de droit et je vais voir un spectacle d'impro à l'école d'architecture, avec une troupe étudiante. En allant voir ce spectacle, j'ai enfin vu la possibilité de faire de l'impro moi-même, avec des gens de mon âge. En Vendée, j'avais essayé, mais à chaque fois je me retrouvais dans des groupes d'adultes et je n'étais même pas majeur... Ca n'était pas exactement ce que je recherchais. Il me fallait des gens avec la même énergie que moi. Du coup, là, c'était génial. A la fin, je suis allé leur parler. Quelqu'un m'a dit : on s'entraîne le jeudi - le lendemain -, viens si tu veux. Je me suis pointé et direct, j'ai fait partie de la troupe. On était en début d'année donc j'ai pu intégrer le groupe assez facilement. J'ai dû faire 99% des spectacles de la troupe cette année-là: j'étais tout le temps disponible. Les études de droit ne me plaisaient pas, je faisais ça parce que je ne savais pas trop quoi faire d'autre. J'ai quand même terminé ma licence. Mais, du coup, j'ai découvert l'impro et la scène et ça a été vraiment un déclic : je me sentais (enfin) à ma place.
Tu te souviens de ta première impro? Du sentiment que tu as eu?
Au départ, on n'est jamais hyper à l'aise quand on rentre dans un groupe, d'autant plus un groupe d'impro soudé comme ça. Il faut se faire sa place quoi. Moi, ils me l'ont laissée très rapidement. Ils m'ont accueilli à bras ouverts! Je ne saurais pas te dire la première impro que j'ai faite mais je me souviens de mon premier spectacle. C'était une commande d'une friperie qui voulait se faire de la pub parce qu'elle ouvrait. Ils nous avaient demandé de leur faire un spectacle en plein air. On a joué dans une ruelle et vraiment il y avait 20 personnes. On allait chercher les gens aux terrasses de café en faisant des exercices d'impro... Ca aurait pu être un gros crash test parce que les conditions ne s'y prêtaient pas du tout, mais ça a hyper bien marché. C'était assez expérimental pour une 1ère fois, c'était marrant. Les gens de la troupe m'avaient inscrit directement sur ce spectacle alors que ça faisait seulement deux semaines que j'étais arrivé. Ils m'ont vraiment poussé, mis en confiance.
Qu'est ce qui fait que tu te sens à l'aise et à ta place?
J'avais une reconnaissance par rapport à ce que je fais depuis gamin: faire le con spontanément. Là, d'un coup, des gens viennent nous voir, mes potes et moi, et ça leur plaît! On a un espace et un public. J'ai encore un peu de mal à réaliser ça, encore aujourd'hui. Ca me semble tellement parfait! En plus, l'idée que ça peut devenir mon métier et que vais peut-être pouvoir en vivre! C'est génial.
C'était il y a combien de temps?
2016, puisque c'est quand j'ai eu ma licence de droit. A cette époque, j'ai fait tous les spectacles avec cette troupe et très vite, j'en ai voulu plus. Du coup, une fois que j'ai eu ma licence, j'ai arrêté le droit. A l'époque, ultime bifurcation, je m'étais réorienté en fac de philo, je pensais que ça allait plus m'intéresser. Au final, ce qui ne me plaisait pas je crois, c'était vraiment l'ambiance fac plutôt que le sujet. J'ai retrouvé les mêmes défauts. En hiver 2017, de retour chez mes parents pour passer les vacances, je me retrouve à devoir bosser les partiels. Je n'ai aucune motivation, ça ne m'intéresse pas. Je me dis que j'ai envie de faire du théâtre. J'étais déjà rentré dans une nouvelle troupe à l'époque. Ma toute première troupe c'était Lez'Arts Scéniques de l'école d'archi, et à la rentrée après avoir fait un an avec eux, j'ai passé des auditions pour rentrer dans une deuxième troupe, les Lutins givrés. J'ai été pris là-bas. J'avais donc deux troupes d'impro, plusieurs spectacles par mois, ce qui me semblait beaucoup à l'époque. Je m'éclatais à faire ça ! J'ai laissé tomber la fac et je me suis mis à chercher des écoles de théâtre sur Nantes, ou plus généralement dans l'Ouest. Je suis tombé sur l'école du TPN (Théâtre Populaire Nantais). J'ai tenté les Cours Florent de Bordeaux aussi. C'était décidé, je voulais devenir comédien.
