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[Le Théâtre et vous] JULES BROSSARD - TPN44 (Promo 2020)

Dernière mise à jour : 25 mai 2021

Culture Etc a eu envie de donner la parole à des jeunes comédien.ne.s en cours de formation au moment de leur sortie d'école afin qu'ils parlent de leur parcours et de la place que le théâtre a dans leur vie: pourquoi? comment? Vous connaissez le principe de nos entretiens. Pour commencer -ou continuer, parce qu'à vrai dire il y en a déjà eu un certain nombre faits sous le format des [Plonger dans l'âme de...]-, parole à Jules Brossard. Il est en 3ème et dernière année du Théâtre Ecole du Théâtre Populaire Nantais / Rue de Belleville à Nantes. Alors, Jules, le théâtre...?


auto-portraits d'élèves comédiens


Vincent Alvar et Jules Brossard au TPN44 (C)

Comment le théâtre est-il entré dans ta vie? Quel est ton premier souvenir de spectateur?


Le théâtre est entré dans ma vie quant j'avais six ans. Mes parents m'ont inscrit aux ateliers de ma commune ("Le petit théâtre de Mauves sur Loire"). On se réunissait chaque mercredi après midi dans la salle polyvalente de la ville qui était en fait une ancienne supérette transformée en salle de spectacle. Du haut de mes 6 ans, j'aimais déjà partir loin dans mon imaginaire interne en allant jouer dehors et j'adorais mimer différentes choses. J'ai peu de souvenirs hors représentations de mes premières années de pratique, mais je pense que ce qui me plaisait déjà à l'époque c'est que j'avais découvert une manière totalement inédite de m'amuser. La machine était lancée, je suis resté dans cette troupe pendant environ douze ans. J'ai vu les changements au fil des années : nouveaux camarades, nouveaux lieux, nouveaux profs.... Chaque année était une nouvelle aventure ! Je crois que j'ai été rapidement conquis par la sensation de liberté et l'impression de voyager sans bouger en faisant appel aux trésors de l'imagination. Les cours de théâtre sont vite devenus le Rendez-Vous immanquable du mercredi après midi. Forcément, il y a eu des moments, même des années, moins drôles que d'autres, mais globalement c'était une vraie bouffée d'air frais qui me faisait oublier les tracas de l'école en partageant des moments uniques avec d'autres enfants à qui je n'aurais sans doute jamais parlé si on ne s'était pas retrouvés dans le même cours. Je me souviens mieux de l'ambiance globale de légèreté et de camaraderie que du contenu des cours eux mêmes. Et quand les représentations de fin d'année arrivaient (vers mai - juin) c'était la fête : à mes yeux c'était aussi exceptionnel que Noël ou Pâques. Les grandes vacances approchaient, la famille, les copains et pleins de gens que je ne connaissais pas venaient voir nos trois représentations du Week-End et nous félicitaient pour un "travail" produit essentiellement dans la joie et l'amusement tout au long de l'année scolaire. Il y avait pour moi une sorte de magie là-dedans que j'ai rarement pu retrouver ailleurs. Avec le recul, je pense que c'étaient les endroits et les moments où je me sentais le plus valorisé pour ce que je faisais. Je crois d'ailleurs que c'est ça qui m’a poussé à ne jamais arrêter les années qui ont suivi.


Mon premier souvenir de spectateur, je crois, date d'après les représentations de mon groupe la deuxième année. J'avais sept ans. En plus de mon rôle préparé le long de l'année, on m'avait annoncé un peu en dernière minute que je serais figurant sur la pièce des adultes. Tout ce que j'avais à faire était de suivre une dame pendant une scène avec un autre garçon de mon âge. La pièce en question, c'était "Musée haut, musée bas" de Jean Michel Ribes. Une fois la première scène terminée, je me suis installé au 1er rang dans le public. Evidemment, du haut de mes sept ans, je n'ai sans doute pas compris grand chose et je n'ai ni relu, ni revu la pièce depuis, alors le souvenir est assez flou. Pourtant il reste assez marquant: c'était sans doute l'une des premières fois que j'ai ri aux éclats en voyant de mes propres yeux des adultes jouer des choses totalement décalées... en se prenant totalement au sérieux.


