Il enflamme depuis 5 ans les vers de Corneille en jouant Rodrigue dans "le Cid", enthousiasme le public de la France entière avec Scapin et ses fourberies, mais il co-écrit aussi des pièces qui ont un succès à chaque fois remarquable: "Les loupiotes de la ville", "La main de Leïla"... Kamel Isker fait partie de l'éclatante distribution de la très émouvante nouvelle création de Jean-Philippe Daguerre, "la Famille Ortiz", qui réussit un démarrage foudroyant au Festival Off d'Avignon: la pièce affiche complet jusqu'au 14 Juillet (à ce jour)! Le jeune comédien nous parle de son parcours, de ses projets, de sa passion et de sa manière de travailler. Vous aimez le théâtre? Vous allez vous régaler! Bonne lecture
Bonjour Kamel! On est dimanche 7/07... Avignon a commencé depuis très peu de temps. Comment ça se passe ?
Bonjour Philippe! A merveille ! On a eu la belle surprise d'afficher complet dès la première et je viens d’apprendre que l’on va l'être jusqu'au 14 juillet ! Ce scénario-là sur Avignon, s’agissant d’une création... c'est assez incroyable. Sinon, il fait très chaud !!
D'après ce que je lis les critiques et les gens sortent absolument ravis.
Ravis. Emus aussi. Un des multiples talents de Jean-Philippe Daguerre est d’écrire des histoires dans lesquelles le public se reconnaît. C’est une histoire de famille. Extra-Ordinaire et émouvante. L’identification est forte.
Ce qui m'avait vraiment frappé quand j'ai vu la lecture, c'est l'humanité des personnages. Des histoires de personnes, très incarnées, auxquelles on peut s'identifier effectivement.
C'est un spectacle qui ressemble énormément à son auteur. Imbibé d'amour et d'humanité. Il interroge la complexité humaine. Sans jamais juger ses personnages. Il questionne. Et invite les spectateurs dans cet échange. Et quel thème plus universel que celui de la famille, ses secrets, ses non-dits ?
Comment s'est passé le travail?
Jean-Philippe avait, je pense, le spectacle parfaitement en tête dès le début du travail. C'est très chorégraphié, extrêmement précis, très visuel. Les résidences ont été très agréables et très riches en création.
Vous faisiez vos retours pendant les répétitions? Je vais faire le parallèle avec la création de "La main de Léila" que vous avez co-écrit et interprété. Vous avez fait évoluer le projet tous ensemble ?
C'est assez différent. Sur "La Main de Leila", d’un commun accord, Aïda Asgharzadeh et moi avions décidé de ne pas mélanger nos casquettes. De "compartimenter". En journée, sur le plateau, nous étions investis dans nos rôles de comédiens. Et le soir, nous échangions avec Régis Vallée, le metteur en scène, afin de lui faire nos retours en tant qu’auteurs. Ici, c’est une dynamique autre. Jean-Philippe, que l’on connaît très bien, est très ouvert aux retours, au ressenti de ses comédiens. Un dialogue existait également avec son assistant à la mise en scène et ses producteurs. Il est très à l'écoute, mais c'est vraiment lui qui retravaille sa pièce, qui la corrige. Là par exemple, alors que le festival a commencé, on coupe, on essaie de nouvelles musiques, de nouvelles répliques, on modifie un tas de choses. On peaufine sans cesse.
Ca n'est pas déstabilisant pour vous en tant que comédiens?
Au contraire ! C’est très enrichissant ! Avignon est un véritable laboratoire. On reçoit à chaud les réactions des spectateurs, les retours sont quasi-immédiats. Ce qui nous permet de comprendre très vite ce qui fonctionne, ce qui fonctionne moins. C’est le privilège et la magie du spectacle vivant.
Et la troupe ? Parce que la distribution est formidable... Tous les comédiens qu'il y a sur ce projet-là sont tous des boules d'humanité, tous...
Oui, c’est vrai, tous ! Jean-Philippe choisit toujours des excellents comédiens, mais aussi de très belles personnes. Je connais bien Charlotte Matzneff, Stéphane Dauch et encore Antoine Guiraud pour avoir joué avec lui "Les loupiotes de la ville" pendant 10 ans. Ces 3 comédiens sont juste incroyables. Et j'ai découvert Isabelle de Botton et Bernard Malaka, de grands talents, très généreux.
Le mot qui me vient tout de suite en tête, c'est le mot « famille » évidemment!
C'est le mot ! C’est d’autant plus évident pour nous de raconter l'histoire de la famille Ortiz ! Il est ardu de vous parler du spectacle sans trop en dévoiler. Parce que le sujet repose justement sur le secret. Une famille extra-ordinaire: "un père, une mère et leurs enfants rois". C'est une fratrie de 3 garçons qui voue une admiration folle à leurs parents, particulièrement au père. On va découvrir un secret de famille et essayer de comprendre ce qui a poussé Pierre à fuir les siens pour s'exiler au bout du monde et s'inventer une nouvelle vie…
Ok ! On n'en dira pas plus. Alors, on va parler de vous, Kamel Isker. Avec Antoine Guiraud vous avez expérimenté le "mime perturbé"... Qu'est ce que c'est?