Hiver 2017, tu avais 21 ans.
C'est ça. A partir de 2018, je me suis mis à ne faire que ça: du théâtre et de l'impro. Je disais oui à tous les projets qu'on me proposait à droite à gauche (dans des troupes amateures). Avec des potes on avait écrit une pièce qu'on a montée avec la classe de scénographie de l'école d'archi à Nantes... J'ai fait mes premiers spectacles à partir de là.
Tu t'es donc mis à écrire d'après ce que je comprends?
Oui. Mais, en fait, dans l'impro, il y a une grosse part d'écriture. Sur le plateau, en live. Ca m'a toujours plu d'écrire avec mes potes. Les idées qu'on se balance pour écrire de la comédie, c'est génial. Ou pas forcément de la comédie d'ailleurs. Du coup avec certains amis des Lez'Arts Scéniques et qui étaient motivés par les mêmes trucs que moi, on s'est mis à écrire assez vite.
Tu avais un rôle particulier dans ces groupes ?
C'était assez informel. On ne se divisait pas le travail. On se retrouve entre potes et on essaie d'écrire un spectacle...
Te sens-tu plus à l'aise dans l'idée de raconter une histoire, de jouer avec des mots ou dans l'idée de jouer avec des situations ou des sentiments?
Quand je suis en impro je pense que je joue pas mal avec les mots. Mon jeu est assez verbal. J'adore les répliques. Les personnages qui ont un langage très fleuri me font beaucoup rire, genre à la Audiard... En ce moment, avec un copain, on est en train d'écrire un spectacle et je me suis éclaté sur une espèce de personnage de colonel qui motive ses troupes en les insultant. Ce genre de truc, j'adore. Le jeu sur les mots et sur l'histoire à la fois. Après quand j'écris ou que je fais de l'impro je ne me dis pas “je vais jouer sur la situation”.
Tu aimes bien raconter une histoire avec des personnages forts, qui ont du caractère, donc des rapports aux autres forts aussi. Les situations, après, sont le fruit de ça...
C'est ça oui, les rapports entre personnages. Le travail des persos. D'ailleurs, je me suis pas mal appuyé là dessus, un des bons retours que j'avais sur mes premiers spectacles d'impro, c'était sur mes personnages très marqués.
Bravo. Les Lutins Givrés, la troupe d'archi et au final tu vas tous azimuths dans l'écriture, le jeu etc... Parce que tu as trouvé ta vocation, ton chemin.
A l'époque, je ne sais pas si j'en étais trop conscient. C'était dans la première partie de 2018, je travaillais à côté -je gardais des gamins pour me faire du fric- mais sinon je ne faisais que ça. Je multipliais les projets amateurs, du coup il n'y avait pas cet engagement plus professionnel que j'ai découvert en arrivant au TPN. Une fois dedans, je me suis dit: attends, c'est dingue je vais faire du théâtre toute l'année, dans un lieu prévu pour ça, avec des gens qui veulent faire ça, avec les mêmes ambitions que moi... C'est génial.
Tu es rentré au TPN quand?
En octobre 2018. J'avais passé l'audition en juin. Je me rappelle avoir ramené deux textes: le monologue du père dans “le Schmürz, les bâtisseurs d'Empire” de Boris Vian. Tout le dernier acte, c'est le père qui se retrouve tout seul sur scène. Je jouais cette pièce à ce moment-là, c'est un texte qui part en digressions, en métaphores. Un langage très imagé. J'adorais ça. J'avais ramené aussi un texte de Jon Fosse, “Hiver”. Je suis entré en deuxième année en octobre.
Directement en 2ème année?
Oui. Dans la première année, il y a pas mal de cours d'impro, je pense que c'est pour ça. Je n'étais pas complètement débutant non plus. Ce qui est bien avec la 2ème année, c'est que tu joues énormément. On a monté trois spectacles, un avec Caroline Aïn, un cabaret sur l'exil et c'était trop bien. Avec Damien Reynal, on a monté “la réunification des deux Corées” de Pommerat. A la fin de l'année, on avait une carte blanche. J'ai présenté 20 minutes de ce qui allait devenir “La fabuleuse aventure des grandes personnes”.
C'est un sacré changement dans ta manière d'appréhender la scène puisque tu passes de l'impro au théâtre...