Quand as-tu pris conscience que tu voulais en faire ton métier? Quel sentiment domine quand tu es sur scène?

Ateliers théâtre...

J'ai commencé à considérer le théâtre comme un avenir possible à partir de la fin du collège. A la base, je rêvais de devenir réalisateur. Avec le soutien de mon argent de poche, de la médiathèque du coin ou je pouvais louer des DVDs et des encyclopédies sur le cinéma, je passais une grande partie de mon temps libre à voir des films. Ca m’a vite donner envie d'en faire. Mais j'ai compris que, si ce métier pouvait laisser une grande liberté, il était également plein de contraintes techniques et demandait une patience colossale pour créer une vraie cohérence en s'occupant de micro détails depuis un ordinateur avec une précision chirurgicale. Ca m'a vite découragé. En entrant en seconde, j'avais choisi l’option théâtre lourde et j'ai pris conscience que je pouvais prendre ce que j'aimais depuis des années pour en faire mon métier. La sensation d'adrénaline que je ressentais sur scène était décuplée, je voulais la garder le plus longtemps possible et voir jusqu’où je pouvais la pousser. Cette option au lycée m'a également permis de voir plein de spectacles dans les grands théâtres de Nantes. J'ai découvert à quoi ressemblait le théâtre professionnel et les textes de grands auteurs. Cet avenir possible est vite devenu une évidence pour moi. L'impression de jouer ma vie à chaque représentation, l'envie de faire rire (ou pas d'ailleurs) et d'être vu par un maximum de gens en allant toujours plus loin et en partageant des connexions toujours plus profondes avec mes partenaires m'avaient subjugué. J'ai réfléchi à la question de nombreuses fois, mais je ne voyais plus d'autres avenirs possibles. Par la suite j'ai tenté les auditions du Conservatoire de Nantes avant d'entendre finalement parler de l'école du TPN qui ouvrait tout juste ses portes. Le Conservatoire venait de me refouler pour la seconde fois...


Dans quelle mesure le théâtre a-t-il contribué à ton épanouissement personnel et y contribue-t-il encore?


Jules Brossard. Photo: Malouche.F (C)

Le théâtre me fait du bien, car il me permet de faire et de vivre par procuration des choses émotionnellement fortes. C'est une sensation vraiment particulière. Des situations de conflits ou de rapports humains complexes et tendues me terroriseraient dans la vraie vie par exemple, alors qu'en les travaillant sur scène je finis toujours par en retirer du plaisir. Rendre crédibles un personnage, une situation ou une émotion demande souvent beaucoup de travail. En travaillant de la bonne manière et en écoutant les retours qu'on me fait, je vois l'impact comique ou émotionnel de ce que je joue devenir de plus en plus fort. Je trouve ça toujours très satisfaisant de suivre cette évolution. Je crois que ce qui me plaît vraiment c'est de pouvoir laisser ma vie à l’extérieur. Quand je passe la porte du théâtre, je rentre dans une bulle ou les seules choses qui comptent sont le résultat de ce qui se passe sur le plateau et les moyens d'y arriver.


Qu'est ce qui a été le plus important pour toi pendant les 3 années du TPN? Ton regard sur le métier de comédien a-t-il changé (si oui comment)?


