Parce que, sans leur environnement, les artistes ne peuvent pas grand chose, parole à celles et ceux qui les accompagnent avant la scène...Thibaud Mignon habite en Champagne, à Epernay (30 km de Reims). Il est luthier. Autrement dit, il façonne la matière pour qu'elle produise des sons. Son atelier sent le bois, ses mains en saisissent le pouls, il recherche l'harmonie vibratoire des matières... d'autant mieux qu'il est musicien lui-même. C'est de tout cela dont nous avons parlé... Bonne lecture
PS: si vous suivez les parutions de Culture Etc, vous ne serez pas sans faire le rapprochement avec le portrait de Lucie Joy mis en ligne dernièrement. Eh bien, rassurez-vous, il n'y a -presque- aucun rapport... (mais on lui fait un clin d'oeil quelque part!)
Bonjour Thibaud! Nous allons parler de ton métier ensemble. Qu'est ce qui t'a amené à devenir luthier: la musique, le bois, les cordes... ou tout simplement le travail?
Bonjour Philippe! A la base, je suis musicien. J'ai commencé par le violon, puis par la guitare, parce que c'était plus facilement transportable sans risque. Un violon, c'est quand même assez fragile. Mais ce qui m'a amené vraiment à la lutherie, c'est un épisode pas très facile de ma vie: l'incendie de la maison de mes parents en 2010. Tous mes instruments étaient dedans, pas un seul n'en a réchappé. Du coup, comme je n'avais pas les moyens de m'en racheter à l'époque, j'ai bidouillé des trucs façon cigar box, je me suis racheté des instruments abîmés en brocante, ça permettait de les avoir pas trop cher, et puis j'ai bidouillé pour les remettre en état. De fil en aiguille, ça m'a amené à m'intéresser à ce travail-là, en particulier parce que j'ai trouvé ça assez passionnant de redonner vie à des instruments en mauvais état au départ. Par la suite, je me suis dit pourquoi je ne fabriquerais pas aussi un instrument de A à Z? J'ai commencé par les Cigar Box, puis une guitare électrique. Jusqu'à il y a pas longtemps, je n'avais pas encore fait de guitare acoustique vraiment. Ou alors, ça avait été des échecs. Parce que la guitare électrique et la guitare acoustique, ce sont vraiment deux travaux différents. C'est beaucoup plus compliqué de construire une guitare acoustique. Depuis quelques mois je suis en train de développer tout ça, mais jusque là, c'est beaucoup de l'électrique.
On va reprendre les choses au début. En 2010, la maison brûle. Tu avais quoi comme instrument dedans?
J'avais deux violons acoustiques, mon premier violon d'études et un violon qui avait été fait par un luthier, un violon électrique aussi, un modèle, d'ailleurs, qu'on ne retrouve plus. Et j'avais aussi deux guitares électriques, deux ou trois guitares et un Ukulélé.
La pratique d'un instrument à cordes, c'est ta passion?
C'est une de mes grandes passions. J'ai trois grandes passions dans la vie: la musique, les chevaux et la bière.
C'est complémentaire, d'ailleurs, on peut concilier les trois... Tu es originaire de Reims?
Plus Epernay. Mais j'ai fait quasiment toutes mes études sur Reims.
C'est une région où on se sent bien à pratiquer de la musique?
Alors, ça dépend par où. Mais en grande partie, oui. Epernay est assez mort à ce niveau, par contre, Reims, Châlons, c'est assez vivant. Vitry le François un peu aussi.
Ca veut dire que tu ne rencontres pas beaucoup de collègues musiciens?
Si, si. Il y a juste que sur Epernay, pour jouer de la musique, c'est compliqué: les bars n'acceptent pas beaucoup les groupes, donc il faut surtout aller sur des villes un peu plus grandes. Si on veut jouer dans un bar sur Epernay, c'est surtout en acoustique. Jouer en électrique, c'est vraiment compliqué, à part pour la fête de la musique.
Donc, des lieux pour jouer de la musique, il n'y en a pas beaucoup sur Epernay.
Non, que ce soit pour jouer live ou pour répéter d’ailleurs.
Et les caves de champagne? Du jazz, du blues...?
Il y a un peu jazz. Pas trop blues et sinon, c'est très lounge. Et c'est assez guindé quand même.
Toi, tu préfères la convivialité plutôt des bars sur Reims... Il y en a plein. Lucie disait dans son portrait qu'elle adorait la vie qui pouvait y avoir dans les bars à Reims.