Il n'y a pas eu de coupure nette, j'ai toujours continué l'impro. Quand je suis rentré au TPN, je suis aussi rentré dans la Troupe du Malin et j'ai créé la Compagnie du Lait Chaud avec des potes, une autre troupe d'impro. Vraiment, cette année 2018/2019, c'était l'explosion d'expériences sur scène. D'ailleurs, c'était assez marrant, parce qu'en rentrant au Malin, j'ai pu faire mes premiers matches d'impro et j'ai fini par jouer avec la Semi-Lustrée, la troupe d'impro du Québec qui venait jouer au Poiré-sur-Vie quand j'étais gamin. J'ai trouvé génial de jouer avec la troupe qui m'a donné envie de faire de l'impro. La boucle était bouclée.
Du coup quel est ton regard sur le théâtre “de répertoire”?
Ce travail, je le découvre. L'année dernière, par exemple avec Caroline, on a bossé sur des textes que nous avons majoritairement écrits. J'avais deux personnages que j'avais créés moi-même. Du coup le travail du texte est arrivé avec le travail sur Pommerat. Je le découvre encore actuellement en fait. Je me mets à bouquiner du théâtre. Récemment, je suis tombé sur “Mystère bouffe” de Dario Fo. Je lis, je mets dans un coin de ma tête ce que j'aimerais bien jouer. Je suis encore un peu novice là-dedans. J'ai plein de trucs à apprendre.
Que représente un texte pour toi aujourd'hui?
Avant j'aurais dit un point de départ... Jusqu'à présent, dans les expériences que j'ai pu avoir, je partais des textes, mais j'allais vers mon jeu à moi en fait. Quand je trouve des textes aujourd'hui qui me marquent, j'ai envie de partir d'eux et à la fois, ce qui me manque c'est un travail du texte... Ils étaient des points de départ mais pour les faire à ma façon. Ce à quoi j'ai envie de me frotter, ce sont des textes plus classiques où, du coup, c'est à moi de me conformer au texte.
Tu veux devenir un interprète. Travailler l'interprétation.
Oui, c'est ça.
Le métier de comédien, c'est devenir quelqu'un d'autre...
Oui. Et en même temps j'ai l'impression que tous les “quelqu'un d'autre” que j'ai pu incarner jusqu'à maintenant étaient des facettes de moi.
Ca n'empêche pas, au final tu dois quand même t'effacer devant les personnages.
C'est un truc que j'avais découvert concrètement avec notamment le taff du costume. Dans notre pièce sur l'Exil, j'incarnais une espèce de présentateur télé abject, qui avait la peau bleue et qui était habillé en collants. Il y avait tout une gestuelle à retravailler et quand je me regardais dans le miroir, je ne me reconnaissais pas. C'est un des seuls moments de théâtre que j'ai pu vivre jusqu'à présent où j'avais vraiment l'impression d'être quelqu'un d'autre. C'était assez jubilatoire parce que du coup tu t'autorises tout un tas de trucs, surtout que dans cette pièce-là, on avait un rapport public énorme, il y avait pas mal d'impro, ça me laissait une liberté de ouf. J'ai adoré jouer ce personnage.
Tu avais réussi à te projeter dans une peau, un cerveau, un corps qui ne sont pas toi. Tu avais construit un personnage...
Je n'avais pas le choix: le costume était tellement contraignant! J'avais toute une étape de maquillage pour que ma peau soit bleue. Rien que ça, quand tu te regardes dans le miroir, tes dents qui ressortent, tes yeux aussi, c'est assez effrayant. Ca fait un peu the mask ! J'étais en collant, je devais me déplacer tout le temps en dansant... J'ai pu expérimenter les contraintes avec ce rôle et j'ai envie d'aller plus loin pour voir ce que ça donne sur mon jeu. En impro, on est libres : c'est à nous de tout ramener. Même dans mon spectacle, je n'ai aucun décor, je n'ai rien, le moins de contraintes possibles en fait. Maintenant j'ai envie de m'en rajouter un peu.
Comment tu te sens aujourd'hui? Tu vois le chemin parcouru, tu as tout plaqué pour le théâtre à la fois l'impro et le théâtre, tu as bientôt fini cette école. Qu'est ce que tu espères et de quoi as-tu peur?
