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[Plonger dans l'âme de...] Abia Dasein. A l'occasion de la naissance de la revue "l'Insolite"

Dernière mise à jour : 3 mai 2020

La naissance d'une revue est un événement à saluer. Celle dont nous allons parler ci-après est d'autant plus remarquable qu'il s'agit d'une revue de poésie menée par un des champions de France de Slam par équipe 2019, l'extraordinaire Raphaël Reuche (dont vous pourrez lire le portrait ici), le fantastique et multi-talentueux Raoul (dont le portrait sera fait prochainement)... et une haijin (autrice de haïku) publiée dans plusieurs revues internationales, la sublime Abia Dasein. Vous connaissez le fonctionnement de Culture Etc, c'est par le prisme des personnes que nous parlons des projets. Pour comprendre comment est né l'Insolite, nous allons donc plonger dans l'âme de... Abia. Bon voyage (à Nantes!)


Raphaël Reuche, Abia Dasein et Raoul avec l'Insolite n°1 (C)

Enchanté Abia. On va commencer par parler de vous. Quel est votre rapport avec la poésie?


Enchantée Philippe. Mon rapport à la poésie est l’histoire de toute une vie, de toute ma vie. Elle fait vibrer tout mon être, elle fait partie de moi. Je n'aurais pas d'explication rationnelle à fournir. Certains prennent des pinceaux, moi j’ai pris un stylo pour m'exprimer. J'ai écrit beaucoup de poèmes entre 10 et 18 ans. J’ai même gagné un concours départemental de poésie à 15 ans ! Mais pour différentes raisons, j’ai tout arrêté, la vie a fait que… Puis, en 2015, j’ai subi de plein fouet un burn-out professionnel et cela m’a amenée à reprendre le stylo. L'écriture et la poésie m’ont été salvatrices: elles m’ont permis de garder l’esprit à flot.


Ca a été un peu une bouée de secours, une manière de renaître ?


Complètement. Une bouée de sauvetage. Même plus encore, c'était une île sur laquelle je me suis échouée, parce que j'étais en train de me noyer dans un océan de choses hideuses... Au début ça a été vraiment une sorte d'exutoire : écrire, écrire, écrire... Mais l’acte d’écriture fut très violent. Je n’avais plus la même aisance qu’avant. J’étais comme quelqu’un qui réapprend à marcher après un long coma. Mais j’étais bel et bien réveillée et petit à petit, ça s'est un peu structuré, j'ai rencontré des gens qui m’ont encouragée à poursuivre, notamment sur les scènes slam françaises, j'ai osé envoyer certains poèmes pour des publications en revue, ils ont été acceptés, j'ai fait partie d'anthologies collectives de Haïku publiées par des maisons d'édition spécialisées... Avec le recul, je peux dire qu’il y a une belle évolution…


Les mots vous ont donné l'énergie que vous aviez perdue...

C’est exactement ça. Surtout, ça m'a permis d'exprimer une partie de moi qui avait été réduite au silence pendant trop longtemps. Il fallait que je crache toutes ces choses hideuses, que je les vomisse. Pour moi, l'écriture, c'est ça : je vomis ce qu'il y a à l'intérieur de moi en essayant d’en faire quelque chose de beau.


Oui, ça n'empêche pas. On appelle ça la maïeutique de l'écriture ?


Oui, je me suis accouchée par l’écriture !


Quand vous a découvert l'écriture au tout début, quel type de choses écriviez-vous?


Mon premier poème, je l’ai écrit à l’âge de 10 ans. Je l’ai retrouvé il n’y a pas longtemps et l’ai posté sur les réseaux sociaux… ça parlait d’un moustique qui pique… bref, j’aimais déjà jouer avec les mots et les sonorités, puis j’ai découvert la fameuse triade maudite : Verlaine, Rimbaud et Baudelaire. J’étais au lycée et je lisais tous leurs poèmes. J’étais fascinée. J’essayais d’imiter leur style d’écriture, j’écrivais des sonnets, des odes, des pantoums…


Vous les faisiez lire, vous les lisiez vous-même à des gens ou c'était pour vous?


J'ai dû faire lire mes poèmes de jeunesse à 3-4 personnes dans toute ma vie maximum. Je ne m’en cachais pas mais je ne le disais pas ouvertement non plus.


Sauf le 1er que vous venez de mettre en ligne !


Oui. Parce que c'est un poème d'enfant, j'avais 10 ans, donc peu importe la qualité, c'est drôle et mignon, pour les réseaux sociaux, c’est parfait !


Donc, à un moment la poésie s'est endormie, comme vous dites. Vous vous êtes mise à travailler dans quel domaine si ça n'est pas indiscret ?


Je suis professeur d'anglais. J'ai fait des études d'anglais, eu mon concours et ai passé 10 ans en collège. Puis burn-out et démission de l’Education Nationale et depuis septembre, j'ai repris mon cartable de prof mais dans d’autres conditions.