Oui. Reims est super vivant. Il y avait l’Excalibur qui n'existe plus, il y a le Dropkick, le Floyd... et tout un tas d'autres bars, si je citais tout, on en aurait pour la soirée! Il y a une paire de bars sympas sur Châlons aussi comme le Sacobri .
Ok. Merci. Mais donc, on va en venir au coeur des choses. Tu joues, t'aimes bien jouer toi même dans les bars et autres, si je comprends bien... Tu as un groupe?
Là, actuellement, je ne continue pas trop: mon activité me prend trop de temps. J'essaie de voir. En plus, en ce moment, tout est fermé, mais j'essaie de voir pour l'avenir à retourner jouer dans les bars parce que c'est quelque chose qui manque quand tu y as goûté.
Ok. Donc, suite à ce drame personnel ou tu as perdu tous tes instruments, tu as exploré le métier de luthier. Comment t'es-tu formé?
Sur le tas. Au départ, j'ai donc racheté des guitares abîmées que j'ai bricolées. Au départ, j'ai fait des conneries... Mais, les erreurs, ça permet d'apprendre, quand tu en fais, tu cherches à savoir ce qui n'a pas été, tu vas zyeuter sur internet si tu n'as pas des tutos ou des trucs dans des forums, etc. De fil en aiguille, tu apprends.
Tu as commencé à le faire pour toi, pour refaire tes propres instruments, puis tu l'as fait pour les autres?
Ca me plaisait beaucoup. A un moment donné, je me suis dit: pourquoi je n'en ferais pas une activité secondaire dans un premier temps? Parce que j'avais un travail quand même. Et puis, ça prend de plus en plus de place et je réfléchis depuis quelques mois à ne faire que ça. Actuellement, je ne fais pas que ça: je suis pâtissier, ça n'a rien à voir.
Génial! Le plaisir des papilles et celui des oreilles... Tu es organisé comment?
Je suis auto-entrepreneur. J'ai un petit atelier sur Ay à côté d'Epernay et en plus, à Epernay, dans mon appartement, j'ai aussi un petit coin pour tout ce qui est petites réparations et l’entretien. Et je m'organise comme ça: les petites réparations et l’entretien à l'appartement, les gros travaux, grosses réparations dans l'atelier à Ay.
Cet atelier t'appartient? C'est un collectif?
Il appartient à mes parents. En fait, c'est une dépendance de la maison qui avait brûlé qui était restée intacte. J'ai pu m'installer là sans problème après avoir fait un peu de ménage et mis un groupe électrogène pour le courant.
Vous êtes beaucoup de luthiers dans la région?
Sur la Marne, on doit être trois. Si on prend la région Grand Est, on est beaucoup plus nombreux, je ne saurais pas dire combien exactement, il y en a qui sont un peu planqués dans leur coin... Et il y a une diversité de types de luthiers qui fait qu'on ne se connaît pas forcément tous.
A partir de quel moment t'es-tu considéré comme un luthier professionnel?
Quand j'ai fabriqué ma première guitare électrique. Malgré quelques petits défauts, je me suis dit que c'était pas trop mal et qu'il fallait recommencer. J'ai donc mis dans un coin de ma tête l'idée que je pouvais en faire un métier. Et des copains m'ont dit tiens, j'ai une guitare qui a un problème, est-ce que tu peux regarder? De fil en aiguille, j'en suis venu à faire des petits travaux comme ça, de temps en temps. Ca marchait, les gens étaient contents.
Tu connais les deux autres luthiers de la Marne? Vous échangez...?
On se connait tous plutôt bien. Il y a Claude Dommartin, un agriculteur à la retraite dont le fils est luthier sur Nantes. Il s'est mis à faire ça pour avoir un truc en commun avec son fils et finalement, il s'est mis en auto-entreprise aussi parce que ce qu'il fait est vraiment bien...
C'est chouette comme histoire: le père qui se met à la retraite faire le même métier que son fils pour garder un lien avec lui... Et le troisième?
C'est Ludovic Potet, le repreneur d'un ancien luthier de Reims qui est parti en Savoie.
Il y a une solidarité interprofessionnelle?
Quand j'ai commencé, je ne les connaissais pas. Je connaissais l'ancien propriétaire de l'atelier de Ludovic, Thibaud aussi, d'ailleurs. Je lui avais demandé pour faire un stage, mais son atelier étant trop petit, il avait refusé. Du coup, non, je me suis plutôt débrouillé tout seul au début.
Mais sans qu'il y ait de rivalité particulière...