J'ai toujours du mal à me définir comme comédien. Quand les gens me demandent ce que je fais, je dis que je fais du théâtre. Comédien, c'est un mot qui est encore un peu bizarre pour moi, même si je commence à me l'approprier. Après, j'espère pouvoir en vivre, tout simplement, pouvoir créer ce que j'ai envie de créer, en avoir les moyens. Réussir à expérimenter ce que j'ai envie d'expérimenter. C'est très large. C'est encore un peu neuf. Par exemple les étés de 2018 et 2019, j'ai découvert la danse en jouant une pièce qu'on avait montée avec des jeunes danseurs Palestiniens. J'ai adoré. Chaque expérience de danse que j'ai eue, depuis ce moment là, est un émerveillement. Du coup, j'ai envie de danser aussi. C'est tout un tas de trucs comme ça que j'ai envie de découvrir en fait.
On a parlé théâtre, danse... et le chant?
En impro, on chante assez souvent, mine de rien. Parce que c'est une catégorie d'impro et avec la compagnie du Lait chaud, d'ailleurs, on travaille en ce moment les comédies musicales... Il faut encore que j'apprenne à chanter juste. Je me débrouille mais j'ai encore du mal un peu avec ça. Tout ce qui se fait en choeur pour moi, c'est jubilatoire. Quand on chante tous ensemble, j'ai l'impression d'être un gamin, c'est hyper galvanisant. Après, chanter tout seul, ça ne m'attire pas énormément.
Parle nous de “la fabuleuse aventure des grandes personnes”...
En arrivant au TPN, j'ai appris qu'il fallait présenter une carte blanche à la fin de cette deuxième année. La consigne c'était: 20mn. J'en ai ramené 30 quelque chose comme ça, peu importe, personne n'avait vraiment respecté la consigne. La carte blanche, je ne m'en étais pas trop inquiété jusqu'en mars/ avril. En impro, j'ai toujours jouer seul et plusieurs personnages à la fois. La critique qu'on me fait assez régulièrement sur mon jeu, d'ailleurs, c'est que je joue trop tout seul en fait. Je prends beaucoup trop en charge tout ce qui est écriture et mes persos prennent beaucoup de place. J'ai développé mon jeu comme ça. Du coup j'avais toujours un peu ce fantasme de me frotter au seul en scène même si ça ne faisait pas longtemps que je faisais du théâtre. J'avais envie de ça. Aussi parce que, dans toutes les pièces que j'avais pu faire jusqu'à ce moment-là, je ressortais toujours de scène avec l'envie d'y retourner: je n'en avais pas eu assez. J'avais un appétit vorace de jeu, envie de me créer un espace où j'allais me crever. Enfin pas me crever dans le sens physiquement, j'avais envie de créer un spectacle d'où je ressortirais en me disant, ok, j'en ai eu assez, je suis bien. Ça fait un peu drogué ! Il y a aussi un spectacle que j'ai adoré, je ne l'ai jamais vu mais j'ai vu plein d'extraits et j'ai d'autant plus envie de le voir maintenant que je sais à quel point il m'a inspiré, c'est “la loi des prodiges” de François de Brauer. Ce mec, je l'ai découvert via des vidéos Youtube hyper drôles avec des personnages géniaux et très fins. Il a fait un spectacle d'1h30 où il raconte une histoire en jouant tous les personnages. Je me suis dit OK c'est ce que je veux faire. Du coup, je me suis attelé à l'écriture avec une idée : des enfants perdus doivent s'organiser, qu'est ce que ça va amener comme luttes de pouvoir au sein du groupe? A la base, il n'y avait que les enfants quasiment. J'ai commencé à écrire tout seul. Quand j'ai commencé à être bloqué, j'ai appelé un pote avec qui je fais pas mal d'impro, Antoine Le Frère. Il est venu m'aider, il m'a pas mal débloqué, aussi comme regard extérieur sur le jeu, parce que je répétais seul dans mon appartement. J'ai présenté ce travail à la fin de la deuxième année, j'ai eu des super retours. J'étais vraiment hyper content.
Tu avais développé la dramaturgie comme elle est aujourd'hui?
J'avais toute l'histoire. Aujourd'hui, en gros, ce sont les mêmes étapes que ce que j'avais écrit en avril-mai de l'année dernière. Mais ce que j'ai fait depuis, notamment de novembre à janvier avec Régis Flores, c'est retravailler toutes les scènes pour pousser plus loin ce que j'avais déjà.
