L'événement dure depuis 21 ans. La 22ème édition de "Jazz Entre Les Deux Tours" vient renforcer les orientations prises ces dernières années sous l'impulsion du nouveau président Laurent Pironti: ouverture, pédagogie, éclectisme, partage. Bref, il s'agit de faire découvrir et aimer tous les jazz au public de la Nouvelle Aquitaine. Laurent nous explique dans les lignes qui suivent pourquoi, comment et rend un double hommage émouvant au Président Fondateur, Alain Le Meur, et à Didier Lockwood. Mais il regarde aussi vers la fête qui s'annonce: le pianiste Jacky Terrasson, le batteur Jean-My Truong, le guitariste Mike Wheeler de Chicago, Fred Pallem et le Sacre du Printemps, pour ne parler que d'eux, sont de la partie. Des ateliers en journée, des concerts le soir et une conférence concert pour commencer! Vous êtes prêts?
Enchanté Laurent. Vous êtes le Président de l'association « Jazz Entre Les Deux Tours ».
Enchanté Philippe. Oui, je suis le Président depuis 5 ans. J'étais Vice Président de l'association depuis 2001. C'est donc un projet que je connais bien.
Vous y êtes par amour du Jazz, de la Rochelle ou de la fête ?
En fait, c'est une rencontre humaine au départ. J'ai rencontré le Président fondateur du festival, Alain Le Meur, qui est décédé depuis. Alain était un passionné de musique, il m'a transmis sa passion. J'aimais, j'aime toujours la musique et Alain était quelqu'un de généreux et de très sensible. Ce sont des qualités que j'aime beaucoup. Il m'a proposé de rentrer dans l'asso en 2001 en qualité de Vice-Président, ça s'est passé comme ça et bien passé depuis pas mal d'années! A un moment donné, j'ai dû partir pour des raisons professionnelles. Et puis, malheureusement, Alain est décédé, il y a eu d'autres présidents et on m'a demandé de revenir. En la mémoire d'Alain j'ai accepté. Mais tout ça c'est une histoire humaine au départ. C'est vraiment par pure amitié. Bien évidemment j'aime la musique, la fête, mais au départ c'est vraiment de l'amitié.
Quel est votre travail à côté?
Je suis dans la radio, à France Bleu.
Oui, donc on est proche de tout ce qui est culture au sens partage d'émotions.
Absolument. Et j'ai aussi eu dans mon jeune temps quelques groupes de musique. J'ai toujours baigné dans le milieu musical. Je chantais. Et je jouais du kazou. C'était de la pop tendance The Smith, des choses comme ça. Et puis, je déclamais également des textes.
Entre la poésie et la chanson ?
Oui, un peu. C'était conceptuel.
Ok. Une proximité avec la culture au sens large et la musique en particulier. Une histoire d'amitié... Ce qui baigne l'ambiance de l'association, ce sont toutes ces rencontres, ces échanges, cette familiarité entre tout le monde ? Qu'est ce qui caractérise l'association ?
On essaie vraiment de retrouver des valeurs associatives que l'on défend depuis 21 ans. On essaie de prendre au mieux des décisions collectives, parce que c'est important de faire marcher la tête et les jambes de chacun. Certains des bénévoles sont présents depuis quasiment le début de l'association. Quasiment... On se retrouve chaque année, les réunions ont lieu une fois tous les 3-4 mois, enfin une vie normale d'association. On est main dans la main et on fonctionne bien comme ça même si le noyau dur de l'association, c'est 3-4 personnes. Parmi les bénévoles, il y a notamment des jeunes retraités, parce que ça n'est pas facile de trouver des gens qui bossent et puis qui donnent de leur temps à côté de leur travail. Pas facile du tout. On est une 30aine pas plus et pour les 4 jours de festival, on est tous mobilisés. Il y en a qui s'occupent de conduire les artistes, les chauffeurs, il y a ceux qui font la préparation des assiettes pour les apéros bouffes jazz ou blues du soir. Il y a ceux qui préparent les loges. Ceux qui montent la salle avec le prestataire technique... Tout le monde met la main à la pâte. Au niveau de la programmation cette année, on a fait collectif, ce qui n'était pas le cas auparavant. Didier Lockwood était le Directeur Artistique du festival, il nous donnait ses lignes directrices. Il nous indiquait quel jazzman ou groupe programmer et nous on programmait les 1ères parties ou ce qu'on avait en apéro jazz. Toutes les têtes d'affiche c'était lui qui s'en occupait. Mais cette année on a tout fait nous-mêmes.