Bon courage pour cette année que je vous souhaite excellente. Surtout que maintenant les mots vous ont redonné de l'énergie pour remettre le pied à l'étrier et aujourd'hui, ils vous accompagnent vraiment.

Abia Dasein sur une scène slam (C)

Merci beaucoup ! Oui, je suis optimiste. Et oui, la poésie m’accompagne au quotidien maintenant. J'ai du mal à dire que je suis poétesse, parce que je trouve ça pompeux ! Mais on me le dit. Alors j’accepte un peu…


...mais vous-même, vous avez déjà été publiée dans différentes revues.


Actuellement, je suis à la recherche d'une maison d’édition pour publier mon premier recueil personnel, qui ne trouve grâce auprès d'aucun éditeur. Je pense que cela me donnerait la légitimité nécessaire pour me dire poétesse. La reconnaissance par un contrat d’édition. Mais, au delà de ça, oui j'ai des poèmes publiés dans différentes revues papier et en ligne, françaises et internationales. J’ai été deux fois publiée dans un recueil collectif de haïku uniquement vendu au japon, co-écrit par un collectif international de haïjins (auteurs de haïku). L’un de mes haïku en anglais (j’écris dans les deux langues) a aussi a été sélectionné lors d’un concours et exposé sur un panneau à Washington DC… Donc, oui, j'ai ces publications-là qui sont une fierté incommensurable... mais là il y a une sorte de palier que je n'arrive pas à franchir, le palier final de l'édition de mon propre recueil.


En France notamment c'est difficile !


Je m'en rends compte, oui… mais je ne perds pas espoir… Never give up, never surrender…


Pour revenir à l'écriture elle-même, vous dites qu'elle fait partie de votre quotidien, ça veut dire quoi ? Vous écrivez tous les jours, un jour par semaine toute la journée... La nuit, le jour, le soir... ?


Ma fréquence d'écriture va vraiment être variable. Je ne peux pas donner de fréquence. Cela dépend de tellement de choses ! Mais je garde quotidiennement ce lien à la poésie : il y a la revue qui nous a pris 9 mois de préparation et j'ai toujours des projets en cours. De nouveaux recueils collectifs en perspective... Il y a toujours quelque chose sur le feu !

Justement, on va en arriver à l'Insolite... Qu'est-ce que c'est que cette revue ?


L'Insolite est une micro-revue poético-artisanalo-nantaise. C'est né d'une idée avec le poète et conteur Raphaël Reuche de proposer aux slameurs nantais une possibilité d'avoir leurs textes écrits sur papier, et également donner de la visibilité aux poètes locaux qui ne sont pas forcément adeptes de la poésie oralisée. Nous avons donc lancé un appel à textes sur Facebook en disant : on veut monter une revue de poésie locale, vous êtes partants ? Si oui, envoyez-nous vos textes !

On ne savait pas du tout où on allait, on ne savait pas du tout combien ça allait coûter, ce qu'on voulait c'était le faire. On a avancé dans les étapes sans aucun plan. Très vite, l’appel a été repris et partagé de plus en plus. Devant l’engouement qu’a suscité notre projet, nous avons élargi le critère local qui se voulait nantais exclusivement, à la Loire-Atlantique dans son ensemble. On a reçu 137 textes de 66 auteurs différents. Jamais nous n’aurions pu imaginer un retour si massif ! S’est posée la question de savoir si nous n’allions pas nous orienter vers une anthologie de tous ces auteurs qui nous avaient confié leurs textes. Mais le projet intial était très modeste, une micro-revue, alors nous avons dû faire des choix. Nous avons sélectionné de manière toute subjective, bien évidemment, 18 auteurs et autrices pour arriver à un produit fini d’une vingtaine de pages. Nous avons procédé à l’anonymisation des textes afin de garantir l’impartialité de nos coups de cœur qui se voulaient à la recherche de textes insolites.


Ils ont été vraiment insolites effectivement ?


On a essayé dans notre sélection d'avoir une diversité de textes. Il y a des textes en prose, de la poésie plus versifiée, contemporaine comme plus classique... Nous avons beaucoup discuté de ça avec Raph. Qu’est-ce qui est insolite ? Certains textes répondaient pleinement aux critères de l’un et pas de l’autre. Donc, oui, notre sélection reflète vraiment nos choix les plus subjectifs. De toutes façons, je pense que c'est le cas pour toute publication quelle qu'elle soit. Ca reste de la subjectivité pure.

18 textes...

18 textes d’auteurs et d’autrices de toute la Loire-Atlantique. Ce qui fait plaisir, c’est de constater la diversité de nos contributeurs, des auteurs confirmés et déjà publiés comme des auteurs amateurs ayant découvert l’écriture récemment. La revue fait au final 28 pages au total, avec le sommaire, un "prédito" et un "postito", sortes de préface et postface rédigées par Raph et moi-même.