Non! En plus, les fabrications de Thibaut je les trouve vraiment chouettes. Il ne le sait probablement pas mais quelque part elles m’ont donné envie de faire ça aussi... Même si, aujourd’hui, j’ai développé mon propre style qui est très différent.
Les spécificités de votre métier font naturellement que c'est compliqué.
Oui. Et puis, on aime bien avoir nos petits secrets de fabrication. Mais, souvent, nos ateliers ne sont pas très grands ou les normes pour recevoir des stagiaires, c'est compliqué: on a quand même des machines dangereuses. Ca n'est pas toujours facile d'accueillir du monde.
Je lisais que le luthier se sert de 80 outils environ.
Dans l'absolu, j'en ai même beaucoup plus que ça! Mais, dans la tradition, le luthier violon utilise 80 outils, effectivement. Cela dit, la lutherie violon est un peu spécifique. Sans être péjoratif, ils sont un peu restés aux méthodes du 17e siècle: ils font encore tout entièrement à la main, sans machines électriques, ou très peu. C'est un métier vraiment très particulier. Moi, je ne suis pas du tout dirigé là-dedans. Même en étant violoniste, ça n'était pas la partie qui m'intéressait en fait.
Quelles spécificités as-tu choisies?
Je suis luthier guitare, spécialisé donc dans la guitare électrique pour le moment, le lapsteel et le cigar-box guitare aussi. Le lapsteel est une guitare Hawaïenne électrique. Elle se joue à plat sur les genoux et on n'en frette pas les cordes, on n'appuie pas sur les cordes avec les doigts, on fait glisser une barre en métal sur les cordes pour changer les accords.
Tu as découvert cet instrument comment?
Je suis un grand fan depuis très longtemps de Ben Harper et il l'utilise beaucoup. John Butler aussi. Ce sont vraiment deux références pour moi en terme de jeu au lapsteel, même si ce n'est pas leur instrument principal, quand on regarde leur set d'instruments. L'instrument a vraiment une sonorité très particulière. Parce que le fait de jouer avec ce qu'on appelle une tone bar, la barre en métal qu'on fait glisser sur les cordes, ça oblige à utiliser un accordage différent que l'accordage standard de la guitare (mi-la-ré-sol-si-mi). Là, on utilise des accordages qu'on appelle "ouverts" ou "open". Quand tu grattes les cordes à vide, tu as déjà un accord. On n'est pas obligés d'avoir des positions spéciales. On a donc plusieurs accordages ouverts qui permettent de jouer dans différents styles ou d'avoir différentes sonorités et ça oblige à réfléchir différemment quand on joue.
Donc, ça c'est le lapsteel. Et ton 2ème instrument fétiche...
C'est le cigar box guitare. A l'origine, ça vient des Noirs américains fin du 17ème - début 18ème. Ils étaient encore esclaves à l'époque, ils n'avaient pas les moyens de s'offrir des instruments de facture normale, du coup, ils fabriquaient des instruments avec une boîte de cigares, un manche à balai passé en travers et des cordes tendues là dessus. Souvent, ils jouaient slide, donc avec un goulot de bouteille pour faire les changements d'accords...
Un goulot de bouteille?
Un goulot de bouteille que tu fais glisser sur les cordes, sur le même principe que ce que tu utilises sur les lapsteels du coup. C’est pareil cela s’est modernisé, aujourd’hui on en fabrique en métal, en verre moulé ou en céramique, moi j’en fabrique de "vrais" en découpant des bouteilles et en polissant la coupe. C'est une technique de jeu qu'on appelle "slide", glisser en anglais, et ça permet d'avoir une sonorité différente. Après, ça a évolué, ça s'est modernisé, c'est resté quand même plus ou moins un instrument du pauvre, du gars qui fait ça chez lui, pour se faire plaisir. Mais il y a aussi une paire de luthiers qui en font maintenant, parce qu'il y a un revival de ce type d'instrument depuis une dizaine d'années, avec des artistes comme Samantha Fish ou Seasick Steve. Ils ont remis ce type d'instrument sur le devant de la scène et ils tournent dans le monde entier avec des instruments des fois improbables. Par exemple, Seasick Steve, a un cigar box qu’il s’est fabriqué avec deux enjoliveurs de voiture, un bout de bois en traviole avec trois cordes tendues là dessus et il sort des trucs de fou avec ça.
Ce sont quand même des marchés de niche?