Didier Lockwood nous a malheureusement quittés en février 2018. Le festival lui a d'ailleurs rendu aussitôt hommage.
Oui, l'année dernière, le festival lui était était entièrement dédié. On avait invité son frère Francis, Diego Imbert et Fiona Monbet, que des gens qui ont joué avec lui - enfin qui n'a pas joué aussi avec Didier Lockwood?
Il était Directeur Artistique depuis le départ ?
Non, il l'a été pendant 5 ans
Comment s'est passée la rencontre ?
C'est l'ancienne présidente qui l'a rencontré, donc je ne peux pas dire. Moi je l'ai rencontré l'année d'après. C'était vraiment quelqu'un, encore une fois, c'est pas de la flagornerie ou autre, de super généreux. Il donnait, il donnait... c'était incroyable. Vraiment. Je n 'en revenais pas. Il était super simple. Quand j'allais le chercher au train, il arrivait un peu tard, des fois après 14h. A la Rochelle, hors période de vacances, pour trouver où aller déjeuner, ça n'était pas toujours facile, donc je l'emmenais dans des petits rades à 2 francs 6 sous et ça ne posait aucun problème. On passait un bon moment ensemble. C'est le genre de personne vraiment bien et sur scène, ou avec les mômes, il se donnait à fond. Il aimait beaucoup transmettre, donc on faisait pas mal de choses aussi dans les collèges, lycées. C'était un grand pédagogue.
Ca nous amène justement au fonctionnement du festival. En dehors de la programmation elle-même, il y a pas mal d'ateliers avec les scolaires ?
Absolument. On programme d'un côté, comme tous les festivals programment de la musique, mais ce qui nous intéresse également, c'est de donner à entendre aux écoles des quartiers de Mireuil où on est installés. On donne chaque année un concert en école élémentaire et en primaire. Là, cette année ce sera un concert blues avec un Cie de Thouars, en 2 Sèvres: "Les Bedaines de Coton". Ils jouent quelque chose autour de la vie d'un bluesman, Charley Paton et puis, écrit à l'encre sympathique derrière, on parle de l'esclavage. La Rochelle a été un port important où sont arrivés pas mal d'esclaves comme Nantes. On va donc avoir une approche pédagogique de ça et puis musicale. Ce même jeudi, pour les plus grands, au lycée technique Dassault de Rochefort, Mike Wheeler, le bluesman de Chicago, proposera une espèce de show-case. Il parlera de sa ville, de sa carrière, en racontant tout ça avec sa guitare. On fait aussi un atelier sur les métiers du spectacle avec la mission locale, l'Université et le collège Pierre Mendès France de Mireuil. On fait intervenir notre prestataire technique qui nous fait le son, les gens de la SACEM pour expliquer tout ce qui est droit pour comprendre comment ça se passe quand on est artiste. On invite aussi Cristal records, un grand label de jazz et de musiques de films implanté ici à La Rochelle, pour parler du métier d'attaché de presse et puis moi je parle de la communication et de la radio à tous ces jeunes et aux plus jeunes âgés qui sont à la recherche d'un emploi. C'est le vendredi après-midi. On essaie de faire en sorte d'ouvrir le festival au maximum. Le samedi matin, le pianiste Jacky Terrasson donne une master class au Conservatoire de Musique et de Danse de la Rochelle. On essaie vraiment de promouvoir le jazz partout parce que c'est vrai que pour l'entendre, il faut écouter France Musique ou TSF ou un peu Fip, mais sinon, il n'y a plus de jazz. Même sur France Inter, il n'y a plus d'émission de Jazz.