Donc, là, vous allez le présenter.... Il y a eu une pré-présentation déjà après un spectacle de Raphaël, non ?

Oui, d’ici quelques jours aura lieu la soirée de lancement du premier numéro au Guet à Pinte à Rezé. Et en octobre dernier, nous avons effectivement organisé une soirée de financement, toujours au Guet à Pinte. Raph y a joué son spectacle Rue DesAstres au chapeau et tout l’argent ainsi récolté a été destiné à l'impression de la revue.


Vous avez réussi à avoir les fonds qu'il fallait ?


Non. On a beaucoup parlé de lancer une cagnotte participative mais on n'a jamais sauté le pas pour diverses raisons et on n'a jamais vraiment anticipé le budget ou les modes possibles de financement, surtout que nos voulions que chaque auteur de la revue puisse avoir un exemplaire gratuit ! C'était très important pour nous !... Finalement, j’ai du mettre la moitié des frais d’impression de ma poche. J’espère me faire rembourser sur les ventes de la revue…


Vous êtes des poètes !


Voilà, c'est ça... L'aspect financier a été un peu compliqué, ce n’est pas vraiment la préoccupation principale des poètes… Là on se rend compte qu'à un moment donné il y a un modèle économique qu'il va falloir qu'on mette en place, ça devient délirant !


Elle va être en vente à prix fixe ou libre ?


A prix conscient. C'est comme le prix libre, mais le prix conscient ajoute l'idée derrière que chacun donne en conscience en fonction du prix de revient de l’objet, du montant que l’on souhaite mettre pour acquérir l’objet ou soutenir le projet. C'est ça le prix conscient. C'est pas tu balances une pièce comme ça. On ne souhaitait fixer de prix pour pouvoir proposer la poésie au plus grand nombre.

28 pages, 18 auteurs... Et il y a des dessins ? Vous avez fait un super travail de mise en page entre parenthèse...

Une seule illustration, celle de la couverture, gracieusement offerte par une amie illustratrice, Fanny Fleur. Tout le travail graphique de la revue a été réalisé par un autre ami, Raoul ou William Oechsner de Conink. Au début, il est arrivé comme ça comme soutien et maintenant, c'est le 3ème larron ! La revue n'aurait pas pu voir le jour sans Will ou Di-Fiction ou Raoul Polygon sur Facebook, il a plusieurs identités, plusieurs casquettes, il est auteur également, artiste digital, graphiste... Il navigue dans tout ça et il a pris à bras le corps de concevoir une vraie charte graphique pour la revue. Et ça en fait vraiment un objet. Au delà du simple format papier, c'est un bel objet et c'est grâce à lui.


Visuellement, il est très réussi effectivement


Merci beaucoup ! On a passé des heures et des heures sur la maquette. Les styles de typographie, la mise en page des textes, des discussions passionnées sur l’interprétation graphique des poèmes, sur la lisibilité de tel ou tel choix… Nous avons finalement opté pour une mise en page des corps de texte relativement neutre et simple avec un para texte très décalé et insolite !


Donc le 1er numéro le 28 novembre... Vous allez le vendre à prix conscient. Quel est votre objectif maintenant pour après ?


Ca va être de discuter d'un numéro 2. Je pense qu'on en a envie tous les trois. On va d’abord laisser reposer après la soirée de lancement, souffler et prendre le temps de discuter tous les trois, sur nos souhaits respectifs, notre organisation de travail. Mais au fond de chacun d’entre nous, l'envie est là. C'est extrêmement excitant de monter une revue de A à Z et contribuer à ce que des auteurs soient lus. On a donc envie qu'il y ait un numéro 2, mais il sera peut-être différent... tout est possible.


La soirée du 28/11 va se passer comment ?


Déjà un grand merci à l'association d'Encre et de Lumière et son président Patricio Rojas San Martin, qui fait également partie de la sélection de la revue, de nous aider dans l’organisation de cette soirée. Grâce à lui, tous les auteurs présents se verront offrir un verre ! Pour le déroulement, Nous présenterons évidemment notre bébé, puis 13 auteurs liront sur scène leur texte et en deuxième partie de soirée, scène ouverte de poésie avec inscription sur place et le traditionnel « un texte dit, un verre offert » !

Avec un thème insolite ou libre ? mais sur les scènes slam les thèmes sont plus suggérés qu'imposés...


Non pas de thème particulier. La scène ouverte sera ce que les poètes en feront…


Nickel. Un petit mot de conclusion ?


Je dirais que l’on pense à la soirée de lancement comme un aboutissement de 9 mois de préparation, mais je crois que ce n’est que le début d’une plus grande aventure. Des librairies nous ont contactés pour qu'on mette la revue en dépôt chez elles... On sent qu'il y a un intérêt et une envie. Ca serait dommage de s’arrêter en si bon chemin, non ? Donc, oui, la conclusion, c'est rendez-vous au prochain numéro ! Fingers crossed…


Propos recueillis par #PG9






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