Pour donner plus de sens, d'émotion, d'humour?
Pour aller plus loin dans les chemins que je défrichais tout juste. Pousser les personnages plus loin, les gags... Par exemple, le gamin tyrannique qui prend le pouvoir, je me suis rendu compte que c'était lui le personnage principal et qu'il fallait aller encore plus loin dans cette espèce de mégalo du berceau qui en fait est hyper seul: il n'a pas vraiment d'amis, pas de père et sa mère est hyper protectrice, elle lui donne tout ce qu'il veut. On en connaît tous des gamins comme ça. J'ai cherché à aller plus dans la réalité de ces enfants, même si je ne cherche pas non plus à “psychologiser” tout ça. Je veux que ça reste une comédie assez légère. Ce qui m'importe surtout maintenant, c'est le travail du rythme et du texte. Parce que y'a pas mal de texte.
Enormément de texte, mais aussi énormément de jeu. Dans le sens où tes personnages, tu en pousses les expressions, les gestes... Il y a beaucoup de théâtre gestuel.
L'inspiration que j'avais, en plus de “La loi des prodiges”, ce sont les dessins animés. Surtout ceux un peu type South Park, qui peuvent à la fois être vus par les gamins et par des adultes. C'est hyper rythmé, hyper drôle et en même temps, ça dit des choses que je trouve très intelligente que tu ne captes pas forcément quand tu es gamin. Mais il y en a pour tout le monde et du coup, j'avais vraiment envie qu'on retrouve ça dans mon spectacle. Les expressions très fortes, le rythme très rapide, des personnages très marqués... tout ça pour moi, ça relève du dessin animé.
J'ai pensé à Charlie Chaplin d'une certaine manière mais c'est aussi à cause de ta dégaine, de ton physique...
Ahah, je prends ça comme un compliment.
Ce qui a nourri ta passion et ta volonté d'aller faire du théâtre, c'est de te retrouver avec d'autres pour partager des moments de création, sauf qu'à un moment tu as eu envie de te retrouver seul...
Oui, mais j'en reviens actuellement. J'ai eu ce besoin de me créer un espace que pour moi, pour développer mon univers à moi. C'est ce que j'ai fait avec cette pièce et que je continue, parce que le travail n'est pas terminé, mais que j'ai envie de garder parce que c'est un peu mon bébé. Je serais curieux de voir ce qu'elle donnerait jouée par quelqu'un d'autre parce qu'elle me correspond vraiment. J'ai un peu compilé tous mes personnages d'impro par exemple. On les retrouve tous, ce sont mes blagues, mon écriture, les thèmes qui me tiennent à cœur... Mais j'en ai eu marre à un moment. L'année dernière, on travaillait énormément en groupe, c'est sans doute pour ça que j'ai eu envie de partir jouer tout seul. Par overdose. Mais là, de septembre à janvier 2019 à 2020, j'ai fait un peu l'overdose inverse. J'avais besoin d'accoucher de la pièce et à un moment j'en avais un peu marre d'être seul au plateau.Là, je recommence dans l'écriture avec des potes, j'écris d'autres pièces avec d'autres personnes et je recommence à avoir envie de jouer à plusieurs. Mais c'est aussi parce que j'ai eu l'occasion de jouer ma pièce en public plusieurs fois et du coup, j'ai la satisfaction de me défouler. Maintenant, donc, je peux jouer tout seul, avec mes potes... Dans mes objectifs, mes envies, j'ai envie de cultiver plusieurs espaces comme ça. Si je peux m'en emménager un pour danser aussi ça serait super.
Tu n'aimes pas la routine...?
J'aime bien avoir plusieurs espaces différents. Je pense que c'est pour tout le monde pareil... Je n'ai surtout pas envie de m'enfermer. En début d'année, la frustration que j'avais était aussi que j'avais l'impression de m'enfermer dans ma pièce. Ca se voyait même dans les spectacles d'impro, je ramenais beaucoup de cette pièce et j'ai saturé un peu. Je pense que je me suis éclaté l'année dernière sur le Pommerat à aller chercher de l'intensité émotionnelle, la sincérité, et c'est quelque chose que j'ai envie de continuer à faire. Je ne veux pas m'enfermer dans un jeu cartoon et comique.
Après le summum serait de réussir à mettre de l'émotion dans le cartoon.