Je pense que ce qui à été le plus important pour moi au TPN est surtout le fait d'avoir pris conscience de mes limites et de mes capacités en continuant à les développer. Au début, je me jugeais beaucoup et je me comparais souvent à mes camarades de façon péjorative. Les années passées dans cette école, mes liens avec les intervenant(e)s et les autres élèves m’ont permis de mieux croire en moi et en ce que je suis capable de faire. J'y suis rentré peu sûr de moi, des fois la peur me paralysait. J'avais du mal à assimiler les retours sur mon jeu, je pouvais vite paniquer et baisser les bras, aller jusqu'au bout mais sans y croire. Il me reste encore beaucoup à apprendre et je dois rester vigilant pour ne pas reproduire certaines erreurs, mais je sais maintenant que je suis capable de faire de belles choses si je m'y mets à fond. J'ai appris que par l'humilité, l'écoute des autres et l'acharnement tout devient possible sur scène. Mon regard sur le métier de comédien a changé car à la base je ne me rendais pas compte de tout le travail et la rigueur que ça impliquait si on veut un résultat satisfaisant. Je pensais que le talent faisait les trois quarts du travail. Aujourd'hui, j'ai compris que c'est en travaillant intensément et le plus régulièrement qu'on devient talentueux. Pour réaliser ça, j'ai compris qu'il est impératif d’accepter ses erreurs, de comprendre d’où elles viennent et de voir ce qu'on peut en faire d'intéressant. J'ai eu la chance d'être entouré de gens bienveillants qui ont su me le faire comprendre je trouve que l'importance de la bienveillance dans un groupe est trop souvent sous estimée. C'est grâce à elle qu'on peut être amené à donner le meilleur de nous même.

Une partie des élèves du TPN. Photo: Caro Larour (C)

Quels sont tes espoirs? Quelles sont tes peurs?


Mon rêve serait d'être repéré, pas forcément par quelqu'un de très connu ou reconnu, mais par une personne qui saurait me proposer les rôles qui m'iraient le mieux, qui saurait m’amener dans des directions de jeux ou des manières de faire que je n'aurais même pas soupçonnées. Si je fais tout ça, c'est pour pouvoir me surprendre et surprendre les autres. J’espère que je continuerai à trouver des moyens de le faire et l'aide nécessaire pour y arriver, en continuant d'y prendre du plaisir, parce que c'est quand même principalement ça qui me pousse à continuer.


J'essaie de pas accorder trop d'attention à mes peurs, mais il y en a deux qui reviennent souvent. La première se serait de ne jamais vraiment décoller, ne pas trouver de public ou de gens avec qui travailler. Par le passé, il m'arrivait de travailler de manière insuffisante, je pense qu'à cause de ça je n'étais pas considéré par les autres comme un partenaire fiable et je l'ai amèrement regretté. Depuis cette prise de conscience, je m'impose plus de rigueur et j'essaye de toujours faire le nécessaire pour y arriver. Sinon, j'avoue avoir des fois un peu peur pour ma santé mentale. Malgré les efforts fournis, ça peut être déstabilisant, voire déprimant, de pas avoir les résultats qu'on espère. C'est important de passer à autre chose, de se détendre et de ne plus y penser pour mieux s'y remettre après. Mais des fois, les répliques ou les retours tournent en boucle dans ma tête et il n'est pas toujours facile de changer d'air sur son temps personnel. La aussi, c'est important d'avoir un entourage bienveillant pour s'en sortir.


Un mot de conclusion?


Ce qui est vraiment bien avec le théâtre c'est que ça me permet de travailler sur moi en permanence. C'est certes fatiguant, mais au moins j'ai toujours l'occasion de vivre des choses incroyables, de partager des connexions uniques avec des gens à qui j'aurais sans doute pas parlé plus que ça si je les avais rencontrés autrement. En gros ça m'aide à me sentir bien, à mieux me comprendre et aussi à m'aimer et m'ouvrir aux autres. Je pense.


Mon livre de chevet : "Imparfaits, libres et heureux" de Christophe André

Je l'ai découvert il y a quelque mois. Christophe André (psychiatre) explique l'importance de l’estime de soi , les manières de la cultiver et d'en prendre soin. En le lisant, je comprends beaucoup de choses sur les gens et sur les comportements humains. Je me rends compte que l'humanité fonctionne à la fois de manière très simple que totalement tordue et contradictoire. Je trouve ça assez rassurant et je trouve qu'il donne de bonnes clés pour pas trop se prendre la tête et essayer de vivre sa vie d'en tirer autant de bonheur que possible.


Jules Brossard. Photo: Philippe Talaud (C)

auto-portraits d'élèves comédiens

(à suivre!)


BONUS: "12 minutes avec..." JULES BROSSARD (ITW)






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