De toute manière, la lutherie en général est un marché de niche: le fait est qu'un luthier ne peut pas produire un instrument à 200 balles... Du coup, le gros du travail, aujourd'hui, c'est plus la réparation et l'entretien. Quand tu vends un instrument, c'est la fête! La fabrication doit représenter à peu près 10% de mon activité et encore je fabrique pas mal en dehors de commandes pour faire des expos et espérer trouver des acquéreurs. Mais, c'est ce qu'il y a de plus passionnant on va dire quand même! Même si, sur certaines réparations, tu peux te faire plaisir. Là aujourd'hui, par exemple, une cliente est venue me déposer une guitare. C'est une fracture de tête: la guitare est décapitée. C'est le genre de réparation intéressant à faire parce que c'est le travail du bois, la reconsolidation de l'instrument et faire en sorte que ça soit le plus invisible possible... même si ça n'est pas évident. Ce sont des trucs kiffants à faire.
Les musiciens tiennent tellement à leurs instruments qu'ils veulent les réparer, c'est ça?
C'est ça. C'est vrai que, parfois, ils arrivent avec des guitares... financièrement parlant, ça ne vaut pas le coup de les réparer: c'est plus cher que de racheter la même. Mais il y a un côté très sentimental avec l'instrument. Les clients disent: "c'est ma première guitare etc". Alors, évidemment, s'ils veulent le faire, je le fais tout à fait parce que je les comprends... Moi même, j'aimerais bien récupérer ma première guitare, mais c'est malheureusement impossible. Du coup, je comprends.
Je lisais que tu fais un travail très particulier sur le choix des bois...
Oui. Pour la fabrication, je n'utilise que des bois indigènes, donc des bois locaux ou des bois de récupération. Je n'achète aucun bois exotique pour ça. Ca peut arriver que j'en achète un petit peu pour de la restauration ou de la réparation, parce que je ne peux pas remplacer un bois sur un instrument existant, mais, sur la fabrication, je n'utilise vraiment que des bois locaux ou de récupération. J'ai un gros stock de bois de chêne de 23 ans de séchage, donc suffisamment stable pour être utilisé dans la fabrication de guitares électriques. J'utilise du Noyer, du Robinier, de l'Epicéa, du Séquoia. D'ailleurs pour le Séquoia, c'est assez marrant comme histoire. Un ami à moi a un clos pas très loin de l'atelier et, à la tempête de 99, deux séquoias qui avaient été ramenés d'Amérique au 18ème siècle, je crois, sont tombés. Du coup, il m'a filé quelques morceaux de ces arbres-là. C'est un bois imputrescible, j'ai dû le refendre et le re-sécher quelques temps avant de pouvoir l'utiliser.
Tu parlais de bois séché depuis 23 ans... Ça veut dire que le luthier est un métier qui demande beaucoup de temps pour la matière?
On a des taux d'hygrométrie à respecter pour avoir des bois très stables. En plus, au niveau des finitions, je ne fais pas des finitions industrielles qui font 2 cm d'épaisseur de vernis. Donc, si je n'ai pas le bon bois pour mes guitares, ça risque de rebouger une fois l'instrument fini et il sera bon à jeter au feu. On a des règles à respecter pour avoir quelque chose qui tient dans le temps et qui sonne.
Ces règles sont édictées par qui? Il y a une charte générale? Comment ça se passe?
Ce sont des règles établies avec les siècles d'histoire de la lutherie. Des bases qu'on apprend quand on commence à s'intéresser à la lutherie. De toutes manières, si tu ne les respectes pas, tu ne feras pas un instrument. Ce sont des trucs transmis de génération en génération. Normalement, si tu tombes sur un luthier ouvert d'esprit, il t' expliquera tout ça très bien, parce qu'il doit le connaître sur le bout des doigts. Moi, j'ai dû faire aussi avec le fait que j'ai choisi d'utiliser des bois locaux et c'est vrai qu'en lutherie maintenant et depuis assez longtemps, on utilise des produits exotiques qui sont beaucoup plus stables. Les bois exotiques grandissent souvent dans des régions où il y a déjà énormément d'humidité dans les sols. Le palissandre, par exemple, pousse dans des lieux assez improbables et marécageux... Ce sont des bois très stables à l'humidité parce que très gras, donc qui ne prennent pas l'humidité énormément et sèchent relativement vite. C'est aussi pour ça qu'on les a sélectionnés. Moi, j'ai dû réapprendre à utiliser les bois locaux qu'on utilisait au Moyen-Age. Les instruments de cette époque étaient beaucoup moins solides dans le temps. Parce que quand on regarde ce qui est arrivé dans les musées, souvent c'est en assez mauvais état, c'est vrillé, etc. J'ai dû réapprendre à trouver des bois suffisamment stables pour faire des instruments. En fournisseur, j'ai une scierie de Châlons-en-Champagne, qui a un vieux stock de bois pour les ébénistes à la base qu'ils finissent d'écouler. Il date de facilement 50 ans! Donc, quand j'y vais, ils sont contents de m'en vendre. Du coup, ça me permet d'avoir des bois très stables. Quand j'y vais, je fouille un peu dans le tas et je sélectionne ce qui me paraît le mieux. J'ai un hygromètre qui me permet de vérifier l'humidité des bois. Si c'est encore humide, mais pas trop, je prends quand même et je finis de sécher à l'atelier sur un ou deux ans. Sinon, je ne prends pas. Si c'est trop sec, c'est pareil, je ne prends pas parce que ça perd toute ses qualités mécaniques de résistance en fait.