C'est l'étape d'après. C'est vers ça que j'ai envie d'aller, c'est clair. Je pense que tout est là à partir du moment où tu écris. Il y a un embryon de cette émotion. J'ai juste besoin de le développer. D'ailleurs là dessus, Régis et Antoine m'ont pas mal aidé à sublimer ce que j'avais au départ. C'est un travail que je dois continuer à faire parce que j'ai un peu tendance à m'arrêter à 80% du travail fini. J'ai l'impression d'avoir terminé et du coup, j'ai envie de partir sur autre chose. C'est aussi pour ça que c'est hyper cool d'avoir des regards extérieurs comme Régis, Antoine... Ils me poussent.
Tu en es où? Comment comptes-tu le faire aboutir?
J'aimerais bien arriver à une heure de spectacle parce 50 minutes, ça ne me semble pas assez. Si j'arrive à une heure, ou plus, j'aurai l'impression d'avoir un vrai spectacle terminé même si ça n'est pas qu'une question de durée, j'en suis bien conscient. J'aimerais bien ajouter une autre scène notamment de comédie musicale à la Disney: la chanson du méchant. Ca me ferait vraiment délirer. Il faut que je l'écrive. Sinon je veux trouver de la souplesse dans le jeu.Je pense que, même si ça fait plusieurs fois que je la joue, je subis encore le rythme du spectacle. J'ai besoin de me l'approprier et je pense que j'atteindrai l'heure en trouvant cette souplesse de jeu, un rythme plus digeste pour les spectateurs et pour moi.
La prochaine date de ce spectacle 17 mai au SNOB à Chantenay (sous réserve de modification compte tenu de l'actualité). D'ici à cette date, tu vas le retravailler, tu auras le temps?
Le 17 mai est une date que j'ai rajoutée avec l'équipe de SNOB. Je jouais dimanche dernier et les deux représentations que j'ai faites là-bas étaient remplies, j'étais trop content. Quand je joue cette pièce à la fin, j'ai l'impression d'avoir reçu une dose d'amour énorme. C'est aussi ca qui me satisfait pleinement. Bref. Je ne l'ai rajoutée que dimanche dernier, du coup je n'ai pas encore fixé mes objectifs pour cette date-là. Pour les dates que j'allais faire au théâtre de Belleville en juin (le TPN) je souhaitais avoir atteint cette heure de spectacle. Si je peux l'avoir pour mai, c'est trop bien.
Aujourd'hui, tu as dit au tout début ce qui est extraordinaire, c'est de réussir à faire venir des gens, à être sur scène pour que des gens te voient... et de réussir à en vivre. En gros, ça va, les choses avancent!
Oui, bon c'est à une toute petite échelle mais des gens que je connais pas me suivent, je trouve ça ouf. Ils viennent par le bouche à oreilles pour voir cette pièce parce qu'ils en ont entendu parler ou parce qu'ils m'ont vu jouer avec la troupe du Malin, qui a un assez gros public, ou avec le Lait Chaud. Je suis hyper content. Même si c'est à une toute petite échelle encore, je trouve ça dingue: des gens qui viennent pour me voir... Je suis tellement content que je n'ai pas l'impression de travailler. J'ai la chance d'avoir du public qui vient pour me voir faire le truc que j'ai envie de faire de toute façon. C'est juste fabuleux.
Bravo encore. Après Rue de Belleville et cette pièce-là, comment vois-tu les choses?
J'ai plusieurs projets en parallèle de “la fabuleuse aventure des grandes personnes”. J'ai une autre pièce que j'écris du coup avec des copains. J'ai deux autres pièces en fait. J'aimerais bien les sortir évidemment. Après Belleville, j'aurai plus de temps. J'aimerais bien continuer à jouer ma pièce, c'est sûr. Et j'adorerais faire du cinéma. J'ai déjà fait un peu de jeu à la caméra. Je trouve ça trop bien parce que j'ai l'impression d'avoir moins de choses à faire. La caméra va chercher, je ne suis pas obligé d'être hyper démonstratif. C'est un truc que j'ai envie d'explorer aussi.
La finesse...
Ouais ! Enfin bon, j'ai tout un tas de trucs que j'ai envie de faire après Belleville.
Eh bien mon ami je pense que tu les feras. La route s'ouvre à toi... Bravo!
Propos recueillis par #PG9
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