Sans le savoir, on a créé un spectacle qui allait vivre 10 ans: "Les loupiotes de la ville". C'est parti d'une blague pour faire rire les potes du conservatoire et c'est devenu une formidable aventure théâtrale ! L'histoire de deux SDF qui se rencontrent sur un banc et qui laissent filer leur imaginaire. Ils étaient tour à tour pêcheurs, pilotes, boxeurs... Un univers à la Chaplin, évidemment, d'où le titre en référence aux lumières de la ville... Ce spectacle nous a fait énormément voyager.
Vous y avez exploré l'art de la gestuelle...
Exactement ! D’ailleurs, Jean-Philippe avait en tête "Les loupiotes..." en pensant à nous pour "La Famille Ortiz". Nos corps se répondent très vite avec Antoine, c'est parfait pour des jumeaux. Et c’est réjouissant de nous retrouver sur ce spectacle dans cette complicité-là. On s'amuse énormément.
Vous arrivez de où ?
J'ai fait le Conservatoire du 13ème arrondissement et j'ai tout de suite enchaîné des spectacles dès ma sortie. J'ai entre autres travaillé avec Gloria Paris pour "Filumena Marturano", Johanna Boyé pour "Le cas de la famille Coleman", Eric Bouvron pour "Marco Polo", Jean-Philippe Daguerre pour "Le Cid" et "Scapin"…
Vous êtes rentré dans la famille du "Grenier de Babouchka"...
Oui, dans cette magnifique famille depuis 5 saisons déjà ! Molière, Corneille… Beaucoup de classiques ont été montés.
C'est une troupe qui jongle avec les mots, les projets... une troupe d'acrobates !
C'est une troupe composée d'une quarantaine de comédiens qui existe depuis une quinzaine d'années et qui défend le spectacle populaire au sens noble du terme. Et généreux. Un hommage au spectacle tréteau comme pouvait en faire Molière. "Scapin" en est déjà à sa cinquième saison (le rôle sera désormais tenu par Geoffrey Palisse), "le Cid" se poursuit (j'ai la chance de partager le rôle avec Thibault Pinson qui interprète également un magnifique Rodrigue). Ces spectacles tournent énormément depuis quelques saisons...
Et vous réussissez à trouver le temps d'écrire en parallèle, comme cette belle petite pièce qui mine de rien s'est retrouve nominée aux Molières en 2018...
"La main de Leïla", c'est d’abord la rencontre avec Aïda Asgharzadeh. Nous décidons de nous écrire un Roméo et Juliette à l'algérienne. L'aventure commence au théâtre des Béliers dans la petite salle. Puis, je m’en souviens encore parfaitement, la création a lieu à Avignon, le 4 juillet 2016. Enfin, ce parcours incroyable jusqu’aux deux nominations. On est allés au delà de nos rêves.
Le Théâtre, pour vous, c'est toute votre vie? Un bout? C'est quoi?
C’est une vraie passion. Le théâtre fait partie de ma vie, c’est un bout de ma vie. Je mesure ma chance incroyable d’y défendre de très beaux textes, d'être si bien entouré et de rencontrer des personnes incroyables. Jean-Philippe est une rencontre essentielle dans mon parcours.
Quels sont vos projets ? Que voulez-vous faire de tout ça, puisque vous êtes en train de construire une très belle carrière ? Vers où voulez-vous aller ?
Continuer à camper de merveilleux personnages me semble une formidable destination ! J'aimerais aussi avoir l’opportunité d’explorer d’autres terrains de jeu, comme le cinéma par exemple. Et puis une très belle saison se prépare : "Les Poupées Persanes" d’Aïda, un spectacle sur l’Iran mis en scène par Régis Vallée, "Là-Bas de l'Autre Côté de l'Eau" de Pierre-Olivier Scotto sur la Guerre d'Algérie, mis en scène par Xavier Lemaire et puis, bien sûr, "La Famille Ortiz" qui sera à l’affiche dès la rentrée au Théâtre Rive Gauche.
Vive le théâtre ! Bravo pour tout ça et pour tout ce que vous donnez tous ensemble sur ce très beau nouveau spectacle de Jean-Philippe Daguerre. Un mot de conclusion ?
J'ai l'impression d'être extrêmement chanceux. C’est tout simplement incroyable de pouvoir vivre ses rêves. Alors je savoure chaque instant...
Propos recueillis par #PG9
[Presse - in France Info le 5/07/2018] Avignon Off 2019 : après "Adieu Mr Haffman", Jean-Philippe Daguerre touche au cœur avec "La Famille Ortiz". L'article ici
Avignon, OFF 2019, jusqu'au 24/07 à 17h15, Théâtre Actuel: "La famille Ortiz" puis à la rentrée au Théâtre Rive Gauche - Paris
Bon festival à toutes et à tous...
[Avignon 2019] Quelques spectacles à voir dans le #Off19! (liste partiale non exhaustive!)
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