Tout cela, tu l'as découvert par toi-même ou par les tutos et les recherches dont tu parlais.
Voilà. Recherches et erreurs. J'ai utilisé parfois du bois qui n'était pas adapté, ou je me suis rendu compte, qu'en fait il n'était pas suffisamment sec en faisant des recherches etc. L'école des erreurs, comme je dis, c'est très instructif.
Et donc, ça fait 10 ans?
La maison a brûlé il y a 10 ans. J'ai pris la décision d'ouvrir l'atelier en décembre 2013. Donc, on va dire 2014, ça fait six ans.
Aujourd'hui, tu voudrais lâcher ton boulot de pâtissier à côté ou tu veux continuer les deux?
Avec la période qu'on vit actuellement, tout est remis en question parce qu'il faut aussi pouvoir manger, donc, je ne sais pas. Mais je me pose quand même vraiment la question sur peut-être l'année prochaine ou encore l'année d'après de lâcher la pâtisserie pour ne faire que ça.
Que dirais-tu à un jeune guitariste par rapport à son instrument? Qu'as-tu envie de dire aux musiciens d'aujourd'hui?
De prendre le plus grand soin de leur instrument. De le chouchouter. Parce que souvent, on ne se rend pas compte, mais on pose l'instrument un peu n'importe comment, contre le mur et puis il glisse et ça fait comme la guitare qui est devant moi, ça casse au niveau de la tête. C'est le truc le plus basique du monde, mais un instrument, ça se range correctement, donc, soit dans son étui, soit sur un stand adapté. Et, surtout un instrument, ça se pratique. Parce qu'en fait, quand tu ne pratiques pas un instrument, le bois... Le bois c'est un matériau qui est vivant. Et, plus tu pratiques ton instrument, plus il va sonner correctement parce que les pores du bois vont s'ouvrir et l'instrument va mieux résonner. Que ça soit un instrument électrique ou un instrument acoustique, c'est valable pour les deux. Et donc, un instrument, si tu veux vraiment avoir un instrument qui sonne, il faut le pratiquer.
Et toi même tu voudrais pouvoir plus pratiquer dans les bars - dès qu'ils rouvrent...
Oui. Des fois, je voudrais pouvoir pratiquer plus, même sans aller dans les bars, j'aimerais bien pouvoir gratter autant que je le veux. Ca n'est pas toujours possible.
Tu composes?
Je compose dans un style assez roots, un peu façon Seasick Steve, un des artistes dont je t'ai parlé. J'aime beaucoup jouer en slide sur cigar box ou même sur une guitare ou un lapsteel. Et donc, oui, je compose dans un style un peu blues roots, mêlé d'énergie punk on va dire.
Bravo! Qu'est ce que t'as envie de dire pour conclure?
J'espère justement en vivre, mais j'espère surtout pouvoir continuer ça aussi longtemps que possible, si possible même jusqu'à jusqu'à mon dernier souffle. Parce que c'est vraiment une passion qui me permet d'être bien dans ma peau. Le contact du bois, chercher la résonance, sentir l'odeur des bois parce que tous les Bois ont une odeur bien précise. Il y en a qui sentent super bon, il y en a qui sentent très mauvais quand on les découpe mais c'est un bonheur à travailler quand même. Et puis mettre la main dans les guitares qui sont abîmées, leur redonner vie c'est quelque chose d'assez jouissif et puis, quand on voit qu'une personne est contente du travail qu'on a fait et qu'elle nous remercie d'avoir sauvé sa guitare, ça, ça n'a pas de prix.
Une dernière question peut-être. Que ressens-tu quand tu travailles le bois?
Plaisir, rugosité et douceur. Un sentiment de bien être et de bataille à la fois. Comme toucher le corps d'une femme pour la première fois...
Propos recueillis par #PG9
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