Pour continuer sur la pédagogie, le festival lui-même s'ouvre par une conférence concert, un partage de parcours avec un brésilien...
Oui, un musicien brésilien installé en Charente, Rômulo Gonçalves. Il va parler de la guitare Choro, de la musique et de la bossa nova pour un hommage à Joao Gilberto. C'est à la Médiathèque Michel Crépeau. C'est un concert conférence gratuit. On peut accueillir une centaine de personnes. C'est le premier concert du festival, il est ouvert à toutes et tous et on aime bien cette notion là de partage. Chacun peut y passer une oreille, jeter un œil, si ça lui plaît, il reste, si ça ne lui plaît pas il s'en va. Et ça je trouve ça top, on peut discuter avec le public, on lui file le programme... Voilà. On a besoin de public ! C'est super important, parce que sinon, on ne pourrait pas vivre.
Tous ces échanges avec les collèges, les lycées... C'est depuis le départ ou ça s'est construit au fur et à mesure ?
Alors pour ce qui est des collèges lycées, on essaie de le faire depuis quelques années. Mais depuis que je suis à la présidence, on le met en avant. Essayer de donner aux autres, quoi ! Les conférences métiers du spectacle, on en fait depuis que je suis là. Les écoles primaires on le fait avant, depuis 4-5 ans, vraiment. Avant, on faisait d'autres choses, mais c'était plutôt dans plein de lieux plus informels, des restos, des bars, comme un off. La partie pédagogique, on s'est vraiment installés là-dessus depuis 5 ans et dans le quartier de Mireuil.
Le quartier de Mireuil?
"Jazz entre les deux tours", c'est le nom de l'association qui programme le festival de Jazz de la Rochelle, mais il n'a plus lieu entre les deux tours que tout le monde connaît, il n'y a plus rien en centre ville. On a déplacé le Festival: ce ne sont plus les Tours classées, ce sont des tours HLM. Au milieu de ces tours, il y a une belle salle qui s'appelle l'Espace Bernard Giraudeau. C'est là qu'on programme le festival. Il y a un parking à côté, on vient sans problème en voiture. C'est un quartier plutôt populaire dans le bon sens du terme. On s'est dits pourquoi ne pas faire jouer le festival ici et y faire venir des gens qui vont plutôt voir du jazz dans des espaces fléchés comme une maison de la culture, mais pourquoi ne pas faire venir des grands noms comme Jacky Terrasson cette année dans ce quartier ? C'est un pari qu'on fait depuis 5 ans, ça n'est pas simple. Quand les gens ont des habitudes, c'est difficile de les casser. Mais on y arrive. C'est un pari à chaque fois. On joue aussi cette année dans la salle de musique amplifiée, la Sirène, un lieu identifié sur la Rochelle. On fait jouer Fred Pallem et le Sacre du Tympa, c'est une grosse formation, un gros orchestre avec un quatuor et plein de satellites, et ça n'était pas possible techniquement de les accueillir à Bernard Giraudeau.
Ce sera la clôture du festival d'ailleurs ?
Oui. Cette année, "Jazz Entre Les Deux Tours", c'est vraiment l'éclectisme. On a du swing en 1ère journée, du blues ensuite, du jazz et le 4ème et dernier soir c'est à la fois Pop, Jazz et Classique et il y a même de l'image, c'eest un peu cinématographique. C'est à dire que si on aime bien tous les arrangements de Jean-Claude Vannier ou les musiques des fois à la Polnareff, avec un peu de Miles ou Fela, Fred Pallem réussit à mélange tout ça et en plus il est autodidacte, le gars, je l'ai rencontré cet été à la Rochelle, il a le cœur sur la main. On est devenus fans, ça va être bien. C'est exigeant. C'est aussi ça, si on ne présente pas de la musique qui demande à être vraiment écoutée, c'est peut-être pas la peine d'être dans une asso qui programme de la musique.
Belle démarche, belle programmation... On vous souhaite un bon festival!
Propos recueillis par #PG9
+ d'infos: www.jazzentrelesdeuxtours.fr
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